VILLEMUR-SUR-TARN (31) – Pharamon

Au nord de l’église actuelle de Magnanac à Villemur-sur-Tarn, l’opération de fouille préventive menée en amont d’un projet de lotissement sous la direction de Justine Saadi, a concerné une emprise de 3375 m², soit l’extrémité nord-est de la parcelle diagnostiquée. En effet, ce sont les vestiges du Moyen Âge qui ont fait l’objet de la prescription de fouille : il importait d’appréhender les questions relatives à la nature et à la chronologie du site, ainsi que de préciser l’organisation de l’occupation et les indices éventuels de l’insertion des vestiges dans un ensemble plus vaste. La fouille a ainsi mis en évidence un ensemble d’aménagements à vocation domestique, datés entre le VIe et le XIe siècle.

Ce que nous apprennent les textes …

La documentation écrite offre un éclairage inégal entre le bourg de Villemur et ses environs. Les zones rurales, en marge du bourg, sont peu représentées dans les textes, ce qui assez courant pour la documentation relative aux périodes médiévales. D’après les données archivistiques et historiques collectées, deux pôles existaient, d’une part le lieu-dit de Magnanac et d’autre part, le domaine de Pharamon. L’éclairage historique sur cet espace périphérique manque de données textuelles antérieures au XIe  siècle. Le lieu-dit de Magnanac est attesté pour la première fois en 1163, lors d’une donation de l’église aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de Fronton. En 1167, il est mentionné comme un ensemble de terres, un fief ; le fief de Magnanac apparaît lui en 1185. Aujourd’hui, ce lieu-dit semble avoir conservé sa topographie initiale avec une église isolée de l’habitat. L’église actuelle a certainement pris place sur les vestiges de l’ancienne, dont la morphologie reste par ailleurs inconnue. L’habitat, quant à lui, ne semble pas s’organiser autour d’un pôle attractif et se développe dans un maillage lâche.

Les données relatives au domaine de Pharamon sont seulement perceptibles pour la période moderne et le lieu ne semble pas avoir polarisé un quelconque habitat. Le compoix de 1583 (sorte de cadastre rudimentaire réalisé entre le XIVe et le XVIIIe s. dans les régions françaises de langue occitane), le mentionne comme une métairie composée de bâtiments à vocation agricole organisés autour d’une maison et entourée de nombreuses terres cultivables. La physionomie du paysage aux abords immédiats de l’emprise, ne semble pas avoir subi de véritables mutations structurelles. L’ensemble des pôles d’habitat se développe le long de l’axe routier menant à Montauban.

Ce que nous apprend l’archéologie…

L’occupation du Moyen Âge identifiée dans l’emprise de fouille est principalement localisée sur la partie nord-est du site, à proximité immédiate de la route départementale (D 630). La fouille a permis de mettre au jour trois fours « domestiques » / « culinaires ». Ces trois structures de combustion sont associées à une série de fosses, de silos et de trous de poteau. La moitié sud-ouest du site est plus pauvre en vestiges archéologiques, bien que quelques fosses aient été identifiées. L’étude des structures a révélé deux phases chronologiques distinctes : la première se place entre le VIe et le VIIIe siècle, tandis que la seconde se développe entre le IXe et le XIe siècle.

L’occupation du site du VIe au VIIIe siècle

Cette première phase est caractérisée par trois fours et un ensemble de fosses associés à de rares silos. L’un des fours, daté lors du diagnostic par radiocarbone, permet de situer l’occupation aux alentours des VIe et VIIe siècles (Fig. 1). Les structures de combustion mises en évidence lors de cette opération sont à rattacher à la catégorie des fours domestiques (Fig. 2). Ce type de vestige est bien documenté dans le secteur ainsi que dans d’autres régions du territoire national, notamment en Île-de-France et pour les périodes du haut Moyen Âge. Leur fonction de four à pain paraît acquise. Outre cette cuisson, le séchage des denrées, comme les céréales par exemple, semble être également à retenir (Fig. 3). Afin de compléter cette datation absolue, des prélèvements archéomagnétiques (datation fondée sur l’enregistrement des variations du champ magnétique terrestre par les terres cuites) ont été réalisés sur les deux fours domestiques situés dans le quart nord-est de l’emprise.

Fig. 1 : Photographie zénithale des fours « domestiques ». Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 2 : Photographie des fours « domestiques », vue depuis le nord-est. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 3 : Photographie de la chambre de cuisson et de la bouche du four. Crédit : Éveha, 2022.

L’occupation du site du IXe au XIe siècle

La seconde phase, identifiée dans l’angle nord-est du site, est représentée par un ensemble de silos, fosses et trous de poteau. Il semble également possible d’envisager la présence d’un espace trapézoïdal, identifié par une série de trous de poteau. Le gabarit relativement modeste des négatifs de poteau dissuade de leur attribuer un rôle véritablement porteur et semblerait plutôt les rattacher à un enclos. L’identification d’un aménagement construit en structure légère, potentiellement amovible, serait davantage à privilégier. Cet espace est à replacer dans une dimension spatiale plus large. La trame incluant les silos permet d’appréhender la zone dans son ensemble et d’observer une répartition « parcellaire » dessinée par une logique d’implantation. La lecture du plan montre à l’évidence une concentration de silos, de fosses et de trous de poteau dans ce secteur. L’aire d’ensilage est constituée d’une trentaine de silos aux gabarits variables. Le mobilier découvert principalement dans le remplissage de ces cavités reste lacunaire, mais il permet cependant de préciser leur fonction primaire dédiée aux activités agricoles et à la gestion des cultures (Fig. 4). L’étude des artefacts, et notamment celle du mobilier céramique, met en évidence que cette phase chronologique est à rapprocher du Xe siècle.

Fig. 4 : Photographie d’un silo découvert sur le site. Crédit : Éveha, 2022.

Conclusion

Le site de « Pharamon » à Villemur-sur-Tarn, s’inscrit dans le canevas des sites ruraux à vocation domestique aujourd’hui bien identifié dans la plaine alluviale du Tarn. Ainsi, à l’instar des fouilles préventives précédemment réalisées en Toulousain, la structure la plus représentée est la fosse-silo. Ces cavités de stockage, véritables « pièges à mobilier », permettent d’appréhender la culture matérielle (Fig. 5), et viennent enrichir nos connaissances sur la mise en valeur des terres et la gestion des récoltes pour ces époques. Enfin, cette opération archéologique, réalisée par le fait de l’aménagement du territoire et de l’archéologique préventive, permet de mieux cerner l’occupation médiévale sur les territoires de marge : la fouille reste en effet à ce jour le meilleur moyen d’appréhender ces zones rurales peu représentées dans les sources textuelles.

Fig. 5 : Photographie du mobilier céramique découvert dans un silo. Crédit : Éveha, 2022.