MONTSINERY-TONNEGRANDE (973) – Habitation Courbary

Les fouilles menées sur le site de l’Habitation Courbary, sur le territoire de la commune de Montsinéry-Tonnegrande (973), ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Bruno Zélie à l’automne 2022. Le site est plus précisément situé en forêt, à environ 15 km de Cayenne en rive droite de la rivière Montsinéry dans le prolongement du fleuve Cayenne et s’étend sur un petit plateau entouré de basses terres marécageuses. Cette opération s’inscrit dans le cadre d’une sauvegarde par l’étude de vestiges partiellement détruits lors de travaux de déforestation et de terrassements agricoles observés lors d’une campagne de prospection archéologique.

Plusieurs bâtiments de l’habitation coloniale

Les investigations archéologiques ont permis d’affiner les observations réalisées en prospection par la mise au jour des vestiges de l’occupation coloniale et un premier état des lieux de leur niveau de conservation. Le site se développe au sommet d’un petit plateau soutenu à l’est par un mur de terrasse. Il se compose principalement de bâtiments s’articulant autour d’une cour centrale. Ces vestiges affleurants présentent un niveau de conservation qui est dans l’ensemble très correct compte tenu des dégradations récentes qu’ils ont pu subir, à la fois par la déforestation, mais aussi par la repousse d’une végétation dense composée essentiellement de bois canons.

Fig. 1 : Plan général des vestiges. Crédit : Éveha, 2022.

La maison principale ou maison de maître ?

Un des bâtiments se détache par la nature des matériaux employés pour sa construction. Il se trouve dans une position centrale sur le front est du plateau et se matérialise par des murs en briques sur solin de pierres conservés par endroits sur trois assises. Une partie de ces élévations peut encore être observée en relative connexion, effondrées notamment sur ce qui s’apparente à une galerie de circulation extérieure faite d’un dallage de pierres. Si le partitionnement interne ne peut être déterminé avec précision, les différentes factures de sol, en briques ou en tomettes et l’importance donnée à leur esthétique témoignent de fonctions distinctes, telles que des espaces de vie et de stockage. Il est probable que cette construction puisse être apparentée à la maison principale de l’habitation, dite maison de maître.

Fig. 2 : Sol vu de puis l’est. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 3 : Vue générale de la maison principale. Crédit : Éveha, 2022.

… et son espace cuisine ?

Deux corps de bâtiments se déploient au nord et au sud de ce premier édifice. Au nord, le bâtiment dégagé semble correspondre au prolongement de la maison principale par sa ressemblance et le fait qu’ils soient raccordés par un chemin pavé. La mise au jour de deux structures internes bâties de composition mixte, faites de pierres et de briques, apporte les premiers éléments de compréhension de cet espace. La première, dans la moitié est, s’apparente à un potager. La seconde, dans l’angle sud-ouest du bâtiment, pourrait correspondre à un four, peut-être un four à pain. Ces deux structures tendent à interpréter ce bâtiment comme une cuisine connexe à la maison principale, localisée à l’écart pour des questions de sécurité.

Fig. 4 : Orthophotographie de la cuisine connexe à l’habitation principale. Crédit : Éveha, 2022.

Des témoignages d’activité agricole ou artisanale

Au sud, les constructions sont plus légères. Le troisième bâtiment repéré pourrait ainsi correspondre à une seconde annexe, plutôt liée à une activité artisanale ou agricole, voire à un hangar. Un petit dépôt d’objets métalliques, dont la motivation reste à déterminer, a été retrouvé à cheval sur le mur gouttereau nord du bâtiment. Il se compose notamment d’éléments d’entraves, mais également de plusieurs pièces d’armes à feu. Le quatrième et dernier bâtiment observé le plus à l’ouest, est le plus sommaire et correspond potentiellement à une case d’esclave. L’espace est recouvert par un dôme de sédiment sablo-argileux jaunâtre matérialisant l’effondrement de parois en torchis. La présence de mobilier amérindien dans ce sédiment est à mettre en relation avec la terre utilisée, probablement issue d’une couche d’occupation plus ancienne mise au jour dans les sondages réalisés à l’extrémité est du plateau.

Fig. 5 : Dépôt de mobilier métallique. Crédit : Éveha, 2022.

Une occupation de la fin du 18e et du début du 19e siècle

Aucune étude mobilier n’est prévue pour cette opération. Cependant, selon les premières observations réalisées sur le terrain, la céramique, bien que fragmentaire, présente plusieurs décors assez reconnaissables et attribuables à une période comprise entre la fin de la seconde moitié du 18e siècle et la première moitié du 19e siècle. Ces éléments sont également associés à des fragments de pipes en terre cuite blanche et à du mobilier en verre, principalement des bouteilles, parfois complètes. La fonction précise de chacun de ces bâtiments reste à approfondir. Néanmoins, le potentiel archéologique du site est confirmé, et son état de conservation permet d’envisager la mise en place de travaux ultérieurs plus approfondis, peut-être sous la forme d’une fouille archéologique programmée.