Les fouilles menées sur le site Rue des Terres de l’Augerie / Chemin des Roches dans la commune de Forges (17) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité d’Anne-Zahra Chemsseddoha dans le cadre du projet d’aménagement immobilier de BRC Aménagement. Les investigations archéologiques, menées sur une emprise d’un peu moins d’un hectare, ont permis la mise au jour d’un groupement d’enclos fossoyés, remontant au moins à la fin de l’âge du Fer (La Tène C), avec une fréquentation plus tardive à la période antique se manifestant notamment par l’installation d’un four à chaux dans un des enclos.
Le groupement d’enclos fossoyés
La commune de Forges, et plus particulièrement le secteur du chemin des Roches, était déjà connue pour la présence de vestiges protohistoriques. Le diagnostic effectué en 2003 sur la parcelle voisine à celle présentée ici avait en effet permis la mise au jour de deux enclos circulaires datés de l’âge du Bronze. La présente fouille constitue cependant une avancée non négligeable avec l’identification de sept enclos fossoyés dont la variété morphologique et la répartition spatiale semblent suggérer la présence de plusieurs phases d’occupation (fig. 1).
En effet, les enclos se répartissent selon deux axes principaux : un axe nord-ouest/sud-est marqué par les enclos monumentaux et un axe sud-nord, dans la continuité des enclos de l’âge du Bronze déjà connus. La variété des aménagements fossoyés se traduit dans leur morphologie. Deux enclos quadrangulaires monumentaux d’environ 20 m et 25 m de côté et s’ouvrant au sud-ouest par un accès étroit, se distinguent ainsi du groupe. Visibles sur des photographies aériennes et identifiés lors du diagnostic, leurs fossés mesurent par endroits plus de 5 m de largeur au niveau d’ouverture conservé, tandis que les profondeurs observées varient de 1,30 m à 1,90 m. Un autre enclos à trois côtés et aux dimensions plus ramassées ferme l’ensemble au nord-ouest.
Au sud-est, la densité des vestiges s’accompagne d’une variété d’aménagements : un petit enclos quadrangulaire à fossé continu, en contact avec un enclos circulaire, avoisine un enclos rectangulaire avec une large interruption au nord-ouest, occupée par un dernier enclos en arc curviligne.
Aucun dépôt funéraire n’a été mis au jour. Les comblements n’ont livré qu’une faible quantité d’artefacts – quelques tessons épars ou groupés sous forme de petits lots ponctuels et de rares objets en métal. À ce stade de l’étude, la ou les fonctions initiales de ces enclos et les activités associées ne peuvent être identifiées avec certitude. En revanche, les comblements et leurs dynamiques, variant d’un enclos à l’autre, reflètent l’histoire singulière de chacune des structures. Les deux grands enclos l’illustrent bien.
L’enclos 1 se distingue des autres par sa profondeur et son comblement marqué relativement tôt par une épaisse couche de blocs calcaires, qui nous oriente vers l’hypothèse d’un effondrement, voire d’une destruction volontaire du cairn ou des talus qui devaient couvrir son espace interne (fig. 2). La situation diffère dans l’enclos monumental voisin, où le comblement se distingue par la présence d’une épaisse couche argileuse et homogène et l’absence d’un tel niveau de blocs (fig. 4). On peut supposer que cette spécificité est corrélée à l’installation d’un four à chaux à l’époque romaine à l’intérieur de l’enclos, ce qui aurait entraîné l’épierrement du monument.
Un four à chaux d’époque romaine
En effet, à l’époque romaine, un four à chaux est construit dans le grand enclos 2. Orienté est-ouest, il est creusé depuis le bord interne du fossé sud-oriental et se développe dans l’espace interne de l’enclos (fig. 5-7). Mesurant environ 2,10 m de diamètre et ayant une hauteur conservée d’1,40 m, ce four a été employé plusieurs fois. Le fossé est alors utilisé comme espace de circulation et de rejets, comme en témoignent les nombreux fragments de terre rubéfiée et de pierres chauffées. Si les chronologies doivent être affinées, il apparaît clairement que l’installation de cette structure pour l’exploitation des pierres calcaires marque une rupture dans l’histoire du site et dans sa portée symbolique.
Les études à venir et l’analyse des données récoltées sur le terrain permettront d’affiner nos connaissances du site et sa chronologie. Ces structures pourront être mises en perspective avec les autres complexes à enclos fossoyés à l’échelle locale et régionale.