LIMOGES (87) – Rue du Clos-Adrien

Les fouilles archéologiques menées sur le site de Limoges (87) – Rue du Clos-Adrien ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Jérôme Lachaud dans le cadre d’un projet d’aménagement porté par Communauté d’agglomération Limoges Métropole. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges datés de l’Antiquité à l’époque contemporaine.

Les objectifs de recherche à l’origine de la prescription archéologique

Les objectifs scientifiques de cette opération étaient multiples :

  • Comprendre l’évolution de la voirie dans ce secteur, de l’Antiquité à nos jours, en essayant de rattacher le plus précisément possible les niveaux d’empierrement mis en évidence avec les voies antiques mises au jour précédemment. Chercher tout élément de datation relative ou absolue pour phaser ces niveaux de circulation et définir leurs emprises respectives.
  • Pour les sépultures carolingiennes, déterminer l’étendue de l’espace funéraire et mettre en évidence toute trace d’un éventuel édifice religieux contemporain.
  • Mettre en relation le système de captage d’aquifère (terrain perméable permettant l’écoulement et le captage de l’eau) mis au jour au sud en 2015 et dans la rue du Clos-Adrien lors du diagnostic de 2022 avec les deux tronçons d’aqueducs et les puits découverts en 1976.
  • Mieux définir l’évolution globale du quartier depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine.

Présentation des résultats

Les vestiges identifiés lors de l’opération concernent l’Antiquité, le haut Moyen Âge, l’époque moderne et l’époque contemporaine.

Une zone de captage d’aquifères en limite occidentale de la ville antique

Pour l’Antiquité, deux grandes thématiques ressortent : le captage d’aquifères et la voirie.

Le captage d’aquifères prend la forme d’au moins trois réseaux distincts d’aqueducs, dont deux prennent leur source sur la partie sommitale de la rue, l’un étant dirigé vers le sud-est, l’autre vers le nord-ouest. Ce dernier constitue d’ailleurs une information inédite : les aqueducs précédemment découverts dans ce secteur sont tous dirigés au sud ou à l’est. Un troisième réseau, directement lié à celui découvert en 1976 sous l’immeuble au n° 16 de la rue, concerne la zone médiane de celle-ci et présente un meilleur état de conservation que les deux en partie sommitale. Ce réseau a pu faire l’objet d’une exploration complète des parties accessibles et se compose d’un ensemble de galeries d’une longueur totale de plus de 31 mètres, principalement orienté d’ouest en est, et de deux puits de creusement (Fig. 1) distants de moins de 9 mètres l’un de l’autre, tous deux recouverts de dalles en pierre de grand appareil. La majeure partie de ce réseau était encore en eau sur plusieurs décimètres de hauteur et l’extrémité ouest d’une galerie (Fig. 2) a été identifiée comme un captage encore productif, de l’eau ruisselant d’une anfractuosité de la paroi.

Fig. 1 : Puits de creusement avec dalle de couverture et départ de galerie d’aqueduc. Crédit : Éveha 2024
Fig. 2 : Galerie d’aqueduc souterraine avec zone de captage en fond. Crédit : Éveha 2024

Les vestiges de voirie rattachables à l’Antiquité se concentrent principalement en partie orientale de la rue. À l’intersection avec la rue Ferdinand-Buisson, une potentielle portion du Decumanus D-VIII a été observée en plusieurs étapes, en plan (Fig. 3) et en coupe. Plus à l’ouest, une voie légèrement bombée, composée de plusieurs recharges et niveaux de circulation, semble s’orienter selon un axe nord-ouest–sud-est, non loin du tracé théorique du Cardo C-I. Enfin, il n’est pas exclu que d’autres sections de voie puissent dater de l’Antiquité jusqu’en partie occidentale de la rue, mais leur orientation et chronologie restent à préciser.


Fig. 3 : Portion de voirie antique. Crédit : Éveha 2025

Un petit ensemble sépulcral inédit

La période du haut Moyen Âge concerne un petit groupe de cinq sépultures, dont celles déjà identifiées lors du diagnostic (Fig. 4). Aucune d’entre elles – loin s’en faut – n’était complète et leur état de conservation général était dégradé. Néanmoins, leur orientation classique et cohérente les unes par rapport aux autres, leur proximité relative et leur localisation topographique permettent assurément de considérer cet ensemble comme un espace funéraire. La datation par radiocarbone réalisée suite au diagnostic en 2022 indique qu’elles auraient été mises en place à l’époque carolingienne, ce qui constitue une donnée inédite dans cette partie de Limoges où aucun édifice cultuel de cette époque n’est recensé. Le Moyen Âge central ne semble pas être représenté sur cette opération.


Fig. 4 : Sépulture incomplète perturbée par un réseau contemporain. Crédit : Éveha 2024

Un secteur peu aménagé à l’époque moderne

Cette période est principalement représentée par du mobilier céramique identifié dans des remblais ou structures en creux partiellement reconnues, telles que des fosses aux fonctions restant à préciser, mais s’apparentant à des dépotoirs. Des éléments de voirie, peut-être correspondant aux états les plus anciens de l’actuelle rue du Clos-Adrien, pourraient également se rattacher à la fin de cette période.

Une urbanisation très progressive aux XIXe et XXe s.

L’époque contemporaine, enfin, regroupe elle aussi des vestiges de voie antérieures aux rues goudronnées du XXe s., mais aussi des éléments de maçonneries dont la majorité se concentre aux extrémités occidentale et orientale de la zone prescrite. Il s’agit manifestement d’anciens alignements de façades démolis, sans doute dans le cadre d’aménagements urbains visant à élargir l’assise de la rue, principalement côté nord en partie orientale et côté sud en partie occidentale (Fig. 5). Le mobilier (céramique, verre) associé à ces niveaux de destruction, mais aussi dans les maçonneries, évoque clairement la période contemporaine.


Fig. 5 : Portion de mur contemporain. Crédit : Éveha 2025

Les recherches à venir

Plusieurs problématiques seront traitées dans le cadre de l’étude post-fouille.

En premier lieu, la description, l’interprétation et la mise en relation des réseaux d’aqueducs antiques, avec les découvertes antérieures du même ordre, devraient permettre de vérifier la contemporanéité de cet ensemble de captage d’aquifères de l’ouest de la ville antique et sa potentielle extension vers l’ouest, au-delà des limites urbaines.

Les vestiges de voirie, toutes périodes confondues, occuperont également une part importante du travail d’analyse afin de rattacher autant que possible les portions identifiées à des axes routiers déjà connus ou d’en déterminer de potentiels nouveaux.

Le petit ensemble funéraire d’époque carolingienne doit faire l’objet d’une étude anthropologique. Son caractère inédit nous invite à considérer la possible présence d’un édifice cultuel contemporain dans les proches environs.

Les modalités d’occupation des abords immédiats de la rue du Clos-Adrien constituent un autre enjeu de l’étude, de l’Antiquité aux périodes plus récentes, dans un secteur considéré comme en limite de la ville antique, avant d’être progressivement (mais pas complètement) délaissé au Moyen Âge voire à l’époque moderne.

Enfin, l’urbanisation progressive aux XIXe et XXe siècle sera abordée à la lecture des éléments bâtis (anciens alignements de façade) mis au jour aux deux extrémités de la zone prescrite.