ANNECY (74) – Avenue du Parc des Sports

Dans le cadre de la construction de logements au 20 avenue du Parc des Sports à Annecy (Haute-Savoie) portée par Haute-Savoie HABITAT, une fouille d’archéologie préventive a été prescrite par le service régional de l’archéologie (DRAC/SRA). Cette opération permet d’appréhender un pan de l’histoire d’un quartier de la ville antique de Boutae sur près de cinq siècles. Malgré les destructions causées par la construction de maisons modernes et de tranchées réalisées à la fin du XIXe s., les vestiges sont assez bien conservés pour pouvoir suivre l’évolution de cette parcelle située près du cœur de l’agglomération antique, à deux pas du forum et de la basilique.

Présentation de l’opération archéologique
L’opération archéologique est menée par une équipe d’une dizaine d’archéologues du bureau d’études Éveha sous la direction de Tony Silvino. Initiée le 6 septembre, elle s’achèvera le 17 décembre 2021, après plus de trois mois sur le terrain. Les recherches se poursuivront ensuite en laboratoire.

Une occupation gauloise inattendue
L’histoire de ce quartier débute au milieu du Ier s. av. J.-C., peu après la conquête de Jules César. C’est en effet de cette période que l’on date une série de bâtiments en matériaux légers (terre et bois) perçus dans le niveaux les plus profonds. Ces édifices ont livré du mobilier d’origine italique (amphores, céramiques, etc). Pour le moment, il est difficile de connaître assez précisément les modalités de l’organisation de cette première occupation qui, au demeurant, reste peu documentée sur le territoire d’Annecy.

La première occupation artisanale
Autour du changement d’ère, la trame véritable de l’agglomération antique se met en place avec l’aménagement de deux artères urbaines. Ces dernières reprennent l’orientation de celle de l’occupation antérieure (nord-ouest/sud-est) et constituent l’ossature du quartier. La première, appelée decumanus sud, dont des portions ont déjà été observées dans d’autres secteurs de la ville, est constituée d’une chaussée de cailloutis damés associé à des égouts en bois. Large de 9 m environ, cet axe viaire s’avère un axe majeur de la ville antique. Quant à la seconde, appelée decumanus nord, si elle est également formée d’une bande de roulement constituée de cailloutis, elle demeure moins large (6 m environ). Ces deux rues délimitent trois îlots d’habitation qui accueillent des activités artisanales, liées au travail des métaux (fer et alliages cuivreux). Cette pratique perdurera jusqu’à la fin du Ier s. ap. J.-C., date à laquelle un important incendie ravage l’ensemble du quartier. Ce sinistre permettra de mettre en place un nouveau plan d’urbanisme qui changera radicalement le visage des îlots d’habitation.

Des habitats de qualité
La reconstruction suivant l’incendie se matérialise par des insulae accueillant des habitats de qualité : sols en béton, traces de mosaïques, murs enduits de décors peints, pièces chauffées, bassins, etc. Le decumanus sud fait l’objet de réfections avec en particulier la mise en place de trottoirs couverts avec un système de portiques. Ces derniers étaient constitués d’éléments architecturaux en calcaire. D’ailleurs, un chapiteau portant une inscription découvert dans les couches supérieures de la voie, pourrait appartenir à un de ces portiques. Il mentionne le nom d’un citoyen romain (C. Ambilius Iucundus), d’origine locale, qui pourrait avoir construit sa demeure dans l’une des parcelles de ce quartier.

Une évolution du quartier au IIIe s.
La fonction des îlots d’habitation semble évoluer au début du IIIe s., date à laquelle le decumanus nord est abandonné pour laisser place à une activité liée à l’exploitation animale : boucherie, salaisons de bœuf, tannerie, tabletterie, etc. Ces artisanats, très pollueurs, sont situés à l’arrière d’un habitat caractérisé à certains endroits par la présence de grands murs. Il est difficile encore de définir précisément la nature de cette occupation mais la présence de ce type de maçonnerie plaiderait en faveur d’édifices importants dans cette partie du site, peut-être à vocation commerciale. La découverte d’un lot d’une vingtaine d’étiquettes en plomb inscrites pourrait aller dans ce sens. C’est à cette période, que de nombreux puits sont mis en place, non pas obligatoirement pour puiser de l’eau mais peut-être pour servir de puisards. Un de ces ouvrages a fait l’objet d’une fouille spécifique par le service puits d’Éveha. Exploré jusqu’au fond, atteint à 5,20 m de profondeur, ce puits a livré de nombreux objets céramiques, ainsi que des restes de faune et un lot de pesons.

Abandon et réoccupation à l’Antiquité tardive
Après l’abandon général du quartier à la fin du IIIe s., une réoccupation des lieux est visible durant l’Antiquité tardive en bordure du decumanus sud dont la chaussée est encore entretenue. Il s’agit d’un habitat assez modeste associé à une petite zone funéraire. Au cours du Ve s., la parcelle est définitivement abandonnée pour laisser place à des terrains agricoles.

Au final, cette opération permet de d’enrichir un peu mieux nos connaissances sur la ville antique, depuis la période gauloise jusqu’à la fin de l’Antiquité. Elle fournit ainsi des informations primordiales sur les activités et les aléas des occupants de ce quartier proche du centre monumental de Boutae.

Vue du site en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2021.
Enduits peints. Crédit : Éveha, 2021.
Lot d’étiquettes en plomb utilisées dans le commerce à l’époque antique. Crédit : Éveha, 2021.
Base de colonne dotée d’une inscription en réemploi. Crédit : Éveha, 2021.
Applique de meuble en bronze représentant Bacchus. Crédit : Éveha, 2021.
Vue du conduit du puits fouillé depuis le fond. Crédit : Éveha, 2021.
Découverte d’une semelle cloutée antique. Crédit : Éveha, 2021.
Guttus (vase à bec verseur en goutte à goutte) en forme de coq découvert le long d’un mur. Crédit : Éveha, 2021.