Les fouilles archéologiques menées sur le site de Nanterre (92) – 403 Avenue de la République / CASH / Cours Sud Ouest – Nanterre Partagée ont été réalisées par le bureau d’études Éveha, sous la responsabilité de Rémi Blondeau, dans le cadre du projet d’aménagement porté par Icade Promotion / Novaxia / Crédit-Agricole Immobilier Promotion. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges datés des époques moderne et contemporaine.
Problématiques scientifiques du cahier des charges
L’objectif de la fouille était de compléter la connaissance de la Redoute du Petit-Colombes au regard des sources historiques, par des recherches archéologiques portant sur les vestiges arasés sous les cours actuelles, notamment en étudiant la topographie et les modalités de construction, la fonction et la datation des structures, leur organisation spatiale, afin de les comparer aux données historiques et archéologiques de cette période spécifique à la guerre de 1870-1871. Il était également demandé d’étudier la séquence de construction et le phasage éventuel du chantier, jusqu’aux gestes techniques. Il s’agissait de déterminer si les maçonneries repérées avaient été aménagées en tranchée ou si les remblais y avaient été adossés une fois les murs élevés. Une attention particulière a été portée à la recherche de mobilier militaire, mais également civil, et à la culture matérielle à des fins de typo-chronologie de cette période. Les traces d’usage relatives à l’intendance du site ou à la vie quotidienne ont été étudiées, et toutes traces éventuelles sur le site relatives à l’impact du conflit de 1870-1871 devaient être documentées.
L’un des objectifs de la fouille était aussi de rechercher des structures synchrones de la nécropole gauloise des sablières Hubert et des indices d’occupations antiques pour caractériser l’occupation du secteur lors du dépôt monétaire.
En suivant les recommandations du cahier des charges scientifiques, la fouille a visé à la reconnaissance, la caractérisation et le phasage des différentes phases de construction présentes sur le site, ainsi qu’à l’étude des niveaux de conservation, de la topographie et de l’organisation spatiale pour les comparer aux données historiques et militaires. La fouille aspirait également à l’identification des structures et aménagements relatifs à l’intendance et à la vie quotidienne et enfin à la réalisation d’un échantillonnage représentatif du mobilier présent dans les remblais.

Les vestiges d’un vignoble
La fouille a porté sur une surface d’environ 3 000 m². Elle a permis de mettre en évidence plusieurs alignements de fosses linéaires accompagnées de fosses ovoïdes réparties de part et d’autre du creusement principal. Le mobilier céramique découvert dans ces comblements est relativement rare, mais permet d’avancer une datation entre le 16e et le 18e siècle. La typologie de ces structures correspond à la plantation d’un vignoble et à des fosses de marcottage. L’étude documentaire des cartes des environs de Paris de l’abbé Delagrive 1731-1741 et des Chasses du Roi de 1764-1807 permet de confirmer la présence de vignobles sur les emprises de la prescription. Le vignoble pourrait correspondre à celui des Côtes d’Auty orienté sur la production de vin blanc.

Les traces des épandages de boues pour amender les champs
Un niveau sableux humifère recouvre l’ensemble des 3 emprises sur quelques centimètres et semble correspondre à un niveau d’épandage de boues urbaines. Il est constitué de matériaux organiques caractéristiques des rejets urbains, avec notamment de la malacofaune, des restes de petite faune, charbons de bois… et des objets divers de la vie courante : fragments de pipe en terre cuite, verrerie, céramiques, objets métalliques divers tels que les épingles en alliage cuivreux, boutons, clous, monnaie, mais également des objets manufacturés en os. Ce niveau pourrait correspondre aux épandages des boues urbaines de Paris, utilisées pour amender les champs dans toute l’Île-de-France.

L’utilisation systématique d’un détecteur de métaux a permis de collecter quelques rares indices du conflit de 1870-1871 faisant l’objet de la prescription. Il s’agit en particulier d’ogives en plomb de cartouche de fusil Chassepot, mais également de cartouches à broche Lefaucheux.

Les aménagements de la Maison de Répression
Le dégagement des murs repérés en cour centrale lors du diagnostic a rapidement permis de confirmer qu’il s’agissait de constructions liées à la Maison de Répression de Nanterre entre 1874 et 1886. L’étude d’archéologie du bâti a aidé à restituer les gestes techniques pour la construction de ces maçonneries, en particulier les systèmes de coffrages, l’intégration des adductions d’eau et des évacuations. L’observation de l’organisation spatiale de deux ensembles rayonnants de murs autour de la base d’une tour, surmontant une galerie souterraine permettant la communication entre ces deux espaces, ainsi que leur inscription dans l’organisation des bâtiments encore en élévation, permet d’identifier deux systèmes de promenoirs à tours panoptiques, desservis par une cour centrale.

Le nettoyage des murs a mis en évidence les négatifs des grilles et portes des espaces individuels dédiés aux prisonniers, mais également des aménagements sanitaires individuels dans chaque espace extérieur (adduction d’eau avec tuyaux en plomb et évacuation des eaux usées en drains céramiques vernissés).
Ces nombreuses canalisations sont toutes dirigées soit dans la galerie technique souterraine située au milieu de la cour, soit dans les galeries souterraines sous les bâtiments cellulaires en fonction de leur proximité. La galerie technique, située en cour centrale, surmonte elle-même un égout culminant à 6 m de profondeur qui n’a pu être documenté.

Un corridor autour de ces promenoirs a été observé, ainsi que les vestiges du mur d’enceinte situé en cour sud. L’imposant niveau de remblais, reposant sur les boues urbaines et s’appuyant contre les fondations des murs, est conservé sur 1,20 à 1,50 m de haut en cour centrale. L’étude de ses composantes de graviers stériles et lambeaux de boues urbaines dans la stratigraphie intercalée de ce remblai permet de comprendre sa mise en place. Il témoigne du rehaussement des niveaux de sols et trouve son origine dans le creusement des niveaux inférieurs des égouts de types parisiens aménagés avec des canalisations d’environ 1,60 m de haut à 6 m de profondeur en moyenne, ainsi que par la galerie technique centrale d’environ 2 m de haut et les niveaux inférieurs sous les bâtiments cellulaires (galeries techniques et caves). En cour sud, outre la mise en évidence d’un égout situé à 5,70 m de profondeur et de plusieurs canalisations, c’est le mur d’enceinte orienté SO-NE qui a été mis en évidence, ainsi qu’un épais niveau de circulation en calcaire damé constituant le sol d’une cour.
L’étude des archives a permis de dater la transition des constructions de la Maison de Répression jusqu’en 1902, vers la Maison départementale, avec une phase de travaux pour araser les murs et mettre en place des cours arborées. On constate un apport important de remblais de graviers en cour sud, contenant des déchets de fourneau. De nombreuses fosses de plantations témoignent de la mise en place d’aménagements paysagers en cours sud et centrale, documentant le changement d’affectation de cet établissement. Entre les années 1904 et 1950-70, plusieurs restructurations auront lieu, convertissant certaines fosses de plantation en poubelles. Un portique d’entrée donnant accès à la galerie de communication entre les différentes ailes des bâtiments trouve une correspondance avec une carte postale de la Maison Départementale datée « vers 1900 ».
Le réaménagement de la cour sud, par la suppression d’une partie importante des grands arbres, a donc multiplié les réceptacles de déchets entre les années 1920 et 1970. On retrouve entre autres du mobilier médical principalement composé de verreries : tubes à essai, ampoules de médicament, canules…, ainsi que de nombreux tessons de faïence blanche correspondant aux pots de chambre, et à la vaisselle blanche caractéristique des hôpitaux : bols, assiettes creuses, tasses.

Les objets civils sont documentés par les découvertes de peignes, encriers, lunettes, boutons, domino, monnaies et déchets de consommation : pipes en terre cuite, fragments de boîte de conserve, malacofaune, os de volailles…
Un petit bâtiment quadrangulaire est aménagé à l’entrée de la cour sud, il est composé de deux pièces et comporte, au sol, une série de plots pouvant indiquer l’aménagement d’un plancher surélevé. Il abrite un stockage de pots horticoles et comporte en partie centrale un aménagement cuvelé indéterminé. Le mur sud présente la particularité d’un réemploi de blocs de taille de deux dormants de fenêtres en plein-cintre.
En cour nord, l’emprise de prescription n’a pas permis de retrouver le mur d’enceinte, mais un égout situé à 6,50 m de profondeur et diverses canalisations ont été mises en évidence. De nombreuses tranchées linéaires parallèles, comblées de gravats, et toutes orientées SE-NO, ont été identifiées. Elles n’ont livré que peu de mobilier. Ces dernières sont recoupées par des poubelles liées à des travaux sur les bâtiments existants.
Le mobilier qu’elles renfermaient était composé de nombreux fragments de vitres, blocs de mortier, métaux et pots de peinture… post-années 50.


Les problématiques de la post-fouille
La fouille des cours sud-ouest du CASH de Nanterre n’a pas permis de mettre en évidence de niveaux conservés attribuables à la Protohistoire et à l’Antiquité. Les études de post fouille se poursuivent actuellement sur l’analyse du mobilier, ainsi que des données récoltées, et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et des différentes phases d’aménagements mises au jour afin de les confronter aux documents d’archives.


