LE PLESSIS-PÂTÉ (91) – ZAC Val-Vert – Croix Blanche

Les fouilles menées sur le site de la « ZAC Val-Vert – Croix Blanche » au Plessis-Pâté (91) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Yannick Prouin. Elles interviennent dans le cadre du projet d’agrandissement de la ZAC de la Croix-Blanche par la Sorgem. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour deux nécropoles à crémation datant de l’âge du Bronze moyen.

À la suite d’un diagnostic de plus de 30 hectares réalisé par l’Inrap en 2016, le service régional de l’Archéologie d’Île-de-France a prescrit une fouille archéologique répartie en deux secteurs, sur une surface totale de 1800 m². La problématique principale de cette fouille était de documenter deux nécropoles de l’âge du Bronze moyen (1500-1300 av. J.-C.), une première dans le département. Après un décapage mécanique des secteurs prescrits, une équipe constituée de cinq archéologues a fouillé ce site durant l’hiver 2021 (fig. 1).

Fig. 1 : Vue générale du chantier. Crédit : Éveha, 2021.

Le secteur ouest

À l’issue de la fouille, le secteur ouest (1200 m²) compte 36 sépultures secondaires à crémation, 11 fosses de rejet de crémation, un bûcher funéraire, deux fosses et sept isolats.

Les sépultures secondaires à crémation

Les sépultures correspondent majoritairement à de petites fosses dont les dimensions sont adaptées à celles du dépôt cinéraire. Les restes osseux brûlés sont souvent placés dans un contenant périssable rigide. Les dépôts en vase ossuaire sont très peu représentés : on en recense seulement trois cas (fig. 2). Les amas osseux peuvent être coiffés ou soutenus par une ou plusieurs dalles de meulière (fig. 3). Certaines sépultures ont livré un mode de dépôt un peu plus original à travers l’aménagement d’un coffrage en dalles de meulière de chant, contenant un amas osseux imposant (fig. 4). Les modes de dépôt observés ici sont donc relativement diversifiés, en comparaison de ce qui est connu dans la région au Bronze moyen.

Le mobilier déposé dans les tombes est rare puisque, hormis les trois vases ossuaires, seuls deux objets en silex taillé ont été découverts. L’analyse tomodensitométrique réalisée sur un échantillon de prélèvements et la fouille des amas osseux apporteront probablement leur lot de découvertes. Les sépultures traitées jusqu’à présent laissent apparaître des amas osseux souvent volumineux. La coloration des restes humains brûlés semble être souvent blanc crayeux, indicateur de crémations abouties.

Fig. 2 : Vue de détail d’un vase ossuaire. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 3 : Vue en coupe d’une sépulture secondaire à crémation coiffée de cinq dalles de meulière. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 4 : Vue en plan d’une sépulture secondaire à crémation avec un amas osseux en contenant périssable rigide placé dans un coffrage en dalles de meulière. Crédit : Éveha, 2021.

Des fosses de rejet

Les fosses de rejet consistent en de petites fosses de 20-30 cm de diamètre et 10-20 cm de profondeur. Ces structures accueillent des résidus de crémation, probablement issus de la vidange des bûchers funéraires. Ces dépôts ne sont pas vraiment structurés puisque charbons, restes humains et fragments de terre cuite y sont placés pêle-mêle.

Un bûcher funéraire

Le bûcher funéraire mis au jour dans le secteur central de la nécropole est une découverte rare pour l’âge du Bronze de la moitié nord de la France (fig. 5). À notre connaissance, la nécropole du Plessis-Pâté est le second site francilien à livrer un bûcher, après la nécropole de Bussy-Saint-Georges « Le Champ Fleuri sud » en Seine-et-Marne. Cette structure quadrangulaire mesure 75 cm de long et 68 cm de large pour une profondeur conservée de 28 cm. Ses parois rubéfiées sur plusieurs centimètres d’épaisseur témoignent des fortes températures atteintes. Une excroissance au sud est moins rubéfiée et pourrait correspondre à un système de ventilation pour favoriser la circulation de l’air et ainsi accélérer ou améliorer la crémation. Le fond de la structure est comblé d’un niveau très charbonneux avec de très nombreux os brûlés. Une étude micro-morphologique sur lames minces devrait permettre de déterminer si cette aire de crémation a servi une ou plusieurs fois ou encore si ses parois étaient construites ou non. Les petites dimensions de cette structure posent la question de la position du défunt lors de la crémation, à laquelle l’étude anthropologique permettra peut-être de répondre.

Fig. 5 : Vue en plan du bûcher funéraire en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2021.

Une fosse à pierre chauffées

Une fosse à pierres chauffées, dont les contours restent illisibles, accueille plusieurs dizaines de pierres chauffées (meulière et grès). Aucune trace de rubéfaction n’a été observée et seuls trois charbons ont été mis au jour parmi les pierres. Il s’agit probablement des vestiges d’une vidange d’une ou de plusieurs structures de combustion. Cette fosse semble parfaitement intégrée au maillage de la nécropole à crémation puisque, malgré la densité de structures alentour, aucun recoupement n’a été observé. Une datation radiocarbone permettra de préciser si cette structure est archéologiquement contemporaine de la nécropole.

Bilan provisoire du secteur ouest

D’un point de vue culturel, le seul vase ossuaire bien conservé (30 cm de haut environ), s’intègre parfaitement aux récipients connus dans le complexe Manche-Mer du Nord au Bronze moyen (notamment dans la vallée de la Marne ou encore les Hauts-de-France). Par ailleurs, le mode de dépôt en contenant périssable et l’utilisation de dalles de meulière sont également des marqueurs culturels forts du complexe Manche-Mer du Nord du milieu de l’âge du Bronze.

L’organisation générale de la nécropole semble structurée autour du bûcher funéraire et des structures voisines (fig. 6). Une sorte d’aire réservée circulaire semble en effet exister. La multiplication des datations par radiocarbone permettra de déterminer si ces faits archéologiques correspondent aux structures fondatrices de la nécropole. Il ressort également que plusieurs sépultures secondaires à crémation sont associées à une ou plusieurs fosses de rejet, mais ce n’est pas systématiquement le cas.

Fig. 6 : Plan masse du secteur ouest. Crédit : S. Secardin, É. Degorre, Éveha, 2021.

Le secteur est

Le secteur est (600 m²) est beaucoup plus pauvre en vestiges archéologiques, avec un maillage clairsemé. En comptabilisant les structures étudiées au diagnostic, ce pôle funéraire est constitué de six sépultures secondaires à crémation, cinq fosses de rejet et quatre fosses ou trous de poteau.

Les structures sont similaires à celles du secteur ouest. Les sépultures secondaires correspondent à de petites fosses accueillant des restes humains placés dans un contenant périssable. Aucun aménagement de dalle de meulière n’a été découvert. Les fosses de rejet consistent en de petites structures en creux contenant des charbons et des restes humains brûlés déposés pêle-mêle.

Conclusion

La fouille de ces deux ensembles funéraires a donc permis de documenter un total de 42 sépultures secondaires à crémation, 16 fosses de rejet et un bûcher funéraire. Six fosses dont une à pierres chauffées, deux trous de poteau isolés et neuf isolats complètent le corpus.

La grande similarité des vestiges découverts dans les deux secteurs prescrits permet de les considérer comme archéologiquement contemporains et de les rattacher à l’âge du Bronze moyen du complexe Manche-Mer du Nord. La multiplication des datations par radiocarbone, à venir au cours de la post-fouille, permettra peut-être de préciser si un secteur précède l’autre.