REVEL-TOURDAN (38) – Place de Tourdan

Les fouilles menées sur le site de la place de Tourdan à Revel-Tourdan (Isère) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha entre les mois de janvier et de mars 2020 sous la responsabilité de Tony Silvino. Elles intervenaient dans le cadre du projet de réaménagement des bâtiments situés au sud de l’église actuelle et autour de la place de Tourdan.

Les investigations archéologiques ont permis de mettre en évidence un pan de l’histoire du bourg de Tourdan depuis la fin de l’âge du Fer (2e-1er s. av. J.-C.) jusqu’à une époque très récente.

De la fin de l’âge du Fer à la période antique

Le site se trouve au cœur d’un habitat antique déjà perçu sur une superficie de 40 ha environ par plusieurs recherches anciennes, mais dont l’usage demeure encore relativement flou : sommes-nous au sein d’une agglomération secondaire, ou bien encore d’un sanctuaire ? Si cette question reste ouverte, la fouille a permis de préciser l’évolution de l’occupation antique en dévoilant une série de structures se rapportant à plusieurs occupations allant de la fin de l’âge du Fer à la fin l’Antiquité.

La première occupation, datée des 2e s.-1er s. av. J.-C., se résume à un ensemble de fosses riches en mobiliers : amphores vinaires italiques de type Dressel 1, céramiques fines, céramiques communes, ossements d’animaux, etc. La présence de ces structures excavées, au demeurant très nombreuses, reste pour le moment énigmatique : avons-nous affaire à des fosses d’extraction qui ont servi de dépotoir, ou bien à des fosses cultuelles ? Aucun niveau de sol ni aucune construction, même légère, n’ont été appréhendés pour cette période autour de ces fosses.

À la période augustéenne (27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C. env.), cette série de fosses laisse place à une occupation un peu plus tangible avec l’aménagement d’un axe viaire et de niveaux de circulation. Une série de fosses également riches en mobiliers fait partie de cette phase d’occupation difficilement rattachable à un type d’établissement précis.

Vue en coupe d’une fosse d’époque augustéenne riche en céramiques et ossements d’animaux. Crédit : Éveha, 2020.

La phase suivante, datée de la période tibérienne (env. 14 à 37 ap. J.-C.), s’avère un peu plus prolixe avec la mise en place d’une série de murs maçonnés associés pour la plupart du temps à des niveaux de sol en dur de type terrazzo. Malheureusement, une grande partie des structures de cette occupation a fait l’objet de destructions par les aménagements postérieurs ce qui ne permet pas une bonne lecture du plan de cet habitat. D’après la documentation disponible, on peut simplement confirmer que l’orientation des murs suit celle de la trame antique déjà observée dans d’autres secteurs de Tourdan. Par ailleurs, le mode de construction soigné des maçonneries et des sols, la découverte éparse de fragments d’enduits peints et de marbre ainsi que l’observation récurrente d’une tuyauterie en plomb permettent d’attester la présence d’un habitat de qualité. Ce dernier est abandonné au cours du 3e s. de notre ère. Les traces d’une fréquentation de l’Antiquité tardive (4e s.-5e s. ap. J.-C.) sont ensuite perceptibles au travers du mobilier céramique et des monnaies récoltés, mais la nature de cette occupation reste encore une fois indéterminée.

Sol en terrazzo du Haut-Empire aménagé sur une série de fosses des 2e-1er s. av. J.-C. et percé par une grande fosse d’extraction du Moyen Âge tardif. Crédit : Éveha, 2020.

Les périodes médiévale et moderne

La période médiévale s’avère la période la mieux documentée du site avec une première occupation du haut Moyen Âge (6e s.-10e s. ap. J.-C.) matérialisée par une série de murs associés à du mobilier erratique. Il convient de signaler la présence d’un fragment de stèle funéraire datée probablement du 6e s. de notre ère. Cet élément rejoint les stèles déjà trouvées par le passé dans le secteur et qui, pour certaines d’entre elles, sont exposées dans l’église actuelle. L’ensemble de ces indices plaiderait en faveur d’un lieu de culte et/ou d’un premier espace funéraire dans ce secteur de Tourdan dès l’époque mérovingienne (6e s.-8e s. ap. J-C).

Toutefois il faut attendre le Moyen Âge central (11e s.-12e s. ap. J.-C.) pour trouver les vestiges manifestes d’une occupation funéraire. En effet, environ cinquante sépultures datées de cette période ont été découvertes. Elles se répartissent au sud-ouest de l’église actuelle. L’emprise de fouille ne permet ni d’appréhender les limites de cet ensemble funéraire ni son organisation spatiale. Sur les fenêtres ouvertes, les sépultures se répartissent globalement en rangées nord/sud. Les tombent sont orientées est/ouest avec de légères variations. Il existe des regroupements et des recouvrements de tombes relativement contemporaines qui paraissent intentionnels. Les cas de mise en réduction (rassemblement des ossements d’une ancienne tombe suite à sa perturbation lors du creusement d’une nouvelle sépulture) sont minoritaires (moins d’une dizaine de cas). Elles se situent surtout au nord est de la fouille, à proximité de l’édifice religieux actuel. Les sujets reposent allongés sur le dos la tête à l’ouest. Une grande partie était inhumée dans des contenants funéraires en matériaux périssables de nature indéterminée. Certains correspondaient à des coffrages calés avec des pierres. Quelques cas de cercueils monoxyles sont suspectés. Les sujets étaient généralement inhumés dans des enveloppes souples de type vêtement. L’emploi d’enveloppes souples de type linceul est rare. Ces sépultures s’avèrent relativement pauvres en mobilier. Seuls quelques unes d’entre elles contenaient un vase funéraire estimé des 10e-12e s. de notre ère. La population inhumée comporte des individus biologiquement immatures et adultes, des deux sexes. Aucun recrutement spécifique n’est perceptible en l’état. L’état sanitaire des individus est relativement bon.

Cet ensemble funéraire médiéval a été perturbé probablement lors de la transformation de cet espace en jardin à l’époque moderne (16e-18e siècles de notre ère). Ceci a entraîné l’arasement et la destruction de certaines tombes. Les vestiges osseux ont alors été regroupés dans des fosses qui contiennent les restes sporadiques d’un ou deux individus. Une d’entre elles s’apparente nettement à une fosse ossuaire contenant les restes de près de 17 individus.

Superposition de sépultures du Moyen Âge central. Crédit : Éveha, 2020.

Le site connaît une phase de construction importante au cours du 13e s. ou au début du siècle suivant, liée à la mise en place des bâtiments d’un prieuré bien attesté dans les textes. Un four de tuiliers lui est associé. Une série de réfections est visible ensuite pendant la période moderne au travers de nouvelles constructions. Au cours du 18e s. un nouveau bâtiment est construit contre le mur sud de l’église se rapportant au presbytère qui sera muni d’un jardin et de différentes annexes.

Four de tuiliers du Moyen Âge tardif. Crédit : Éveha, 2020.

Ces données de terrain sont actuellement en cours d’analyse en post-fouille et font l’objet de multiples études spécialisées afin d’affiner notre compréhension de l’histoire de l’occupation du site.