LORIOL-SUR-DROME (26) – Champgrand – zones 1 et 2

Les fouilles menées à Loriol (Drôme) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Karine Raynaud. Menée dans le cadre du projet d’extension de la ZAC de Champgrand, l’opération était répartie en deux emprises séparées pour une surface totale de 3,7 hectares. Elle a permis de mettre au jour un établissement rural de l’Antiquité tardive, une occupation fossoyée de la fin de l’âge du Fer et un site du Néolithique final/Bronze ancien.

Zone 1 : des bâtiments et niveaux de sol du Néolithique final/ Bronze ancien

En Zone 1 (1 hectare), un premier décapage extensif a mis au jour un vaste niveau de sol argileux et foncé épais de 20 cm, au sommet duquel reposent de nombreux artefacts (céramique, lithique taillé) répartis de manière discontinue. Trois secteurs à plus forte densité ont été sélectionnés et traités en fouille manuelle fine, associée à des prélèvements systématiques destinés à la recherche de micro-vestiges (nodules de terre brûlée, esquilles lithiques, composants sédimentaires) et de macro-restes végétaux carbonisés.

Vue aérienne de l’emprise. Crédit : Éveha, 2022
Fouille manuelle sur le niveau archéologique du Néolithique final/Bronze ancien. Crédit : Éveha, 2022

Un second décapage extensif a dégagé les trous de poteaux de bâtiments liés à ce niveau de sol et illisibles au sommet de ce dernier. À ce stade de l’étude, trois ensembles appariés ont été distingués : un bâtiment rectangulaire de plan simple sur 8 poteaux de 8,25 X 3 m (25m2) et deux édifices axés sud-est/nord-ouest et abordant un plan sensiblement trapézoïdal. Ces derniers sont portés sur la largeur par trois poteaux de tierce qui compartiment l’espace couvert en deux nefs, pour des superficies respectives de 55 et 48 m². Néanmoins, il faut envisager que ces deux bâtiments voisins s’étendaient au-delà du cadre porteur, avec des soutiens ou parois faiblement ancrées dans le sol ou restées illisibles sur le terrain.

Vue aérienne d’un bâtiment sur poteaux. Crédit : Benjamin Carles, Éveha, 2022

Parmi les artefacts récoltés dans l’épandage de mobilier ou dans les remplissages des poteaux, plusieurs éléments nous guident vers un horizon du Néolithique final/Bronze ancien, marqué également par la présence de tessons décorés du Campaniforme récent. Ces indices confortent les résultats du diagnostic et conduisent à une ou plusieurs occupations de la fin du 3e millénaire, étendues au-delà des limites de la prescription de fouille.

Fragment de gobelet campaniforme. Crédit : Éveha, 2022
Armature perçante en silex. Crédit : Éveha, 2022

Zone 2 : des témoignages de l’occupation antique de la plaine de Loriol

Sur la Zone 2 (2,4 hectares) se sont présentées deux installations successives du second âge du Fer et de l’Antiquité. Distantes de 150 mètres, elles sont globalement implantées sur un même axe qui semble conduire l’organisation spatiale de cette partie de la plaine de Loriol dès le second âge du Fer.

La Zone 2 Ouest a livré des faits archéologiques attribués à La Tène finale (env. 150 à 27 av. J.-C.). Le secteur est structuré par un enclos fossoyé quadrangulaire à trapézoïdal enserrant une superficie de 1760 m² et doté d’une interruption pouvant faire office de porte d’entrée, située au nord-est et large de 7 mètres au sol. Adossé à l’axe parcellaire majeur qui traverse les emprises décapées sur 400 mètres de long, cet enclos désigne une première structuration antique de l’espace agricole de la plaine. Il participe à un ensemble fossoyé plus vaste si l’on considère les segments de fossés ancrés sur sa façade sud et axés est-ouest. Les sondages manuels puis mécaniques ont permis de documenter un profil en V dont le remplissage uniforme a livré du mobilier céramique et des fragments d’amphores datés de La Tène finale. A l’intérieur de l’enclos a été reconnu un bâtiment sur poteaux avec axe de faîtage, couvrant 126 m² et dont la fonction (habitat ou agricole) reste à préciser. D’autres élévations sur poteaux sont disposées à l’extérieur de cet enclos, tout comme quatre puits dont la relation chronologique avec l’ensemble archéologique précédent sera à déterminer. Une unique fosse profonde à gabarit ramassé appelle une intention de stockage en lien avec les bâtiments les plus proches. Après son abandon, elle a servi de lieu de rejet pour des fragments d’amphore et de nombreux restes de terre architecturale ayant subi l’action du feu ou d’un incendie. Les témoins de la culture matérielle sont rares, dispersés et fragmentés. Ce secteur a fait l’objet d‘un second décapage mécanique qui a démontré l’absence de vestige antérieur à l’occupation gauloise.

Vue aérienne de l’enclos gaulois. Crédit : Éveha, 2022
Vue aérienne de l’enclos gaulois. Crédit : Éveha, 2022

À l’extrémité orientale de la zone 2, l’occupation antique (abandonnée au 3e s. ap. J.-C.) se développe sur 13000 m² jalonnés par trois fossés rectilignes axés sur le fossé parcellaire majeur de la zone. Elle est matérialisée par la découverte de nombreux vestiges dont deux bâtiments arasés avec des fondations en dur. Le premier bâtiment couvre une surface de 98 m² composée d’au moins une pièce fermée délimitée par des murs larges de 0,6 m dont seul subsiste le radier de fondation. Le bâtiment principal jouxte le précédent avec un léger décalage d’orientation et se caractérise par un plan rectangulaire d’environ 20 x 15 m (280 m2), regroupant 11 pièces dont deux pièces d’angles en avancées sur cour séparées par une galerie. Enfin, un autre espace semble avoir été accolé postérieurement au sud de celui-ci , avec une surface de 32 m2. Ce bâtiment est ouvert vers l’est sur une cour de 20 m de côté, clôturée au nord et à l’est par deux murs et ouverte au sud. L’ensemble représente un établissement rural de 750 m² au sol implanté sur une remontée topographique du substrat alluvial ancien (cailloutis calcaire), en bordure d’une dépression limoneuse. Les murs sont à double parement avec blocage interne et insertion de mortier entre chaque assise ; la présence ponctuelle d’éléments en remploi (tuile, TCA, mortier) suggère une occupation antérieure qui sera à restituer (1er s. ap. J.-C.).

Vue aérienne des deux bâtiments de l’Antiquité. Crédit : Éveha, 2022

Au sol, on remarque une pièce aménagée d’un radier de galets et une autre ayant visiblement subi un incendie. La plupart des pièces ont été retrouvées couvertes d’un manteau de tuiles effondrées et fragmentées mais débarrassées des pièces complètes probablement lors d’un chantier de récupération. La couche de démolition a livré des éléments antiques dont les plus récents sont attribués au troisième quart du 3e siècle.

Pièce aménagée d’un radier de galets dans le bâtiment principal. Crédit : Éveha 2022
Pièce du bâtiment principal ayant subi un incendie ? Crédit : Éveha, 2022

Pour leur approvisionnement en eau, les occupants ont bénéficié de 8 puits répartis de part et d’autre de l’établissement, dont un cuvelé de blocs de calcaire.

Vue du puits cuvelé. Crédit : Éveha, 2022

La phase d’étude débutera une fois le mobilier archéologique nettoyé. Son analyse combinée aux données de terrain nous permettra de mieux définir ces occupations.