SAINT-JUNIEN (87) – Cloître de la collégiale

Les opérations archéologiques menées sur le site du cloître de la collégiale de Saint-Junien ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Xavier Lhermite, en collaboration avec Boris Hollemaert et Jérôme Lachaud. Elles interviennent en amont d’un projet de valorisation porté par la commune. L’opération s’est déroulée en trois phases. La première phase consistait en la démolition d’un mur de terrasse et le décaissement des terres apportées au 19e s. La deuxième phase concernait la réalisation de sondages au sein des galeries du cloître dans le but de connaître tant les niveaux de circulation que de détecter la présence de sépultures et de comprendre les liens entre ces niveaux anciens et un puits conservé aujourd’hui à proximité de la galerie sud. La dernière phase a été consacrée à une étude de bâti des murs entourant cet espace du cloître.

La première phase d’intervention

Lors de la première phase de l’opération, la destruction du mur a livré un certain nombre d’éléments lapidaires, tels que des éléments d’encadrement d’ouverture, des nervures de voûte, mortier, etc. Le décaissement des terres de remblais n’a révélé qu’une seule structure remarquable, à savoir un puits qui figure sur des documents de la fin du 19e s. Ce puits était construit en aveugle dans les niveaux de remblais du 19e s. et doit donc être considéré comme une création récente. En fond de décaissement sont apparues des zones riches en rejets du 19e s. (bouteilles en verre, céramiques, gazettes…). Ces espaces, non circonscrits, ont été considérés comme des remblais plutôt que comme des fosses. Plusieurs sondages ont été réalisés dans le talus jusqu’au contact des murs pour permettre d’étudier ponctuellement ces derniers sur toute leur élévation.

La deuxième phase d’intervention

Deux sondages ont été réalisés lors de la deuxième phase de l’opération. Un premier sondage contre le mur nord de l’église a été préconisé par le service régional de l’Archéologie (DRAC-SRA Nouvelle-Aquitaine) à cet emplacement du fait du projet de la mairie de Saint-Junien d’ouvrir une porte sous un arc visible dans ce mur. Cet arc, avant même de creuser le sondage, a été identifié non comme le couvrement d’une porte mais bien plutôt comme la voûte cassée d’un aménagement plus grand (chapelle, enfeu) encore bien visible sur le parement interne du mur. L’objectif du sondage devenait alors plutôt de retrouver les murs de cet aménagement. Or, les creusements ont tout d’abord révélé des vestiges postérieurs à la Révolution, liés à la cour se développant alors dans l’angle formé par la nef et le transept et aux bâtiments encadrant cette cour (fig. 1). Mais sous les niveaux de celle-ci ont été mis au jour seulement des remblais récents (19e s.). Tout cet espace a été creusé jusqu’au substrat, peut-être en lien avec une restauration de toutes les fondations de l’église à cet emplacement, qui ont été rejointoyées avec un mortier rose (tuileau) sans doute pour assurer l’étanchéité – les problèmes d’infiltration d’eau étant, encore à l’heure actuelle, récurrents au sein de la collégiale. À l’extrémité ouest du sondage, les niveaux anciens étaient en partie conservés, ce qui a permis de retrouver les assises de fondation de l’angle du mur bahut (fig. 2).

Fig. 1 : Niveaux contemporains au sein du sondage perpendiculaire au bras nord du transept. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 2 : Niveaux anciens au sein du sondage perpendiculaire au bras nord du transept. Crédit : Éveha, 2023.

Le second sondage avait pour but de reconnaître les niveaux du cloître, de vérifier la présence de sépultures et d’établir la relation entre le mur bahut et un puits bordant cette maçonnerie. Ce sondage a permis de mettre au jour de nombreux éléments anciens. Le mur bahut était bien conservé, à l’exception de sa dernière assise. Entre celui-ci et l’église ont été découverts, sous les remblais récents, différents niveaux de sol, circulation ou préparation de sol, en lien avec la galerie de cloître. Si le dernier niveau au moins correspond à une réoccupation récente (postérieure à la Révolution) certains d’entre eux sont en lien avec le cloître de la collégiale. Au sein de ces niveaux, quatre fosses ont été identifiées comme étant des sépultures (fig. 3). Pour l’une d’entre elle, sa localisation, en bord de coupe, n’a pas permis de connaître ses dispositions. Les trois autres étaient des fosses creusées dans le substrat et couvertes par des dalles de pierre. Une de ces sépultures présentait une couverture maçonnée, du mortier jointoyant ces différentes dalles. Une autre sépulture, dont une des dalles de couverture avait basculé, a été, à la demande du SRA, ouverte pour connaître l’état de conservation des ossements. Une rapide prise en compte a révélé que les ossements des pieds étaient très bien conservés, ce qui suggère une probable très bonne conservation de l’ensemble des squelettes (conforme avec ce qui avait déjà été remarqué dans les précédentes fouilles réalisées autour de la collégiale). Au sein de ce second sondage, la question de la relation du puits avec le mur bahut se posait également. Les fouilles ont révélé un puits de facture médiocre : de plan ovale, il est réalisé en moellons bruts et ne présente quasiment aucun mortier (tout juste en comblement des joints sur sa face interne). Sa mise en place a nécessité un bûchage de la fondation du mur bahut. Intégré de façon cohérente dans des niveaux de cour du 19e s., il doit avoir été creusé après la division de l’espace du cloître en deux parties après la Révolution (fig. 4).

Fig. 3 : Sépultures au sein du sondage perpendiculaire à la nef de l’église. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 4 : Mur bahut et puits au sein du sondage perpendiculaire à la nef de l’église. Crédit : Éveha, 2023.

La troisième phase d’intervention

Les premiers résultats de l’étude de bâti se révèlent particulièrement importants pour l’histoire du site. Le pilier sud-ouest du cloître, encore conservé, permet de restituer certaines dispositions de celui-ci dans les années 1200 (fig. 5). Il tenait encore, jusqu’en 2020, un angle de toiture – aujourd’hui détruit – se singularisant de toutes les couvertures des bâtiments se développant au nord de la collégiale, qui correspondait très certainement aux vestiges d’une charpente ancienne (médiévale ?) du cloître. Différents éléments témoignant de l’accroche de la toiture de ce cloître d’époque 1200 sont visibles. Plus intéressant encore, au sein du mur gouttereau (mur terminant le versant d’une toiture et en recevant les eaux) de l’église, des trous d’ancrage sont visibles. Ils ont été prévu au sein des maçonneries dès la construction du mur de l’église (mur datant d’avant 1100 selon les dernières hypothèses d’Eric Sparhubert). Ces trous situés trop bas par rapport à la corniche soutenant la toiture du cloître 1200 témoignent incontestablement du projet de mise en place d’une galerie dès la construction de la nef de l’église. Autre découverte importante, le mur bordant l’espace du cloître au nord présente un premier état fait de grand appareil. Ce grand appareil présente des modules identiques à celui de l’église et au sein de celui-ci, des espaces destinés à l’encastrement de poutres ont été prévus dès sa réalisation et à la même altitude que ceux présents dans l’église. Rattacher ce mur a une campagne précoce et à un premier cloître (tout début du 12e s.) est donc envisageable. Une visite dans les bâtiments bordant l’espace du cloître au nord révèle d’autres vestiges de mur en grand appareil suggérant l’existence d’un programme architectural ambitieux au nord de l’église sans doute assez précoce (dès le début du 12e s.), dans la continuité des travaux de la collégiale ou peut-être même en partie réalisée parallèlement à ceux-ci. Différentes reprises et réfections du cloître et des bâtiments disposés autour de celui-ci sont visibles et seront précisés dans le cadre du rapport.

Fig. 5 : Pilier sud-ouest du cloître conservé avec le départ des arcs et la corniche le couronnant. Crédit : Éveha, 2023.

Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation.