BARROU (37) – Le Moulin à Vent

Les fouilles menées sur le site du Moulin à Vent à Barrou (37) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Mélanie Jouet. Cette opération d’archéologie préventive est réalisée en amont du projet de construction d’une maison individuelle. Sur une emprise de 2176 m² , ces recherches offraient l’opportunité de documenter un secteur déjà bien connu pour ses sites remontant aux derniers siècles du Néolithique (secteur du Grand-Pressigny, env. -5800 à -2500 av. J.-C.), jusqu’à la période antique, la commune de Barrou présentant également un potentiel archéologique important. Les recherches ont ainsi permis de mettre au jour quelques indices d’occupation pré et protohistoriques, mais surtout un quartier de l’agglomération antique.

Des indices préhistoriques et protohistoriques

Les communes voisines de Barrou sont connues pour la présence de silex de bonne qualité, exploité durant la Préhistoire, et plus particulièrement durant le Néolithique final. Cette période n’est cependant que faiblement représentée sur le site, au travers de la dizaine d’isolats (objets archéologiques sans structure associée) amenés par les colluvions et des quelques pièces lithiques découvertes dans les comblements des vestiges gallo-romains. À première vue, l’examen lithique signale quelques éclats et deux nucléus (bloc de pierre débité pour produire des éclats ou des lames) à lames remontant au Paléolithique supérieur (env. -40000 à -9500 av. J.-C.).

Un probable fond de fosse oblongue a livré quelques outils sur éclats et un lot de tessons céramiques très fragmentés parmi lesquels se démarque un bord à décor de cordon digité attribuable à l’âge du Bronze (env. -2000 à -800 av. J.-C.).

Ces quelques indices discrets pourraient indiquer la présence d’une occupation préhistorique et de l’âge du Bronze dans l’environnement du site.

Un quartier de l’agglomération antique

La quasi-totalité des découvertes est attribuable au Haut-Empire (env. -27 av. J.-C. à 285 ap. J.-C.). Elles correspondent aux vestiges d’un quartier, situé à la marge de l’agglomération secondaire de Barrou (Fig. 1 et 2). L’occupation prend ses origines dans le 1er s. ap. J.-C. pour se densifier au 2e s. ap. J.-C. Le mobilier est riche : fragments de céramique, faune (os d’animal), terres cuites architecturales, meule, verre, objets en fer et en alliage cuivreux.

Fig. 2 : Vue générale du site après décapage, prise de vue par drone. © V. Bluteau, Reporter Photographe , 2021.

Des voies de circulation d’axe nord-ouest/sud-est

Dans la bande orientale du site, le terrain naturel argileux porte les empreintes de petites ornières d’axe nord-ouest/sud-est, associées à un niveau de circulation composé de galets de rivière fichés dans le substrat argileux. Ce dernier est assez mal conservé dans l’ensemble.

Dans une autre phase, l’axe de circulation semble légèrement se décaler vers l’est avec l’installation d’une voie empierrée (Fig. 3). Un premier niveau de préparation est déposé sur le précédent axe de circulation de manière à niveler le terrain. Sa limite ouest comprend l’aménagement d’une rangée de blocs de silex (sur les 3/4 sud) et de calcaire de tuffeau (au nord), plantée de chant au sein du remblai préparatoire. En revanche, sa limite est assez perturbée. Dans la partie nord, sa largeur atteint près de 6 m. Cet aménagement de pierres de chant a servi à consolider la mise en place d’un radier composé de blocs et pierres de tuffeau à plat et de gabarits variables. Au nord, le silex remplace ponctuellement le tuffeau (variabilité d’approvisionnement des matériaux ? ou indices de réfections ?). Enfin, la bande de roulement est signalée par un niveau de galets de rivière pris dans un sable gris et compactés. Ce niveau déborde par endroits sur la bordure ouest de la voie (chemin perpendiculaire ?).

Fig. 3 : Vue oblique de la voie empierrée. Crédit : Éveha, 2021.

Un deuxième axe de circulation légèrement plus axé nord-ouest/sud-est a été détecté près de la bordure orientale de la voie précédemment décrite (Fig. 4). Cet axe, assez perturbé par des fossés, est composé de petits blocs de silex et de petits galets de rivière damés au sein desquels ont été identifiés des ornières qui convergent en direction de la première voie pour s’y confondre (carrefour ?).

Fig. 4 : Tronçon du chemin avec ornières, rejoignant la voie empierrée. Crédit : Éveha, 2021.

Un espace orthonormé

L’espace situé à l’ouest de la voie est organisé et délimité par des réseaux de fossés parallèles (Fig. 1 et 2). Certains de ces fossés semblent avoir été en eau, expliquant la multiplicité de leur recoupement. Ces fossés ceinturent un espace parcellaire de 780 m² minimum au sein duquel des traces de cloisonnement plus modestes et parallèles ont été détectés (palissades sur poteaux et fossés). Ils suivent un axe nord-ouest/sud-est. Ces délimitations forment des îlots de largeur variable, à l’intérieur desquels s’organisent des vestiges très probablement en lien avec la vocation artisanale du site. L’îlot occidental, partiellement observé, se différencie des autres par la présence d’un solin.

En limite nord, des fossés du même type et s’insérant dans cette même trame parcellaire ont été détectés.

La bordure du radier de la voie antique est recouverte d’un cailloutis qui déborde largement en direction de l’ouest dans l’espace délimité par les deux réseaux de fossés (Fig. 1). L’hypothèse d’un chemin axé sud-ouest/nord-est entre deux espaces parcellaires est envisagée.

Des activités artisanales

Une forte activité métallurgique est ressentie dans ce quartier. Les indices sont nombreux, en particulier les épandages de déchets métallurgiques (scories écoulées, parfois friables, cordons, culots de forge, battitures et fragments de parois de four) identifiés à l’ouest de la voie empierrée (Fig. 1 et 2). Les premières observations de ces déchets métallurgiques laissent clairement suggérer un travail du métal sur site (épuration). Elles ont été confirmées par la découverte d’une fosse de travail oblongue et parallèle à la voie empierrée (Fig. 5 et 6). Cette fosse est liée à une activité de forge au regard des niveaux d’encroûtement métalliques, indices d’une aire de martelage.

Fig. 5 : Vue de l’aire de martelage. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 6 : Épandage de scories. Crédit : Éveha, 2021.

Une fosse de combustion de plan ovale a été identifiée (Fig. 7). Sa fouille par quarts opposés a permis d’observer un profil en cuvette et une profondeur maximale de 34 cm. Ses parois évasées présentent une rupture de pente au niveau des parois rubéfiées. Le fond argileux et rubéfié est plat. Cette fosse a livré peu de mobilier qui compte quelques tessons de céramique et fragments de faune (dont certains présentent des traces de chauffe). Il ne contient aucun autre indice matériel qui pourrait renseigner sur sa destination exacte. Il convient de signaler la présence de scories mais en quantité anecdotique.

Fig. 7 : Fosse de combustion en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2021.

La fouille d’un puits

Sur les trois puits découverts, un seul a été entièrement fouillé (Fig. 8). Il se situe à proximité de la forge. Son avant-trou mesure 3 sur 3,20 m et son conduit mesure 54 à 84 cm de diamètre, avec un rétrécissement en partie supérieure. Son fond, à 3,70 m de profondeur, s’installe dans le substrat alluvionnaire formé de graviers et sable. Le cuvelage est majoritairement constitué de blocs de silex. Les comblements supérieurs ont livré des éléments de construction. Les comblements inférieurs contenaient du mobilier plus divers (tessons de céramiques, restes fauniques, pesons, fragments de meule et meule entière en quartzite).

Fig. 8 : Puits fouillé. Crédit : Éveha, 2021.

Des inhumations en bordure de voie

En sortie d’agglomération, trois vestiges à vocation funéraire ont été découverts en bordure de voie. La fouille des deux inhumations en fosse a permis de mettre au jour deux individus adultes déposés sur le dos (Fig. 9a et b). Le premier individu, en position contrainte, présente des ossements atteints par l’arthrose. Le deuxième, assez mal conservé et les mains sur le pubis, est partiellement édenté. Enfin, à proximité, une petite fosse circulaire peu profonde est remplie de quelques résidus de bûcher. Du mobilier brûlé est associé (clous, scories, objet en alliage cuivreux, éclats de verre, tessons de céramique).

Fig. 9a : Sépulture en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 9b : Sépulture en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2021.

Les occupations suivantes

Pour les périodes suivantes, l’état des lieux actuel ne permet pas encore de déterminer une continuité de l’occupation du site. L’occupation du haut Moyen Âge (env. 476 à 1000) détectée sur la fouille de la parcelle méridionale semble se limiter dans cette partie. Pour les époques postérieures, l’occupation est faible, voire inexistante au regard de l’absence de mobilier. En revanche, une continuité est bien évidemment sentie au travers de la reprise du parcellaire gallo-romain.