Un quartier de la ville antique de Clermont-Ferrand révélé par l’archéologie

Une équipe du bureau d’études archéologiques Éveha réalise jusqu’en octobre des fouilles sur le site de l’ancien Hôtel-Dieu, situé en plein centre de Clermont-Ferrand (63). Cette opération d’archéologie préventive, prescrite par le service régional de l’archéologie (DRAC-SRA) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est réalisée en amont du projet de revalorisation urbaine du site porté par Bouygues Immobilier. Ces recherches offrent l’opportunité de documenter un immense secteur jusque-là méconnu de la ville antique. Par la surface étudiée et la diversité des vestiges mis au jour, elles sont aujourd’hui exceptionnelles en France.

Aux origines de la ville

Pour comprendre la présence de vestiges sur le site de l’Hôtel-Dieu, il faut remonter à l’Antiquité. La ville antique de Clermont-Ferrand, Augustonemetum, capitale de la cité des Arvernes, fut établie au sein d’un ancien maar volcanique (lac de cratère).
On explique le choix de la localisation de cette fondation, au début du Ier siècle de notre ère, principalement par la présence de sources thermominérales dans le secteur, d’eau souterraine (la Tiretaine) et par le relief avantageux qu’offrait la butte volcanique pour l’installation des édifices publiques donnant une visibilité exceptionnelle sur le temple de Mercure situé au sommet du Puy-de-Dôme. Le sanctuaire de la source des Roches de Chamalières, daté du Ier siècle avant notre ère, pourrait ainsi être à l’origine de la ville antique, dont le nom Augustonemetum signifie « le sanctuaire d’Auguste ».

Les investigations archéologiques en cours ont notamment permis la découverte de systèmes antiques de captation de sources au niveau du secteur ouest de la fouille. Il s’agit de deux puits présentant des traces importantes d’oxydations orangées, résultat du contact des eaux thermominérales avec l’air. Plusieurs points de résurgences de ces eaux avaient été observés jadis dans ce secteur (place de Jaude, rue du Puits Artésien, place des Salins…) mais sans pouvoir les rattacher à des aménagements antiques. Les puits mis au jour sont installés à l’emplacement de failles en amont du maar volcanique permettant la captation de ces sources hydrothermales. Cette découverte est très importante car elle permet de démontrer la présence de sources antiques dans ce secteur occidental de la ville et explique, peut-être en partie, l’origine de la ville.

Plusieurs siècles d’histoire d’un quartier antique

Grâce aux fouilles de l’Hôtel-Dieu, un plan précis de cette partie méconnue de la ville antique commence à se dessiner.
Les premières zones traitées se situent en marge occidentale de l’agglomération gallo-romaine. Les investigations archéologiques ont permis de démontrer que ce secteur est occupé, dès le début du Ier siècle de notre ère, par un axe de circulation bordé par des caniveaux et un mur de clôture délimitant à l’ouest les deux puits de captation des sources.
Cette voirie semble être abandonnée au début du IIe siècle et plusieurs murs et niveaux de sol sont alors aménagés à son sommet. Cette occupation perdure au moins jusqu’au IIIe siècle. Très arasée par les remblais moderne, elle reste cependant difficilement identifiable pour le moment : s’agissait-il d’un quartier d’habitations et/ou de zones dédiées à l’artisanat ? Parmi le mobilier découvert, on retrouve une quantité importante de déchets liés à la boucherie et à la tabletterie (petits objets en os, à l’état d’ébauches ou de déchets).

Les dernières zones en cours de fouille, à l’est des précédentes, se localisent au sein d’un des derniers îlots urbains au sud-ouest de la ville antique. Les premières observations permettent de restituer avec précision le plan des habitations (domus), même si beaucoup de murs ont été entièrement récupérés par les occupations tardives et les aménagements dus à la construction de la polyclinique. Cette dernière occupation semble dater de la fin de l’Antiquité (IVe siècle ?).
Le plan des bâtiments respecte la structuration générale observée sur l’ensemble de la ville. Ils viennent s’implanter le long d’un cardo (rue nord-sud de la ville antique). L’étude de cette voie montre de multiples rechapages tout au long de la période antique. En effet, un sondage profond réalisé au sein de cet axe viaire a révélé près de 3 m d’épaisseur stratigraphique. Cette épaisseur de vestiges conservée constitue alors un indice sur le potentiel des découvertes encore à mener pour les habitations bordant cette voie. Il est ainsi fort probable que, sous les bâtiments tardifs déjà observés, les occupations plus anciennes des Ier- IIe siècles restent à fouiller.

Ainsi, la fouille en cours de ce secteur offre l’occasion de mieux comprendre la fonction de cet îlot urbain situé à l’extrémité sud-ouest du bas de pente de la butte de Clermont-Ferrand : nos investigations devront permettre d’identifier le type d’occupation, entre habitat, secteur artisanal ou encore autre chose.

Fouille en cours des vestiges antiques entre les berlinoises. Crédit : Éveha 2021.

Des inhumations datées de l’Antiquité au haut Moyen Âge

Une sépulture d’enfant, datée de la fin du Ier siècle, a été découverte. Elle était accompagnée par un imposant mobilier funéraire (nombreux vases complets, monnaies, objets métalliques, bois de cervidé sculpté, figurine en terre blanche de l’Allier, anneau en bronze, œuf en céramique).
Cinq sépultures datées de la fin de l’Antiquité (IVe-Ve siècle ?) viennent ensuite compléter ce corpus. L’une d’elles est constituée d’un coffrage en terre cuite architecturale. Cette sépulture est particulièrement intéressante. En effet, elle a été ouverte anciennement et les ossements du défunt redisposés en « réduction » au sommet du coffrage de la sépulture, de façon à inhumer un second individu à l’intérieur de la tombe. Cet individu, trop grand pour le coffrage déjà en place, a dû être inhumé sur le côté, les jambes repliées sur le ventre, ce qui constitue une position atypique. Cette réutilisation de la sépulture soulève ainsi de nombreuses questions auxquelles les analyses ultérieures en laboratoire tenteront de répondre (Y avait-il un lien de parenté entre les individus ? Y avait-il un marqueur au sommet de la sépulture indiquant son emplacement et permettant sa réouverture ?).
Enfin, deux inhumations datant probablement du haut Moyen Âge (VIe-Xe siècles) ont été découvertes. Les analyses radiocarbones pourront confirmer et préciser ces datations.

Sépulture en terre cuite architecturale avant ouverture. Crédit : Éveha 2021.
Sépulture en terre cuite architecturale en cours de fouille. Crédit : Éveha 2021.

L’archéologie et l’Hôtel-Dieu

Le site de l’Hôtel-Dieu a fait l’objet de plusieurs prescriptions de fouilles archéologiques préventives par le service régional de l’Archéologie de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Réparties en trois emprises principales cumulant plus de 2 hectares, ces fouilles ont débutées en 2018. La fouille actuelle constitue une des dernières phases d’opérations archéologiques sur le site de l’Hôtel-Dieu. Localisé en limite sud-ouest de la ville antique de Clermont-Ferrand, le site de l’Hôtel-Dieu constitue une opportunité unique de mieux cerner l’histoire de tout un quartier urbain, depuis la fondation d’Augustonemetum jusqu’à nos jours.