ROCHEFORT (17) – 16 rue du Docteur Peltier – Ancien hôpital civil Saint-Charles

Les fouilles archéologiques menées au pied de l’Ancien hôpital civil Saint-Charles à Rochefort (17) ont été réalisées sous la responsabilité de Sandrine Guillimin dans le cadre du projet d’aménagement porté par la Communauté d’agglomération Rochefort Océan.
Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges datés des époques moderne et contemporaine.

Cadre de l’intervention

Dans le cadre de la réhabilitation de l’ancien hôpital Saint-Charles de Rochefort, une fouille a été prescrite sur une zone de 4 200 m² située au sud-ouest du bâtiment principal conservé dans le projet, laquelle devait être impactée par la construction d’un nouveau bâtiment de formation par la Communauté d’agglomération Rochefort Océan.

Elle concernait une portion des fortifications érigées dans les années 1670-1680 pour protéger la ville nouvelle, développée autour de l’arsenal maritime royal établi quelques années auparavant.

Cette opération, mêlant fouille sédimentaire, étude de bâti et recherche documentaire, avait pour principal objectif de documenter chaque élément de ces fortifications (rempart, talus interne, fossé et aménagements postérieurs tels que des caniveaux), en précisant le plan, la mise en œuvre, les phases d’utilisation ainsi que l’évolution jusqu’à leur abandon définitif dans la seconde moitié des années 1920.

L’enceinte urbaine rochefortaise

Malgré le fort impact sur le site de la construction puis de la démolition récente des bâtiments annexes de l’ancien hôpital Saint-Charles, la fouille a notamment permis de remettre au jour une portion d’environ 80 m de long du rempart occidental et de son large fossé défensif, jusqu’au départ du redan dit « de la Forêt », ouvrage saillant marquant l’angle nord-ouest de l’enceinte urbaine (Fig. 1 à 4).


Fig. 1 : Plan général des vestiges. Crédit : Éveha, 2025.

Fig. 2 : Vue générale du site depuis le sud, avec au nord-ouest le bâtiment principal de l’ancien hôpital civil en cours de réhabilitation et au nord l’ancien hôpital de la Marine. Crédit : Éveha, 2025.

Fig. 3 : Vue générale du site depuis le nord après le dégagement total du rempart et de la cunette. Crédit : Éveha, 2025.

Fig. 4 : Vue d’ensemble depuis l’ouest. Crédit : Éveha, 2025.

La base du rempart y est encore conservée sur 1 à 3,20 m de hauteur (Fig. 5). Ce mur, mesurant jusqu’à 2,15 m en fondations et entre 1,50 et 1,80 m de large au niveau de son arase, se caractérise par un parement de moellons calcaires rythmé par des chaînes harpées en pierre de taille. À son pied, au fond du fossé qui mesure quant à lui environ 12 m de large, un caniveau pavé (cunette) a également pu être entièrement dégagé.


Fig. 5 : Portion la mieux conservée du rempart. Crédit : Éveha, 2025.

À l’avant des fortifications, aucune structure n’a été mise en évidence sur le glacis en dehors de lambeaux d’un sol en calcaire concassé et d’aménagements contemporains liés à l’hôpital (bassin, fosses d’arbres, réseaux). À l’arrière du talus arasé, quelques lambeaux de murs, ornières et rares fosses dont certaines ont livré de la céramique du 18e siècle, ont été perçus sur les quelques zones épargnées par les réseaux, les fondations des bâtiments de l’hôpital (ancienne maternité, école d’infirmières…) et les vastes creusements résultant de leur destruction.

De la construction (années 1670-1680) à la destruction (années 1920)

Ces éléments marquent l’évolution dans le temps des fortifications rochefortaises qui se réduisaient à l’origine à un simple fossé avec talus interne. Bien qu’elles aient très vite été améliorées, ce n’est que dans un second temps que le mur est érigé, ce que l’on distingue avec sa tranchée de fondation qui recoupe le fond du fossé (Fig. 6). Le terme « améliorées » n’est toutefois pas tout à fait adapté, le système d’enceinte à redans étant déjà archaïque au moment de sa construction, faute de budget pour construire des bastions plus modernes.


Fig. 6 : Coupe ouest-est du fossé et de la cunette. Crédit : Éveha, 2025.

Le fossé, mal entretenu, est en partie comblé quand une cunette pavée est installée le long du mur pour y faciliter l’écoulement des eaux (Fig. 7), probablement à la fin du 18e siècle quand de grands travaux sont mis en œuvre pour améliorer la salubrité de la ville.


Fig. 7 : Vue générale de la cunette depuis le sud. Crédit : Éveha, 2025.

Malgré cet aménagement et un curage « régulier », le fossé et sa cunette qui reçoivent les eaux usées de la ville continuent d’être très insalubres, d’autant plus qu’ils servent le plus souvent de dépotoir à ciel ouvert. C’est en partie ce qui finira par décider la municipalité à combler définitivement le fossé et à démolir une grande partie du rempart, déclassé en 1921.

Mobilier domestique et médical des années 1920

Le mobilier issu du fossé et de sa cunette, que ce soit de leur dernier niveau d’utilisation ou du comblement massif final, se compose d’objets du quotidien (très nombreuses bouteilles de bière, de vin ou de soda, pots à moutarde, fragments de vaisselle, outils ou autres éléments en métal, restes de chaussures, boutons, peignes…) dont quelques éléments particulièrement typiques du milieu des années 1920 comme des flacons en verre et tasses publicitaires de Viandox de Liebig ou encore un flacon de « Corector », produit détachant pour l’encre. Nous pouvons également signaler la découverte d’une décoration militaire perdue ou jetée au pied du rempart (Fig. 8), médaille en argent commémorant l’expédition française de Chine en 1900-1901.


Fig. 8 : Médaille commémorative de l’expédition de Chine (1901). Crédit : Éveha, 2025.

Un dépotoir très particulier a également été découvert à l’angle de la courtine et du redan, constitué en grande partie de très nombreux fragments de verrerie de laboratoire (tubes à essai, tubes capillaires, ampoules, éprouvettes, pipettes, flacons…) rejetés ici par l’hôpital civil Saint-Charles situé à l’intérieur de l’enceinte ou, plus probablement, par l’hôpital de la Marine situé juste à l’extérieur (Fig. 9).


Fig. 9 : Vues depuis le nord et zénithale du reste de l’amas de matériel de laboratoire rejeté au fond du caniveau dans les années 1920 par l’un des hôpitaux, juste avant le comblement massif du fossé. Crédit : Éveha, 2025.

Les recherches à venir

L’analyse des données de terrain et des données issues des recherches en archives devra notamment permettre de documenter la construction des fortifications, de vérifier la mise en œuvre des nombreux projets établis à l’époque, et surtout de renseigner leur évolution dans le temps.

Il conviendra de s’attarder plus particulièrement sur le fossé, moins connu et moins décrit que le mur dans la littérature, et surtout plus complexe que ce que l’on envisageait. Son étude visera à comprendre les différentes modifications qui lui ont été apportées, ses différentes phases de comblement, les aménagements associés comme la cunette et la datation de chaque élément.