CHESSY (77) – ZAC des Congrès et des Studios / La Mare Baignoire

Préalablement aux travaux de construction d’un centre événementiel par l’EPA France, une fouille préventive a été réalisée sur la commune de Chessy (77), au lieu-dit « La Mare Baignoire » sur la future ZAC des Congrès et des Studios. Elle a été menée par le bureau d’études Éveha, sous la direction de Xavier Bernardeau. Celle-ci s’est déroulée entre le 14 septembre et le 4 décembre 2020 et a porté sur une superficie de 11 124 m². Au total, 179 structures archéologiques ont pu être identifiées et fouillées au cours de l’opération (Fig. 1).

Fig. 1 : plan masse du site. S. Hutson. Crédit : Éveha, 2020.

Cette opération fait suite au diagnostic mené en 2009 par E. Séthian (Inrap) qui avait mis au jour une série d’enclos fossoyés datée de la fin de la période protohistorique, un fossé gallo-romain à fonction drainante ainsi qu’un chemin avec fossés bordiers datant probablement de l’époque médiévale et reliant les communes de Serris et Montry.

La Protohistoire constitue la principale occupation mis au jour sur l’emprise. Elle semble se concentrer sur la période du second âge du Fer, et plus précisément de La Tène finale (-130 à -30 avant notre ère). Elle comprend plusieurs enclos fossoyés, des puits, des bâtiments sur poteaux, quelques fosses et silos, deux inhumations en puits et deux crémations en fosse.

Ainsi, l’ensemble des structures découvertes renvoie à une occupation agricole enclose de la fin de la période gauloise qui semble continuer de se développer hors emprise à l’est et au nord-ouest. Plusieurs enclos distincts ont été a minima identifiés dans les parties nord et centrale de l’emprise de fouille. La répartition des structures semble très inégale au sein de ces différents enclos, avec une concentration des bâtiments sur poteaux dans les parties centrale et est de la zone fouillée, dans ce qui semble correspondre au cœur de l’occupation.

Quatre à cinq bâtiments sur poteaux porteurs ont été identifiés au cours de la fouille. Si trois d’entre eux possèdent un plan classique pour la période protohistorique sur quatre à six poteaux (Fig. 2) pouvant renvoyer à de petits bâtiments ou greniers surélevés, le quatrième possède un plan massif de trois rangées de neuf poteaux alignés (Fig. 3). L’espacement restreint entre les rangées permet d’envisager un sol surélevé. Des exemples connus sur la région francilienne pour la fin de l’âge du Fer, comme à Cormeilles-en-Parisis (95), autorisent ainsi l’hypothèse qu’il puisse s’agir d’une structure monumentale de type tour.

Fig. 2 : plan d’un des bâtiments protohistoriques. T. Fignon – C. Dallard. Crédit : Éveha, 2020.
Fig. 3 : plan du bâtiment sur neuf poteaux. T. Fignon – C. Dallard. Crédit : Éveha, 2020.

Le réseau fossoyé a été fouillé par secteur, en se concentrant principalement sur les différents angles et intersections afin de comprendre la chronologie de l’occupation (Fig. 4).

Fig. 4 : vue en plan d’une intersection de fossés. T. Fignon. Crédit : Éveha, 2020.

Trois puits ont été mis au jour lors de la fouille. Ils se localisent dans la partie ouest de l’emprise. Les deux premiers ont été fouillés manuellement puis mécaniquement jusqu’à une profondeur de 4 m en moyenne (Fig. 5), avant un arrêt de fouille pour raisons de sécurité. Dans les trois cas, l’étude des coupes stratigraphiques a permis de mettre en évidence la présence de cuvelage en bois décomposé. Le troisième, situé juste au sud du fossé gallo-romain, a livré deux individus inhumés à un mètre d’intervalle. Si le plus récent présente un état très détérioré (Fig. 6), le second individu est mieux conservé et possédait des bracelets fins en alliage cuivreux au niveau des membres supérieurs (Fig. 7). Si les inhumations dans des structures de stockage sont bien connues pour la période du Second âge du Fer, celles en puits sont beaucoup plus rares et pourraient être rattachés à des pratiques cultuelles à des divinités chthoniennes. Deux incinérations en fosse viennent compléter le corpus funéraire du site.

Fig. 5: vue en coupe d’un puits protohistorique. T. Fignon. Crédit : Éveha, 2020.
Fig. 6 : individu le plus récent retrouvé inhumé dans le puits protohistorique, en cours de fouille. A. Lebrun. Crédit : Éveha, 2020.
Fig. 7 : second individu retrouvé dans le puits en cours de fouille. A. Lebrun. Crédit : Éveha, 2020.

Pour conclure sur la période protohistorique, si les premiers éléments du diagnostic laissaient penser que l’occupation découverte était de petite envergure et assez classique de la fin de la période laténienne, les éléments mis au jour au cours de la fouille, comme les sépultures en puits ou encore la tour massive sur poteaux porteurs, suggèrent que ce site possédait un statut plus important, avec une probable occupation domestique localisée dans la partie est du site et se développant en dehors de l’emprise.

La période gallo-romaine (2e – 4e siècles de notre ère) est uniquement représentée par un tronçon de fossé venant parcourir l’emprise d’est en ouest. Il s’agit d’une structure monumentale au tracé irrégulier, dont la largeur peut dépasser la dizaine de mètres par endroits, pour une profondeur de 2 m en moyenne. Plusieurs sondages mécaniques ont été réalisés afin d’étudier les processus de comblement de ce fossé (Fig. 8). Les premiers résultats montrent que le fossé a été comblé sur sa partie inférieure par l’absence de curage ayant entraîné la formation de dépôts organiques et vaseux. La partie supérieure reste plus anthropisée, comme en témoignent les quelques ossements animaux, objets métalliques et rares tessons de céramique trouvés lors de la fouille. Les fossés à fonction drainante de ce type sont bien connus pour le secteur de Marne-la-Vallée, avec plusieurs dizaines de structures similaires recensées au fur et à mesure des différentes opérations archéologiques préventives.

Fig. 8 : coupe réalisée dans le fossé gallo-romain. T. Fignon – C. Dallard. Crédit : Éveha, 2020.

La fouille a également permis de confirmer la présence d’un chemin, possiblement médiéval, traversant l’emprise sur un axe nord-est/sud-ouest et qui relierait les communes de Serris et Montry. Les vestiges de ce chemin se composent de deux fossés bordiers peu profonds n’ayant pas livré de mobilier (Fig. 9). Des prélèvements de charbons ont été réalisés pour des datations radiocarbones ultérieures.

Fig. 9 : coupe réalisée dans l’un des fossés bordiers du chemin médiéval. X. Bernardeau. Crédit : Éveha, 2020.

Enfin, la période contemporaine est également représentée avec la présence d’une petite fosse rectangulaire qui contenait le squelette complet d’une vache, ainsi que celui d’un veau encore situé dans le ventre de la mère (Fig. 10). Le bon état de conservation des os, ainsi que le caractère très isolé de la fosse, en limite d’emprise au sud, laisse penser que cette structure est de datation contemporaine. Il pourrait s’agir d’une bête malade que le propriétaire n’a pas pu ou voulu envoyer à l’équarrissage.

Fig. 10 : la fosse contenant le squelette de vache complet, en cours de fouille. T. Fignon. Crédit : Éveha, 2020.

Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de la chronologie de son occupation (Fig. 11).

Fig. 11 : vue aérienne au drone de l’emprise de fouille. S. Hutson. Crédit : Éveha, 2020.