Les fouilles archéologiques menées sur le site de NORT-SUR-ERDRE (44) – Espace Charles de Gaulle ont été réalisées par le bureau d’études Éveha, sous la responsabilité de François Pinaud, dans le cadre du projet d’aménagement porté par la commune de Nort-sur-Erdre. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges datés de la Protohistoire, de l’Antiquité et du Moyen Âge.
Les vestiges antérieurs au Moyen Âge
La fouille préventive menée sur l’Espace Charles de Gaulle à Nort-sur-Erdre a permis de mettre au jour une importante occupation allant de la période carolingienne au Moyen Âge central (9e – 11e siècles). Quelques vestiges antérieurs et postérieurs sont présents, mais ne caractérisent pas de véritable occupation dense au sein de l’emprise.
Les vestiges les plus anciens observés consistent en de rares éléments céramiques potentiellement protohistoriques observés dans quelques fosses éparses et dans un niveau de colluvion dans lequel apparaissent la plupart des vestiges. Ces éléments sont probablement à rattacher à une occupation de La Tène finale (150 – 50 av. notre ère), identifiée à 135 m environ au sud-ouest de notre emprise de fouille, sur la Place du Champ de Foire/ Rue François Dupas.
Sur toute la partie ouest de l’emprise, plusieurs grandes fosses polylobées apparaissent, dont deux de très grandes tailles, pouvant être identifiées comme de probables fosses d’extraction antérieures à l’occupation médiévale. La présence de tegulae et de quelques éléments céramique (en faible quantité) nous permet de proposer une datation concernant l’Antiquité pour ces grandes fosses. L’étude céramique et une datation radiocarbone pourront préciser en post-fouille la fin de l’activité d’extraction sur l’emprise. Les vestiges antiques sont complétés par quelques rares fosses à l’est de l’emprise, présentant peu de mobilier.
Les axes de circulation médiévaux
L’occupation la plus importante détectée concerne la période suivante, du premier Moyen Âge. Une forte densité de vestiges médiévaux, organisés de manière assez orthonormée autour de deux axes de circulation perpendiculaires formant un carrefour, a pu être observée et étudiée. Un premier axe est-ouest est essentiellement identifié par des fossés bordiers et de probables fonds d’ornières et nid de poules. Le second axe orienté nord-nord-ouest – sud-sud-est présente, sur sa portion nord, un niveau de voirie avec une bande de roulement conservée. Cette dernière est constituée de pierres de quartz et de plaquettes de schiste, de modules petits à moyens, posées à plat sur le substrat. Sur une des portions nettoyées manuellement, l’orientation de l’axe de circulation est confirmée par des alignements formés par les pierres. Au niveau du carrefour, l’empierrement disparaît pour laisser place à un niveau de cailloutis plus fin qui est joint au niveau de pierres. Ce cailloutis présente potentiellement plusieurs niveaux de recharges sur la voie, et est accompagné de nombreuses céramiques médiévales très fragmentées, caractérisant un espace de circulation. Ce niveau de sol n’est pas conservé vers le sud, au-delà du carrefour. Le prolongement de la voirie y est tout de même attesté dans cette direction par la présence de nombreuses pierres en surface du substrat et de fossés antérieurs suivant le même axe.

La présence de plusieurs fossés parallèles sur ces axes de circulation présentant pour certains de multiples creusements, et dont certains peuvent fonctionner deux à deux, caractérisent plusieurs phases dans le fonctionnement des voiries. L’interruption volontaire de plusieurs fossés, ainsi qu’un fossé présentant un angle droit, au niveau du croisement des deux voies, attestent du fonctionnement simultané de celle-ci et de l’existence d’un carrefour. Une première phase primitive (deux fossés parallèles recoupés par tous les autres fossés), à l’axe de circulation est-ouest, ne présente pas d’interruption au niveau du carrefour, et suggère la primauté de cet axe sur celui nord-nord-ouest – sud-sud-est.
Le reste de l’occupation médiévale
De nombreux vestiges constitués essentiellement de trous de poteau et de fosses s’installent le long des deux espaces de circulation, se concentrant autour du carrefour formé par celle-ci.

Tout d’abord, un petit enclos quadrangulaire délimité par un fossé, s’installe dans l’angle nord-ouest du carrefour. De nombreux poteaux et quelques fosses sont présents en son sein, ainsi qu’une grande fosse quadrangulaire à fond plat et aux parois quasi verticales pouvant être interprétée comme une probable cave, s’installant sur la frange est de l’enclos. Celle-ci est cernée de poteaux, qui caractérise un probable bâtiment couvrant une superficie plus grande que celle de la cave qu’il surplombe. Très peu de mobilier a été retrouvé dans son comblement constitué en grande partie de substrat remanié, traduisant un comblement volontaire et rapide. Une seconde grande fosse apparaît au sud-est de l’enclos, au plan ovalaire, associée à une excroissance circulaire pouvant être assimilée à un cellier avec fosse d’accès accolée. Celle-ci a la particularité d’avoir servi de fosse dépotoir à l’abandon de sa fonction première, et a révélé un important lot céramique, daté à priori des 10e-11e siècles, ainsi que de nombreux fragments de terre cuite, et un fragment de meule.

La densité de poteaux suggère plusieurs phases d’un même ensemble avec une occupation continue au sein de l’enclos.
D’autres ensembles sont présents au nord-est et au sud-ouest du carrefour, avec de nombreux trous de poteau et fosses, ainsi que deux structures de combustion (une sur chacune des zones), probables foyers en fosse. Ces ensembles seront à préciser en post-fouille, car il a été difficile de prime abord de voir des ensembles cohérents dans ces zones, au vu de la densité de structures et de la difficulté de lecture du terrain, qui a nécessité de multiples redécapages, chacun permettant de repérer de nouvelles structures.
La difficulté de lecture de toute la zone est de l’emprise s’explique par la présence de nappage couvrant les structures, de perturbations contemporaines (réseau électrique des luminaires du parking), mais également par une submersion de la zone postérieure à l’occupation, une montée du niveau de l’Erdre ayant rendu la zone fortement inondable. Celle-ci a rendu hydromorphe les comblements de structures et le substrat, compliquant la lecture des vestiges.
La densité de poteaux et de fosses, tout comme les différents états de voiries, semblent caractériser plusieurs phases d’une occupation continue, allant au moins des 8e-9e siècles aux 10e-11e siècles au vu des éléments céramiques découverts. Cette chronologie sera à confirmer et affiner par une étude céramique approfondie et des datations radiocarbones.
Le mobilier découvert est essentiellement céramique (avec des formes variées : pots, cruches, couvercles, lampes à huile) accompagné de quelques éléments lithiques (fragments de meules, aiguisoirs), lapidaires (ardoises de couverture épaisses), ainsi que de rares fragments d’objets métalliques très corrodés. La nature des sédiments présents sur l’emprise a fait disparaître la plupart des objets métalliques, ainsi que les éléments organiques, comme la faune, totalement absente.
La densité de vestiges médiévaux avec les voiries associées est à corréler aux données archéologiques et historiques connues à proximité de l’emprise de fouille. Celle-ci est située entre une nécropole du haut Moyen Âge (sarcophages en calcaire coquillé et coffrages en schiste) à environ 50 à 100 m à l’ouest au niveau d’une ancienne chapelle Saint Martin et un franchissement de l’Erdre à proximité à l’est, donnant sur le faubourg Saint-Georges de Nort-sur-Erdre sur l’autre rive, où est mentionnée la fondation d’un prieuré par des dons d’alleutier d’une église à l’abbaye de Marmoutier au 11e siècle.
La présence d’un pôle funéraire et probablement ecclésiastique, ainsi qu’un franchissement de l’Erdre à proximité, la densité de l’occupation caractérisant un groupement de population, auxquels s’ajoute la présence de voiries, dont une empierrée et une autre (l’axe est-ouest) pouvant relier l’ensemble, nous permettent de qualifier les vestiges médiévaux découverts au sein de l’emprise, comme étant probablement une portion d’un village ou d’un petit centre urbain installé sur les abords de l’Erdre, dont l’occupation couvre la seconde moitié du premier Moyen Âge au Moyen Âge central.

La conservation des vestiges de cette période est probablement due à la montée du niveau de l’Erdre, postérieurs à l’occupation, ayant rendu la zone inondable. L’occupation s’est alors probablement déplacée vers le nord et l’ouest, un peu plus en hauteur, hors de la zone inondable.
Cette hypothèse semble attestée par la présence de trois fossés parallèles nord-sud recoupant les vestiges médiévaux, et datés vraisemblablement de la période moderne et du début de l’époque contemporaine. L’un d’eux correspond à une limite de parcelle visible sur le cadastre napoléonien, et les deux autres renvoient vraisemblablement à la limite de la zone fortement inondable, antérieure à la limite parcellaire du 19e siècle. Deux autres fossés parallèles, présentant une orientation et un écart similaires, sont visibles à une cinquantaine de mètres à l’est de l’emprise sur le cadastre napoléonien. Ces derniers encadrent un ensemble de parcelles délimitées par des fossés en eau dérivés de l’Erdre. La cohérence de l’ensemble parcellaire visible sur le cadastre du 19e siècle suggère que deux des fossés parallèles nord-sud observés sur l’emprise correspondent à un état antérieur à la délimitation de l’ensemble des parcelles avec fossés en eau, traduisant des variations du niveau de l’Erdre et de la zone fortement inondable, matérialisée par le caractère hydromorphe de toute la partie est de l’emprise.
Enfin, l’occupation moderne et contemporaine est complétée par quelques fosses, et notamment un puits maçonné recoupant la voirie médiévale. Son comblement terminal est récent, comme en témoigne la présence de plastique. On constate donc un important hiatus dans l’occupation, avec l’absence de vestiges du second Moyen Âge.
La post-fouille
L’étude post-fouille du site de l’Esplanade Charles de Gaulle de Nort-sur-Erdre s’attachera, dans un premier temps, à préciser les bornes chronologiques des vestiges des différentes périodes présents sur l’emprise, au travers l’étude de la céramique et de datations radiocarbone. La chronologie de l’occupation principale identifiée lors de la fouille concernant au moins la seconde moitié du haut Moyen Âge et le Moyen Âge central devra être confirmée et affinée par les mêmes moyens. Un phasage au sein de cette occupation, ainsi que sur les voiries associés, pressenti à la fouille, sera à préciser à l’aide également des éléments de chronologie relative observés sur le terrain.
La définition d’ensembles architecturaux cohérents (bâtiments sur poteaux) au sein de l’occupation médiévale, notamment dans l’enclos et autour du carrefour, sera recherchée. La caractérisation du ou des statuts de l’occupation à travers l’étude du mobilier sera privilégiée, notamment par l’étude de l’important lot céramique découvert lors de la fouille au sein d’une des fosses dans l’enclos au nord-ouest du carrefour. Cette étude cherchera à définir les catégories socio-fonctionnelles auxquelles appartiennent l‘occupation.
La réalisation d’une lame mince sur un prélèvement en colonne de la zone de cailloutis au niveau du carrefour est envisageable. L’étude micromorphologique de celle-ci permettrait de vérifier les hypothèses de recharge sur la voirie et l’existence ou non de différents niveaux de sols à cet emplacement au-dessus du niveau de cailloutis, ou, tout du moins, d’apporter des données sur le fonctionnement de la voirie.
La problématique d’une possible étude paléo-environnementale sera approchée par la réalisation de tests carpologiques sur divers prélèvements (résultats attendus dans les 12 mois suivant la fouille). Les observations géomorphologiques sur le terrain ayant écarté la possibilité d’un caractère hydromorphe contemporain de l’occupation médiévale, des études concernant la palynologie ne sont pas envisageables.
L’étude des éléments lithiques et des objets métalliques, en accord avec le service régional de l’Archéologie, se réduira à une identification si possible et à un inventaire, avec photo pour les objets clairement identifiés et une radio pour les quelques objets métalliques.