LA MOTTE-TILLY (10) – Les Sables de la Trématte (Zone sud phase 1)

Les fouilles menées sur le site des « Sables de la Trématte – Zone sud phase 1 » à La Motte-Tilly ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Nicolas Loew. Elles interviennent dans le cadre du projet d’aménagement de CEMEX Granulats pour l’extension d’une carrière d’alluvions.
Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour un important système fossoyé, des bâtiments sur poteaux, des puits, des inhumations, une incinération, des fosses polylobées, des dépôts de faune, les abords d’un paléochenal (noue) et des chablis. Les datations préliminaires effectuées durant la phase de terrain attribuent les vestiges au Néolithique, aux différents âges du Fer et à l’Époque moderne.

Une vaste prospection pédestre en amont des fouilles 

En amont de la phase de terrain, une prospection pédestre a été réalisée sur l’intégralité des emprises réservées par la prescription archéologique, soit 140 000 m² environ. Sept archéologues, dont un topographe, sont intervenus durant une semaine pour quadriller la zone de prospection dès les labours réalisés. La collecte, bien que modeste au regard de la superficie (288 artefacts), a toutefois révélé des zones de concentration de mobilier lithique intéressantes, essentiellement sur la zone nord.

À terme, la corrélation entre ces zones de concentration de surface, les structures sous-jacentes (qui ne seront observées qu’à l’occasion d’une nouvelle fouille à venir en 2023) et l’environnement géologique pourrait ainsi permettre une meilleure compréhension des occupations humaines et des processus taphonomiques à l’œuvre dans cet espace alluvial.

Photo aérienne de la prospection pédestre. Crédit : Éveha, 2022.
Exemple de mobilier lithique issu de la prospection. Crédit : Éveha, 2022.

Une occupation du Néolithique ancien

L’occupation la plus ancienne mise au jour lors de cette campagne de fouille concerne le Néolithique ancien. Cette occupation ne concerne qu’une tombe qui semble, à l’heure actuelle, isolée. La datation repose sur le riche mobilier de parure qui accompagne le défunt composé de huit bracelets en schiste et un médaillon en lignite, ainsi que sur une datation radiocarbone. Des éléments en coquillages travaillés se trouvaient autour de la tête et pourraient être associés au médaillon.

Les études sur l’individu adulte inhumé en position fléchie, et orienté nord-ouest/sud-est, se poursuivent désormais en laboratoire via l’étude du comblement de la sépulture.

L’inhumation néolithique avec mobilier de parure. Crédit : Éveha, 2022.

Une faible occupation du Néolithique moyen au 1er âge du Fer (800-460 av. J.-C.)

Des traces d’occupation peu denses et faiblement ancrées sont observées du Néolithique moyen jusqu’au premier âge du Fer. Elles concernent notamment du mobilier retrouvé dans des aménagements possiblement plus récents. Une unité architecturale en abside sur poteaux pourrait également indiquer une première installation domestique dès le Néolithique. Des tentatives de datation sont en cours sur des charbons de bois issus des prélèvements au sein des sédiments archéologiques piégés dans ces aménagements.

Des bâtiments du 2d âge du Fer (460-25 av. J.-C.)

L’occupation la mieux caractérisée et la plus structurée est celle du second âge du Fer, avec la présence de bâtiments sur poteaux, de fossés, de puits révélant un établissement domestique rural à la répartition lâche. La datation par la céramique d’un puits de La Tène D1 (150-90 av. J.-C.) confirme qu’au moins un puits est associé à cet habitat.

Exemple de puits. Crédit : Éveha, 2022.

L’établissement se compose de 18 bâtiments sur poteaux, de plan quadrangulaire allant de 4 à 75 m² et avec une moyenne atteignant 40 m².

Exemple d’unité architecturale. Crédit : Éveha, 2022.

La présence de grandes fosses polylobées pourrait indiquer l’extraction de matériaux nécessaires à la construction des bâtiments identifiés. De plus, l’étude des rejets de la plus grande fosse polylobée laisse envisager une spécialisation de cet habitat vers un artisanat du fer en raison de la présence de nombreux rejets métalliques et notamment de scories et de culots de forge.

Exemple de petit mobilier métallique. Crédit : Éveha, 2022.

Une fin d’occupation datée de l’Antiquité et de l’Époque moderne

Des occupations antiques et historiques sont également présentes sur l’emprise fouillée. Une partie du système fossoyé identifié correspond à ces périodes. Les études menées en archives visaient principalement à corréler le mobilier et les cartes anciennes pour confirmer l’attribution chronologique des fossés. Ainsi, les fossés du sud peuvent être rattachés aux périodes médiévales et modernes et des liens sont sans doute à dresser avec le château de la Motte-Tilly. L’étude archivistique des plans anciens permet également d’éclairer la présence de très nombreux chablis au sud du fossé moderne (90 % des faits identifiés) par la présence attestée d’une forêt à cet emplacement.

Des dépôts de faune

Plusieurs dépôts de faune ont été identifiés sur la superficie décapée. Ils se répartissent en deux zones de concentration, une au nord-est et l’autre au nord-ouest. Les animaux inhumés au nord-est sont des bovins et des équidés et ceux du nord-ouest, des bovins et des caprinés. En l’absence de mobilier associé à ces animaux, des datations radiocarbones ont été entreprises. Si la majorité des datations semblent indiquer que ces dépôts sont modernes (XXe s.), celles obtenues sur les chevaux sont calées à l’Antiquité (II – IIIe s.).

Exemple de dépôt de faune. Crédit : Éveha, 2022.

Présence de quelques tombes dans la partie nord de la fouille

Enfin des tombes sont réparties de manière disparate sur la partie nord de la fouille. En ajout à la tombe du Néolithique ancien susdite, on recense deux inhumations, une incinération et des éléments de crâne retrouvés dans un fossé. L’incinération est relativement mal conservée (fond de céramique en pleine terre avec des os brûlés) et perturbée par des racines. Le vase semble se rattacher à la Protohistoire sans plus de précision à ce stade de l’étude. Une tentative de datation sur les restes humains brûlés est en cours, pour commencer par extraction de collagène, et par datation de la bio-apatite le cas échéant. La première inhumation est située à coté de la noue, sans édifice à proximité immédiate. Elle présente un individu masculin adulte, dans une sépulture individuelle en dépôt primaire, orienté nord-ouest/sud-est. La datation par 14C sur collagène situe le défunt à l’époque médiévale (Xe s.). La seconde inhumation se situe au milieu des dépôts de faune. Le squelette, orienté ouest–est, est un adulte en position ventro-latérale droite. Le comblement, qui n’a pas livré de mobilier, a été prélevé en partie. La tentative de datation par extraction de collagène n’étant pas réalisable au vue de l’état de conservation de l’individu, une méthode par datation de la bio-apatite des restes osseux est en cours. Les éléments de crâne sont daté par 14C du Néolithique moyen. Leur découverte dans un fossé attribué à La Tène C-D semble tendre vers une destruction des éléments anciens à la mise en place de l’occupation du second âge du Fer.

Conclusion préliminaire

Ainsi les vestiges mis au jour montrent une occupation ancienne et relativement continue. Les périodes représentées sont nombreuses : pour la Préhistoire, on note tout d’abord le Mésolithiques avec les fosses profondes, suivit par les sépultures à inhumation datées du Néolithiques ancien et moyen. La Protohistoire est la plus représentée avec les bâtiments sur poteaux, des fossés, du funéraires et des fosses. Ces ensembles sont identifiés à partir de la fin de l’âge du Bronze jusqu’à la fin du second âge du Fer. Enfin les périodes historiques sont identifiées par les indices d’occupations antiques, médiévales et modernes.

Les investigations se poursuivent désormais en laboratoire où les analyses croisées menées par les spécialistes et la reprise des données de terrain permettront d’affiner notre compréhension de l’occupation de ce secteur de la Motte-Tilly.