COUR-CHEVERNY (41) – 1 place Victor Hugo

Les fouilles menées sur le site du 1 Place Victor Hugo dans le bourg de Cour-Cheverny (46) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Mélanie Jouet. Cette opération d’archéologie préventive, prescrite par le service régional de l’Archéologie (DRAC-SRA Centre-Val de Loire) a été réalisée en amont du projet de construction d’une résidence seniors porté par l’établissement du Relais des Trois Châteaux. Localisées dans le voisinage immédiat de l’église romane, en plein cœur du bourg, ces recherches ont été l’opportunité de documenter une occupation ancienne du territoire communal, peu connu. Les fouilles ont ainsi mis en évidence plusieurs occupations distinctes allant de la Protohistoire à l’Époque moderne, avec une occupation principale durant l’Antiquité.

Une probable occupation de la fin de l’âge du Fer

Des indices protohistoriques ont été détectés sur le site, notamment par la présence de quelques tessons céramiques en position résiduelle. La fouille mécanique de trous de poteau massifs repérés sous un bâtiment maçonné antique pourrait correspondre à une construction à module porteur ou à paroi déportée (Fig. 1). Ce bâtiment, de plan rectangulaire (de 5 sur 13 m de côté), ne suit pas la trame dictée par l’occupation antique. Il est en effet construit selon un axe légèrement décalé vers le nord-est. Il comprend d’importants poteaux porteurs dont les fosses d’ancrage mesurent près de 0,90 m de diamètre sur 1 m de profondeur et dont les entraxes varient entre 2 et 3 m. Ces poteaux devaient supporter le poids d’une lourde charpente. De part et d’autre, des alignements de poteaux sont identifiables et devaient constituer des parois plus légères.

Fig. 1 : Plan du bâtiment antérieur au bâti maçonné. Crédit : Éveha, 2022.

Focus sur une partie de la cour agricole

La majorité des vestiges est rattachée au Haut-Empire, entre le Ier et le IIe siècle de notre ère. Malgré la modeste fenêtre d’observation, une organisation bien spécifique se dessine. Dans la partie sud du site, un bâtiment maçonné antique est composé de quatre murs assez bien conservés dans l’ensemble (Fig. 2). Ils sont larges de 0,60 à 0,70 m et conservés sur près de 0,65 m profondeur. Ils sont chaînés et jointifs. Les fondations sont constituées de pierres calcaires compactées et les assises, peu conservées selon les tronçons, sont montées en petit appareil composé de moellons calcaires réglés. Le bourrage interne comprend de petites pierres calcaires compactées à l’aide d’un mortier de chaux blanche, parfois beige. La taille du bâtiment est modeste, de 6 m de côté environ, soit 36 m². De probables ornières ont été détectées identifiées à l’ouest du bâtiment, vers la direction d’une probable entrée supposée. Les murs nord et sud s’appuient sur un mur de clôture long de 14,50 m minimum et dont la partie sud se poursuit hors de l’emprise. Ce mur est profondément fondé (0,75 m de profondeur maximale) et semble cloisonner l’espace interne du bâtiment carré. Ce plan, connu dans la Gaule romaine, témoigne d’un programme architectural fondé sur la représentation de bâtiments aménagés en limite de l’espace agricole. Sa fonction est encore indéterminée, il aurait pu servir d’habitation pour le personnel agricole ou d’espace de stockage des denrées (grange, remise). En tout cas, ce bâtiment fait partie d’un vaste ensemble de constructions qui constitue la partie agricole d’une villa, dont la localisation se situe probablement plus au sud (emplacement de l’église actuelle ?). Près de la berme sud, un probable bac à chaux est a été aménagé contre ce mur (Fig. 3). Celui-ci est composé d’un remploi de tegulae (tuiles romaines plates à rebord) retournées, posées à plat et consolidées par le même mortier.

Fig. 2 : Bâtiment maçonné antique. Prise de vue par drone. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 3 : Probable bac à chaux aménagé contre le mur de clôture. Crédit : Éveha, 2022.

À l’ouest, de nombreux trous de poteaux pourraient témoigner la présence d’autres bâtiments périphériques et annexes. Une série d’alignements de poteaux parallèles s’inscrivent dans la trame parcellaire du bâtiment maçonné.

Un puits a été mis au jour dans la partie centrale. Lors de sa fouille mécanique, le fond de cette structure n’a pas été atteint à 79,80 m NGF, à 5 m de profondeur depuis la surface de décapage. Aucune remontée d’eau n’a été observée. En surface, il se présente comme un vaste creusement de plan circulaire, de 4,50 m de diamètre. Son profil est en forme d’entonnoir (pour éviter l’effondrement des parois). Le mobilier collecté dans sa partie haute (comblement de l’avant-fosse) semble de tradition antique. Un conduit de 1,70 m de diamètre est constaté à 2,30 m de profondeur. Ce dernier est comblé d’éléments de construction (petits blocs calcaires et fragments de terre cuite architecturale) dont les caractéristiques sont rattachées à l’Époque médiévale. Aucune trace de cuvelage en pierre ou en matériau périssable n’a été observée détectée. La présence d’un puits contemporain à 11 m de distance semble pencher en la faveur d’un puits à eau.

Dans la partie nord, des fossés peu profonds, d’une dizaine de centimètres, (d’une dizaine de centimètres de profondeur) suivent la trame des structures au sud et organisent l’espace. Ils donnent une première image du paysage agricole.

Un grand cellier (de 2,24 sur 3,44 m pour 1,06 m de profondeur) a été entièrement fouillé en bordure d’un fossé (Fig. 4). Son plan quadrangulaire suit la trame des fossés. Sa fouille intégrale a permis de mettre en évidence un accès aménagé sur la bordure est, comprenant l’empreinte de deux bandes linéaires de chaque côté de l’accès, aboutissant chacune à un trou de poteau logé au fond de la cave (Fig. 5). Ces aménagements devaient certainement recevoir un escalier en bois.

Fig.4 : Entrée du cellier. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 5 : Cellier entièrement fouillé. Crédit : Éveha, 2022.

Les occupations postérieures à l’Antiquité

Pour les périodes suivantes, une continuité de l’occupation du site se fait sentir dans le comblement des fosses qui ont piégé des indices datés du Moyen Âge. Ainsi, le puits précédemment décrit est comblé à l’époque médiévale. À l’ouest, des tranchées (de récupération de mur ?) constituent un ensemble assez complexe, composé de tronçons aménagés différemment. Si elles s’intègrent dans la trame antique, certaines comprennent des éléments liés à la démolition de constructions modernes (tuiles, mortier et pierres calcaires). Pour les époques postérieures, l’occupation semble se traduire par la mise en place de remblais successifs illustrant une exploitation maraîchère ou jardinière de cet espace.