MONTANS (81) – 3 impasse du Rougé

Les fouilles menées sur le site du 3 impasse du Rougé à Montans ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Simon Girond. Elles interviennent dans le cadre du projet d’extension d’un Centre de Conservation et d’Études (CCE) du mobilier archéologique, porté par la communauté de communes Gaillac-Graulhet Agglomération, et prennent ainsi la suite des recherches programmées menées entre 1991 et 1994 lors de la construction du CCE.

Nos investigations archéologiques ont permis de mettre au jour et d’étudier des niveaux et structures datant du premier âge du Fer au second Moyen Âge. La fenêtre de recherches, réduite à environ 140 m2 suivant l’emplacement de la future extension, s’est avérée relativement dense, avec une stratigraphie riche d’au moins sept niveaux d’occupation en lien avec un habitat aggloméré et des activités artisanales pour les périodes protohistoriques et antiques et, pour la fin de la période médiévale, avec le cimetière de l’église paroissiale Saint-Martin.

Une occupation du premier âge du Fer

Concernant le premier âge du Fer, les recherches ont mis en évidence une importante densité de structures dans le tiers occidental de l’emprise. Il s’agit de niveaux de sols, de trous de poteau, d’un probable silo, mais aussi de fosses plus ou moins bien caractérisées. Le tout se recoupe et témoigne d’une stratification complexe. Ainsi, une fosse à peu près circulaire, encadrée par deux trous de poteaux, présente des parois supérieures fortement rubéfiées et, en fond, l’aménagement d’un probable foyer constitué de pierres (fig. 1). Elle pourrait s’apparenter à une structure en lien avec une activité artisanale, d’après les premiers parallèles que nous avons trouvés, mais aucun élément pouvant caractériser le type d’activité n’a été décelé. Les pierres du foyer étaient posées sur une couche très charbonneuse comportant une douzaine de bois de cervidés (fig. 2). Plusieurs bois remontaient le long des parois de la fosse et étaient donc apparents lors de l’utilisation du foyer (fig. 1). La structure recoupait un creusement plus ancien qui comportait un comblement marqué par la présence de gros fragments d’un même vase de stockage (fig. 3). À l’ouest de la fosse, un petit foyer en creux présente une forme en cupule profonde (fig. 4) : il pourrait être en lien avec une activité métallurgique (travail des alliages cuivreux ?). Au nord, une seconde structure pourrait également correspondre à un même travail métallurgique : il s’agit d’une zone foyère qui présente des parois aménagées et un possible emplacement de tuyère (fig. 5). Un possible creuset a été recueilli dans les niveaux très charbonneux en lien avec cette structure. Dans le reste de l’emprise, à l’est de cette densité importante de vestiges, seul un niveau plus ou moins dense en galets hétérométriques, étalé sur 4 à 5 m de largeur, était aménagé directement sur le terrain naturel (fig. 6). Aucune structure en creux n’y a été décelée : il pourrait s’agir d’un espace de circulation (voie, cour ou autre ?). Le mobilier céramique qui a été recueilli dans les différentes structures s’apparente majoritairement à des productions de la partie moyenne du premier âge du Fer, selon une chronologie déjà bien attestée à Montans, mais il pourrait également y avoir des éléments plus anciens (âge du Bronze ?).

Fig. 1 : Vue de l’aménagement d’un foyer au sein de la fosse. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 2 : vue d’une partie du dépôt de bois de cervidé au sein de la fosse. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 3 : Vue d’un dépôt de gros fragments de céramique dans une niveau antérieur à la fosse. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 4 : Vue du foyer. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 5 : Vue du foyer. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 6 : Vue du niveau de galets. Crédit : Éveha, 2022.

Une occupation laténienne

Au-dessus des structures de cette première occupation, nous avons mis au jour trois séquences probablement de la fin de l’époque laténienne (fin IIe-Ier siècle avant notre ère). C’est sur la moitié orientale de l’emprise que leur préservation était la meilleure. Le niveau inférieur présentait des trous de poteau, des fosses ainsi qu’un foyer en fosse de plan quadrangulaire caractéristique d’un travail de forge du fer (fig. 7). Une sépulture de nourrisson mal conservée y a été également mis au jour. La seconde séquence d’occupation est marquée par une forte présence de charbons de bois. Les plus fortes concentrations pourraient être en lien avec la destruction par le feu d’un bâti en terre et bois. Les traces d’un niveau de sédiment blanchâtre formant un espace quadrangulaire pourrait correspondre à un aménagement élevé sans fondation. À proximité, une importante tranchée paraît marquer l’implantation d’une palissade. Quelques trous de poteaux ont été détectés sans qu’il soit possible de restituer la construction qu’ils ancraient au sol.

Fig. 7 : Vue d’un probable foyer de forge. Crédit : Éveha, 2022.

Enfin, le niveau supérieur est caractérisé par l’aménagement d’une plateforme délimitée et confortée par un mur de terrasse bâti en pierres sèches (fig. 8). La surface de cette plateforme présente plusieurs zones foyères et quelques trous de piquets peu profonds. La densité et la nature structurée de l’occupation gauloise constituent une véritable surprise par rapport à ce qui avait été vu et étudié entre 1991 et 1994. Les rapports de l’époque ne font état que d’un important remblai laténien s’intercalant entre les occupations du premier âge du Fer et d’époque romaine. Les structures et niveaux que nous avons mis au jour donnent à voir un pérennité d’un habitat et, probablement d’activité artisanale, sur une période assez étendue. En outre, les quelques structures linéaires que nous avons observées (palissade, mur, tranchée) semblent dénoter d’une même logique d’aménagement (orientation, emplacement) qui semble avoir été pérennisée au début de l’époque romaine.

Fig. 8 : Vue d’un probable mur de terrasse bâti en pierre sèche. Crédit : Éveha, 2021.

Une statue

À l’ouest de l’emprise de fouille, un seul niveau était conservé car les aménagements d’époque romaine semblent avoir plus profondément remanié la zone. Néanmoins, une statue en pierre d’une iconographie proche de types connus pour la fin du second âge du Fer – buste sur socle ou personnage assis – a été mise au jour en position de réemploi dans un probable solin surmontant une cave d’époque romaine. L’absence de cou, le nez trapézoïdal, les yeux en amande (fig. 9), sont autant de caractéristiques qui tendent à la comparer à des représentations recensées sur le territoire rutène (cf. travaux de Philippe Gruat), mais aussi dans le centre et l’ouest de la France (cf. travaux d’Y. Ménez à partir du site de Paule dans les Côtes d’Armor). La sculpture de Montans se démarque néanmoins de ces groupes par le fait qu’elle semble représenter un personnage assis dans un fauteuil ce qui pourrait la rapprocher de la statuaire gallo-romaine. Le nettoyage et l’étude de la pièce permettront d’aller plus avant dans sa caractérisation et sa détermination.

Fig. 9 : Vue de la sculpture mise au jour en contexte de remploi. Crédit : Éveha, 2021.

Une occupation de l’époque augustéenne

Dans la partie orientale de la fenêtre, les niveaux d’époque romaine sont en lien avec un bâtiment en matériaux périssables : les vestiges observés sont des sablières basses en bois et des solins de pierres et de fragments de terres cuites architecturales servant de bases à une élévation mêlant probablement adobe et bois. Ce bâti est divisé en au moins deux espaces : l’une des pièces (fig. 10) disposait d’un foyer construit en matériaux de réemploi (en parois de four ?). Un cellier creusé dans les niveaux antérieurs et le terrain naturel était implanté à l’extérieur, au niveau de l’angle nord-ouest du bâtiment. L’ensemble daterait du début de l’époque romaine, sans doute de la période augustéenne.

Fig. 10 : Vue du bâti antique recoupé par les sépultures médiévales. Crédit : Éveha, 2021.

Un puits

À l’est, un petit espace de circulation longeait le bâtiment et donnait peut-être accès à un puits. Ce dernier, fouillé intégralement sur 7,60 m de profondeur (fig. 11), présentait un cuvelage en pierres calcaires de 0,60 à 0,85 m de diamètre interne. L’eau s’écoulait à 2,50 m au-dessus du fond. Les premiers niveaux de comblement étaient particulièrement chargés en macro-restes végétaux (branchage, feuilles…). Quelques objets ou fragments d’objets en bois ont été mis au jour. Dix prélèvements réalisés dans différents comblements permettent d’envisager de riches études paléoenvironnementales (carpologie, palynologie, anthracologie, entomologie, archéozoologie,…). Au-dessus du niveau de l’eau, les remblais étaient marqués par la présence plus ou moins importante de fragments de matériaux de construction, de
céramique et de faune.

Fig. 11 : Vue de la fouille du puits par l’équipe de fouille en milieu confiné. Crédit : Éveha, 2022.

Une production artisanale

Dans la partie occidentale de la fenêtre plusieurs structures pourraient appartenir à une phase d’occupation postérieure à cet ensemble. C’est au moins le cas d’un creusement de plan circulaire d’environ 0,98 m de diamètre qui recoupe les niveaux liés au bâtiment. Son comblement est formé d’une argile jaune très homogène et compacte qui comprend de nombreux tessons de céramiques et d’amphores ainsi que des fragments de tegulae et d’imbrices. Les plus gros de ces éléments sont positionnés en bordure du creusement comme une sorte de calage. Le creusement de la fosse présente un profil particulier avec des parois évasées, un replat puis un surcreusement central de forme ovale allongée avec un fond plat (fig. 12). Il est à mettre en relation directe avec une fosse fouillée en 2015 rue Carbinié à Montans qui présentait le même profil et un comblement proche. Elle était interprétée à titre d’hypothèse comme une fosse d’implantation de tour de potier. La répétition de la forme et de la mise en œuvre à quelques centaines de mètres plus loin incite à confirmer l’hypothèse. Une seconde structure mise au jour au nord-ouest pourrait correspondre également à une phase d’occupation du secteur pour l’artisanat de la poterie : il s’agit d’un fond de cuve ou de bassin maçonné en fragments de tegulae liés à la chaux pour les murets et en béton de chaux pour le fond. Il était rempli d’un sédiment argileux de couleur rouge, plutôt vierge d’inclusions. Ce comblement pourrait avoir un rapport avec la fonction de la cuve ou du bassin : stock, décantation, pourrissement d’argile..? Nous avons réalisé des prélèvements pour d’éventuelles analyses sédimentologiques et/ou micromorphologiques.

Fig. 12 : Vue de la fosse 98 : implantation d’un tour de potier ? Crédit : Éveha, 2021.

Une cave

Au niveau de l’angle sud-ouest de l’emprise, une cave de plan quadrangulaire a été mise au jour (fig. 13). Elle est installée dans les niveaux protohistoriques et profondément ancrée dans le terrain naturel. Son comblement n’a livré que peu d’éléments caractérisants, mais c’est d’un solin qui devait la border en surface que nous avons extrait la sculpture. Dans l’angle nord-ouest, un profond creusement circulaire qui a seulement été sondé sans en atteindre le fond devait correspondre à un puits dont le cuvelage aurait été entièrement démonté avant le colmatage final de la structure, dans le but de stabiliser le terrain. En effet, les deux dernières structures étaient recouvertes par les remblais de nivellement liés à l’installation d’un bâtiment marqué par un sol en mortier de chaux sur radier de galets et des tranchées de récupération à l’emplacement des murs. Sa construction pourrait dater de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère. Ces niveaux ont servi d’encaissant aux sépultures médiévales. C’était le cas aussi, à l’est, des niveaux de destruction du bâtiment en terre et bois.

Fig. 13 : Vue de la cave d’époque romaine après sa fouille mécanique par moitié. Crédit : Éveha, 2022.

Des inhumations

Ce sont 59 inhumations, majoritairement bien conservées, qui ont été mises au jour sur l’ensemble de la surface prescrite. Elles n’ont livré aucun indice de datation évident, si ce n’est leur orientation. Elles sont vierges de tout mobilier hormis les éléments remobilisés dans le comblement qui correspondent, pour la céramique en tous cas, essentiellement à des artefacts antiques. Les défunts ont été déposés au fond de fosses étroites, creusées en fonction de leur taille – les pieds et la tête ont été fréquemment appuyés contre les bords. Il y a une variabilité dans la profondeur du dépôt. Pour certaines fosses, les bords présentent une architecture avec des éléments qui ont été fichés dans l’encaissant. Ces éléments sont, pour la plupart, des matériaux (galets, briques, parois de four, tuiles, céramiques) extraits des vestiges antiques. Ils forment une sorte de banquette sur laquelle aurait pu être posé une ou plusieurs planches qui recouvraient le défunt. L’analyse anthropologique montre en effet que la totalité des individus mis au jour présentent les signes d’une décomposition en espace vide. Nous avons également remarqué a plusieurs reprises dans la stratigraphie des tombes la présence d’éléments posés à plat au-dessus des ossements humains (faune, fragments de tuiles, tessons de céramique antique…). L’organisation de l’espace funéraire se fait en rangées d’axe ouest-est, espacées de 0,50 m à 1 m et relativement bien respectées (fig. 14). Aucun recoupement entre sépultures, ni aucune superposition n’ont été constaté. En revanche, quelques structures postérieures (fosses, tranchées) sont venues perturber ou détruire des sépultures. D’après leur typologie, ces tombes pourraient correspondre à l’extension du cimetière paroissial autour de l’église saint-Martin, à la fin du Moyen Âge, entre le 13e et le 16e siècle. Seul le recours à des datations radiocarbones permettra d’apporter les précisions chronologiques nécessaires.

Fig. 14 : Vue des sépultures médiévales. Crédit : Éveha, 2021.

D’une manière générale, les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation.