Dans la Charente, les vestiges exceptionnels de deux épaves antiques

Découvertes dans le fleuve Charente en 2008 sur les communes de Saintes et de Fontcouverte (17), deux épaves de l’époque antique font l’objet de recherches archéologiques depuis 2015. Si la première épave est aujourd’hui très dégradée, la seconde présente un état de conservation encore exceptionnel. En effet, cette dernière semble conservée sur l’intégralité de sa longueur et hauteur ! Cependant, les pillages menacent désormais ces vestiges qu’il devient urgent de pouvoir étudier et protéger.

Un programme de recherche pour les étudier

Débutées en 2015, les recherches archéologiques autour de ces deux épaves sont portées par le service Plongée du bureau d’études Éveha, sous la responsabilité de Jonathan Letuppe.

La campagne de 2022 a débuté à la mi avril et doit se poursuivre jusque mi mai.

Ces recherches bénéficient du soutien à la fois financier et scientifique du service régional de l’Archéologie (DRAC/SRA Nouvelle-Aquitaine), ainsi que du laboratoire de recherche Ausonius (Université de Bordeaux). À ces collaborations s’ajoutent enfin les contributions et engagements de partenaires tels que la Ville de Saintes et des mécènes professionnels.

Que sait-on de ces épaves ?

À ce jour, les recherches archéologiques subaquatiques ont été menées uniquement sous forme de sondages afin de dégager progressivement les vestiges. Les études menées à partir des relevés (dessins, photographies) nous permettent d’ores et déjà de situer ces bateaux dans l’évolution de la construction dite à « carvel », sujet encore largement débattu aujourd’hui. Il s’agit en effet des premiers exemples de bateaux connus sur la façade Atlantique pour comprendre les interactions entre les bateaux fluviaux et maritimes. Le démontage systématique des bois étudiés dans ces sondages a d’ores et déjà engendré de nombreuses études. Ainsi, l’abattage de quelques bois de la première épave a été déterminé par la dendrochronologie entre l’automne 335 et l’hiver 336 de notre ère. La seconde épave a été datée entre 250 et 400 de notre ère par carbone 14. L’étude des assemblages nous renseigne par ailleurs sur l’utilisation de pièces en ré-emploi : cette indication se révèle extrêmement importante pour comprendre les techniques de construction navale, tout comme le modèle économique de ces chantiers durant l’Antiquité tardive. Enfin, des observations minutieuses livrent de nombreuses informations sur les traces d’outils et savoirs-faire des charpentiers. De nombreuses découvertes restent cependant à faire pour mieux comprendre l’architecture et la fonction de ces bateaux (guerre ? commerce ?), mais aussi retrouver leurs éventuels chargements.

Modélisation photogrammétrique d’une section de l’épave antique. Crédit : Éveha, 2017.
Fouille en cours dans les conditions de visibilité parfois réduites de la Charente !
Crédit : Éveha 2019.

De réels menaces à court terme

Entre chaque campagne de fouille, les sondages sont rebouchés par du géotextile et des sacs de sable visant à protéger les vestiges de l’érosion fluviale très forte à cet endroit. Cette mesure n’a cependant rien pu contre les pillages dont a été victime la seconde épave à l’automne 2020. Il apparaît donc aujourd’hui crucial de définir les objectifs d’étude et de conservation de ces vestiges antiques.

Un potentiel muséographique

Si la première épave est aujourd’hui mal conservée, la seconde est encore intégralement préservée à ce jour. La coque présente ainsi une longueur de 19 m pour 3,50 m de large et entre 1 m de haut au centre de l’épave et 1,85 m aux extrémités. Retournée sur le fond du fleuve, à plus de 7,50 m de profondeur, l’épave mérite à plus d’un titre d’être intégralement étudiée et sortie de l’eau pour intégrer un espace muséographique. Aujourd’hui, la Ville de Saintes porte la volonté d’accompagner ce projet de renflouement et de présentation muséographique. Le coût de ces travaux demeure cependant très important et ces derniers ne pourront se faire que dans le cadre d’un projet global associant l’ensemble des services publics.

Des exemples Outre-Rhin

Découvertes en 1981 lors de travaux de construction à Mayence, cinq épaves antiques se trouvaient à environ 7,5 m au-dessous l’actuel niveau de la rue. La découverte de ces épaves et les représentations graphiques antiques ont alors permis la reconstruction fidèle à l’original de deux de ces bateaux au sein du musée de la Navigation antique de la ville. Ces répliques illustrent la taille et la forme des bateaux naviguant sur le Rhin à l’époque de l’Antiquité tardive ainsi que leur utilisation comme patrouilleurs et transporteurs de troupes. La seconde épave du site de Courbiac présente, en bien des aspects, un potentiel scientifique et muséographique égal à ces découvertes d’Outre-Rhin.

Épave antique et reconstitutions proposées au musée de la navigation antique de Mayence.
Crédit : followinghadrianphotography.com