Les fouilles archéologiques menées sur le site de Clères (76) à la Motte féodale/Parc de Clères ont été réalisées par le bureau d’études Éveha, sous la responsabilité de Bruno Lepeuple, dans le cadre du projet d’aménagement porté par Conseil départemental de Seine-Maritime. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges datés du Moyen Âge, et des époques moderne et contemporaine.
Problématiques scientifiques du cahier des charges
Le château de Clères était essentiellement composé d’un vaste ensemble bâti dont la plus grande partie des élévations était attribuable aux époques moderne et contemporaine. Ces bâtiments s’appuyaient sur des structures antérieures dont les dispositions, en regard du parcellaire et d’un tertre signalé sur le cadastre du 19e siècle, évoquaient un site ancien appelant des comparaisons pour l’époque féodale avec une fortification de type « motte et basse cour ». Un premier regard sur le terrain invalida l’hypothèse quant à la présence d’un tertre qui était figuré sur le cadastre. Il s’agissait d’un bâtiment quadrangulaire de plain-pied comportant de multiples phases décelables par l’alternance de matériaux et de modes constructifs. Il était même possible de suggérer une utilisation contemporaine de l’ensemble qui était conservé au nord par similitude de quelques parements caractéristiques, notamment un appareillage en damier mêlant silex et grès. L’ensemble était remployé pour asseoir une ruine romantique vraisemblablement neuve, et visible sur plusieurs clichés photographiques.

La première question était par conséquent d’identifier chaque grande phase bâtie et de définir la chronologie absolue. Il s’agissait également de cerner les éléments pouvant mieux connaître l’origine du site et d’éclairer une tradition faisant de cette place l’origine du château de Clères et résidence de la première seigneurie, mentionnée au 12e siècle.
La compréhension de l’insertion de cette zone au sein de l’ensemble bâti du château de Clères et du village devait également être abordée. Ce site pouvait également être abordé dans une perspective régionale, notamment en regard de sa position, à 18 km au nord de Rouen, qui ne comportait pas de châteaux d’époque féodale dans sa proche périphérie. L’approche historique devait être déterminante pour éclairer le statut du site.
La période récente, et notamment l’aménagement d’une ruine romantique, devait également faire l’objet d’une lecture dans son contexte immédiat, celui d’un parc botanique, mais aussi de comparaison régionale, par exemple avec le site du château de Radepont qui avait connu de pareils aménagements.

Présentation des résultats
Le site castral s’apparente à une fortification de type motte avec basse-cour dont seul le premier élément forme le « Vieux Château ». Cette première installation ne peut être datée avec précision, elle apparaît probablement dans le courant du 12e siècle, période ou émerge la seigneurie éponyme. Les plus anciennes structures bâties, attribuables au 13e siècle, sont localisées en deux points, au nord et au sud-ouest. Les premières sont ténues car masquées par le chantier contemporain qui vient reprendre en parement une maçonnerie dégradée, vraisemblable témoin d’une construction quadrangulaire érigée à flanc de motte. Les secondes se concentrent au contact avec la basse-cour et peuvent être les vestiges d’un système de franchissement du fossé, auquel est associé un puits aujourd’hui largement comblé.
Une dernière phase médiévale est représentée de part et d’autre de l’axe de circulation supposé entre motte et basse cour : il est encadré par deux tours en forme de fer à cheval. L’une d’elle apporte davantage d’informations architecturales, un premier niveau aveugle, un cul de basse fosse, surmonté d’un niveau auquel on accède depuis la plateforme de la motte. Cet étage sur plancher, restituable par un retrait du parement, comporte une cheminée. Les datations radiocarbone orientent vers la première moitié du 15e siècle pour cette phase dont la motivation principale est la défense. Il est possible que l’on se situe autour des années 1415 à 1420, époque où les manœuvres militaires liées à la guerre de Cent ans sont particulièrement actives en Normandie orientale.
La période moderne voit probablement un délaissement de cette zone pour privilégier une adaptation du site qui se concentre sur la basse-cour. À la fin du 18e siècle, cette zone en ruine est vouée au pâturage du bétail. En 1848, est engagée une démolition du « Vieux Château », laquelle est stoppée en 1865, pour s’orienter vers une mise en valeur de ces restes dans le cadre d’un vaste réaménagement architectural et paysager. La motte, largement tronquée, est enserrée par un circuit maçonné qui tente de donner un aspect médiéval en mettant en œuvre des parties quelquefois fantaisistes. Cette reconstruction prend cependant appui sur une documentation graphique, notamment le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du 11e au 16e siècle d’Eugène Viollet-le-Duc, au sein duquel sont puisés des exemples architecturaux qui, placés les uns à côté des autres, forment aujourd’hui un ensemble incohérent aux yeux de la castellologie mais qui, à la fin du 19e siècle, avait une raison esthétique et pédagogique.
La post-fouille visera à dresser un plan phasé des structures maçonnées, étudier leur mise en œuvre et replacer le site médiéval dans un contexte régional.