CHÂTEAUNEUF (21) – Château

Le site de Châteauneuf (21) – Château a fait l’objet de plusieurs opérations archéologiques dans le cadre du projet d’aménagement porté par Région Bourgogne-Franche-Comté. Réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Stéphane Guyot, elles ont permis d’intervenir au niveau du site de la Billeterie, sur la tour des Hôtes, la tour de la Porterie et sur les piles du pont dormant méridional.

Problématiques scientifiques

Les opérations archéologiques se sont déroulées lors de deux phases successives d’opération, l’une en 2022 et la seconde en 2023. La première portait sur la fouille sédimentaire d’une contrescarpe induite par la construction de la nouvelle billetterie du château et portant sur une surface de 294 m². La deuxième tranche fut une surveillance de travaux pour repérer et consolider l’enceinte de la contrescarpe.

Les objectifs scientifiques concernaient tous les vestiges et les occupations existants dans le sous-sol des deux emprises de la prescription, mis en exergue par le diagnostic archéologique. Le patrimoine archéologique devait être identifié, localisé, caractérisé en vue de son étude exhaustive. Les découvertes devaient permettre de définir et de documenter les éventuelles structures d’habitats, toutes les occupations et activités perceptibles ainsi que toutes les traces archéologiques dont l’axe privilégié était l’activité castrale. Le détail des objectifs des interventions était en premier lieu la structuration du site castral dans ses origines et son évolution qui devait être interrogée : morphologie et aménagement de l’éperon rocheux, mise en place du système défensif, courtines et tours, accès au site. Ces objectifs étaient le fil conducteur de toutes les emprises, même si, comme le cahier des charges l’évoquait, les aménagements précoces, antérieurs à la phase de réaménagement de Philippe Pot, restaient la problématique majeure. C’était donc aux différentes interventions de tenter d’appréhender les indices mettant en exergue la succession des logis et la chapelle dans laquelle s’inscrivait aussi l’étude de la culture matérielle et de l’ornementation (carreaux, enduits et éventuels décors peints).

La fouille de la Billetterie

Le décapage et la fouille ont permis de mettre au jour des structures maçonnées et d’une voie de circulation primitive. La profondeur atteinte par le décapage et par les sondages archéologiques programmés, dont l’objectif était axé sur la problématique des jardins, montra l’existence d’une quinzaine de couches stratigraphiques d’origine anthropique.

Les deux premiers niveaux de remblais anthropiques prirent place sur le substrat calcaire étêté. Leur percement permit l’installation d’un mur bordier, axé nord-sud, supportant et limitant deux niveaux de préparations et la couche de finition d’une voie de circulation. En associant le mur façade de l’habitat découvert en 2013, les deux structures et la voie convergèrent vers le pont et donc la porterie primitive du château mis en œuvre au début du XIIIe siècle. Cette datation fut confortée par celle réalisée par radiocarbone sur un charbon collecté dans une des couches. Le bois aurait ainsi été coupé entre 1165 et 1262 à 95,4 % de probabilité. Les relations stratigraphiques de la couche de roulement et de l’activité de la voie s’avérèrent en revanche plus tardives, puisque les unités conservées recouvrirent le mur et le remplissage du fossé bordier. Une datation légèrement plus précoce que celle de la fin du XVe siècle fut donc assurée, le terminus ante quem étant la construction de la nouvelle porterie à partir de 1477, et plus probablement autour des années 1482-1483.

Une fine couche d’occupation fut recouverte par plusieurs remblaiements qui témoignèrent de l’abandon de la voie. Un nouveau sol prit ensuite place et marqua une épaisse recharge de cette zone de la contrescarpe. Une zone de mortier de chaux attestait aussi de la réalisation de gâchage sur ce sol et donc probablement de travaux à proximité distincte des travaux de la porterie. Ce nouveau sol fut recouvert par un remblai très compact. Cette couche attesta elle aussi de l’abandon de cette nouvelle circulation et du troisième remblaiement de la zone.

Elle fut ensuite étêtée et percée pour la réalisation d’une tranchée fine de fondation est-ouest préalable à l’installation d’un mur. Identifiée comme une « enceinte » tardive, cette maçonnerie parcourut toute l’emprise de la fouille d’est en ouest en limitant la contrescarpe sur le nord, en limite parcellaire. Mise au jour lors de la surveillance de travaux d’avril 2023, cette maçonnerie barra donc la totalité de l’éperon. Un prélèvement de charbon de bois dans le mortier de chaux fortement terreux livra une datation radiocarbone située entre 1470-1530 à 37,1 % de probabilité, ou entre 1538-1636 à 58,3 % de probabilité. Déjà envisagé lors de la fouille en juillet 2023, un aménagement du début du XVIIe siècle fut ainsi privilégié. Le flanc méridional de la maçonnerie murale reçut plusieurs comblements de la zone avant l’implantation d’une nouvelle circulation. Ce sol fut donc synchrone de l’utilisation du mur, marquant par conséquent la fonction de soutènement de ce dernier et le nivellement de la contrescarpe. Il s’agit alors d’une phase d’intervention tardive, dont la précision chronologique ne pourra être évoquée qu’après l’étude du mobilier.

Par la suite, ce mur fut démonté en partie et recouvert par trois comblements, puis par de la terre végétale. Les bâtiments des parcelles septentrionales furent érigés et avec eux un mur de clôture qui comporta au moins deux phases. La trace d’un sondage géologique réalisé dans les années 1990/2000 traversa aussi les remblais successifs.


Fig. 1 : la voie d’accès à la porterie primitive du début du XIIIe siècle. Crédit Éveha 2023

Fig. 6 : Cliché sud de la voie. Crédit : Éveha 2023

Fig. 4 : Nouvel accueil en cours de construction au droit de la fouille sédimentaire. Crédit : Éveha 2023

Fig. 5 : Nouvel accueil en cours de finalisation et intégration des découvertes archéologiques. Crédit : Éveha 2023

La tour de la Porterie


Fig. 7 : La tour de la Porterie durant la fouille. Crédit : Éveha 2023

L’étude du bâti des élévations de la tour de la Porterie, c’est-à-dire les niveaux 2 et 3 intérieurs (la chambre de tir et l’actuelle billetterie hors emprise de l’étude) et l’intégralité des parements extérieurs ont été expertisés à l’aide des orthophotographies menées par Xavier D’Aire et Axelle Grznesznick du Centre d’études médiévales d’Auxerre (CEM).

L’expertise témoigne de la très grande homogénéité de la construction de la tour de la Porterie, des fondations enfouies dans les douves sèches jusqu’aux lauzes de la couverture récente.

Si de nombreuses ruptures sont marquées dans les parements des élévations extérieures, celles-ci appartiennent à des arrêts de chantier ou des approvisionnements différenciés en matériaux, dont l’origine n’a que peu atteint la nature technique du mortier de chaux. Le liant relativement grossier dans les joints gras n’est échangé – et pas systématiquement – qu’aux abords des baies dans le seul but d’une mise en œuvre en joints maigres.


Fig. 8 : Étude en cours de l’intérieur de la tour. Crédit : Éveha 2023

La façade occidentale, située dans la cour haute, est au contraire fortement structurée. Elle témoigne des travaux d’aménagements entre la conservation de la courtine du château primitif du début du XIIIe siècle et la construction de la tour de la Porterie dans les années 1482‑1483. Les interprétations ne sont pas encore totalement abouties, mais la courtine primitive est probablement conservée au centre de la tour, supprimée au droit des chaînages de la nouvelle tour, d’autant plus au nord par l’insertion de la cage d’un escalier hélicoïdal à noyau plein.


Fig. 9 : Base du noyau plein de l’escalier. Crédit : Éveha 2023

Cet appareil originel a également été déconstruit pour le percement d’une fenêtre dans le courant du XIXe siècle. Un îlot de quelques mètres carrés de la courtine primitive est donc conservé dans l’élévation remaniée.

En intérieur, la tour se compose de quatre niveaux. L’actuelle billetterie en usage au rez‑de‑chaussée avec son mobilier, couverte par une voûte en cul de four, et une chambre de tir inférieure dans les douves sèches, sont accessibles par une trappe. Aux étages, deux niveaux sont conservés, mais vides, sans poutraison. Hormis les réparations sommaires des arases sommitales, le plan quadrangulaire de la tour hémicirculaire – circulaire au dernier niveau sur encorbellement – des parements intérieurs reprennent le mode constructif externe. L’appareil est constitué de petits moellons équarris liés au mortier de chaux. L’architectonique et les modénatures (moyens utilisés pour animer une façade) des ouvertures, qu’elles soient des jours quadrangulaires ou des arbalétrières‑canonnières, ou les deux cheminées incorporées dans la maçonnerie occidentale, appartiennent toutes au XVe siècle. La présence de ces dernières dans les étages plaide pour une fonction de chambres. Les canonnières sont d’un type 4 de Messner, tout comme les fenêtres à coussiège (banc aménagé dans l’embrasure d’une fenêtre) et à jours qui arborent des linteaux à accolades à cavet (moulure concave dont le profil est un quart de cercle), des écoinçons pyramidaux ou à chanfrein, dont les productions se développent surtout dans le duché et le comté de Bourgogne dès le milieu du XVe siècle. Quelques linteaux droits synchrones sont aussi présents pour l’ouverture d’aération des latrines ou de l’escalier. Les latrines sont installées dans les escaliers à mi‑hauteur des deux chambres, incorporées non seulement dans le chaînage nord de la tour, mais aussi dans la courtine, dès lors restructurée pour recevoir son conduit quadrangulaire incorporé débouchant dans les douves sèches.

Les relations septentrionales entre la tour et la courtine primitive sont par conséquent déportées hors de l’emprise de l’étude. Toutefois, plusieurs moellons semblent trahir l’amorce d’une construction liée à la courtine primitive au contact de ces deux mêmes constructions. Ainsi, l’hypothèse de l’existence d’une tour primitive remplacée n’est pas à écarter.


Fig. 10 : Bloc en remploi dans le parement. Crédit : Éveha 2023

La tour des Hôtes

L’expertise a aussi porté sur le rez‑de‑chaussée de la tour des Hôtes. Il s’agit ici d’une chambre de tir sous voûte en cul de four, pourvue de trois arbalétrières‑canonnières. Si le mur septentrional n’est pas chaîné aux structures en fer à cheval de la tour, aucune reprise n’est remarquée dans le parement circulaire interne. Il est à noter que cette salle reçoit une trémie pour l’accès à une chambre de tir inférieure dans les douves sèches, située en dehors de l’emprise de fouille.

L’étude historique réalisée sur le château plaide pour une construction durant l’année 1480 et une mise en œuvre du Logis des Hôtes à partir de 1481. Cette succession des constructions est assurée par l’étude du bâti sans pouvoir en apprécier la finesse chronologique, mais en affirmant une production à partir du milieu du XVe siècle. Les relations stratigraphiques de la construction entre la tour et la façade méridionale, puis la tour et le Logis des Hôtes témoignent cependant que les chantiers ont été phasés dans le temps.

Ce mode opératoire ne s’avère pas directement logique au sein d’une telle construction qui doit garantir une pérennité certaine. Les constructions ne sont en effet pas chaînées en parement, ce qui fragilise grandement la statique de l’ensemble. Sans en admettre la construction chronologiquement disjointe, chaque espace construit est édifié de manière indépendante, telle que la construction du mur nord de la chambre de tir l’assure. La fermeture de la chambre de tir dans le mur nord est réalisée durant la construction de la façade méridionale de la cour haute et est estimée de manière synchrone dans l’étude historique.

Les piles du pont dormant méridional

La base des trois piles du pont dormant méridional ont fait l’objet de trois sondages sur leur flanc septentrional. Ils ont porté jusqu’à la profondeur maximale de 1,30 m, mettant en évidence une séquence stratigraphique constituée de deux à quatre couches de remblai. Leur chronologie tend vers une formation relativement tardive, semble-t-il, vers les XVIIe‑XVIIIe siècles. Ces investigations ne permettent pas d’identifier des occupations et activités « castrales » et n’ont pas permis d’expliquer l’implantation singulière de ces maçonneries et leur datation de mise en œuvre.


Fig. 11 : Coupe occidentale du sondage 2. Crédit : Éveha 2023

Fig. 12 : Charpente en cours d’installation sur la tour. Crédit : Éveha 2023

Recherches à venir

Les études post-fouilles se poursuivent et permettront de mieux comprendre l’évolution des différentes phases de construction et de modification du château de Châteauneuf.