MACOURIA (973) – Avenue Belle-Humeur

Les fouilles menées sur la commune de Macouria, avenue Belle-Humeur, en rive gauche de la rivière de Cayenne, ont été réalisées par le bureau d’études Éveha au mois d’août 2023 sous la responsabilité de Guillaume Seguin dans le cadre de la construction d’un lotissement de maisons individuelles. L’opération de fouille, portant sur une superficie de 5770 m², a permis de mettre au jour les traces d’une occupation amérindienne ancienne (10e-14e s. ?).

Le site se positionne à moins de 300 m du fleuve sur un léger relief ceinturé de pripris (zone marécageuse). Cette position topographique constitue un emplacement idéal pour une implantation humaine. Le décapage a permis la localisation de 411 structures archéologiques, points de présence ponctuelle de mobilier ou anomalies sédimentaires. Nombre de ces dernières se sont révélées correspondre à des terriers de tatous, des altérations racinaires ou des poches charbonneuses en lien avec la pratique de la culture en abattis à une époque récente.

Concentrations mobilier et fosses amérindiennes … funéraires ?

Trois zones de concentration de mobilier ont été cernées. Chacune a livré un petit nombre de fosses (3 à 5) correspondant possiblement à des sépultures amérindiennes (11 au total). En l’absence de conservation des restes osseux, le caractère funéraire de ces structures reste incertain mais constitue la principale hypothèse de travail. Ces fosses sont oblongues et au format d’un corps humain. Leur comblement livre de grandes quantités de mobilier céramique et lithique déposé de manière organisée. Ces dépôts agencés témoignent de gestes maîtrisés et répétitifs relevant très probablement de la sphère rituelle. Deux types de fosses se distinguent : on observe des tombes « plates » (Fig. 1 et 2) et des tombes plus profondes dont les parois partent en sape (Fig. 3 et 4). Autour de ces fosses gravitent des structures plus simples livrant des assemblages céramiques plus modestes (18 au total). Ces dépôts pourraient témoigner de pratiques cultuelles ou commémoratives autour des tombes.

Fig. 1 : Probable sépulture double amérindienne. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 2 : Dépôt céramique agencé à vocation funéraire. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 3 : Tombe à parois en sape contenant des fragments de platines destinées à la cuisson de galettes de manioc. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 4 : Tombe à parois en sape contenant des tessons de bouteilles à cachiri (bière de manioc). Crédit : Éveha, 2023.

Mais pas uniquement …

La présence de plusieurs trous de poteaux associés à ces zones de concentration de mobilier a été mise en évidence. En l’absence de pierre dans les environs immédiats du site, les poteaux ont été calés au moyen de tessons céramiques et de fragments d’outils macrolithiques. Une quantité importante de mobilier a, par ailleurs, été collecté « hors structures ». On note la présence de plusieurs fragments de hache polie et d’outils en quartz, probablement abandonnés à même le sol. Dix foyers ont également été localisés et fouillés.

… et une première découverte en Guyane

Enfin la fouille a permis d’identifier un dispositif agro-alimentaire amérindien (Fig. 5). Il se compose de deux structures fossoyées. La première fosse est flanquée de deux trous de poteau. Elle présente un creusement en escalier et une dépression centrale. La seconde fosse, de plan quadrangulaire, était comblée par des pierres, vraisemblablement utilisées comme lest. Elle était dotée d’un poteau disposé à l’horizontale / oblique. L’ensemble semble fonctionner comme un pressoir à bras de levier. Il pourrait s’agir d’une potence pour couleuvre à manioc ou d’une presse à fruits de palmier (Fig. 6). Ce type de dispositif n’était pas encore documenté par l’approche archéologique.

Fig. 5 : Dispositif agro-alimentaire amérindien (presse à manioc ou à fruits de palmier). Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 6 : Évocation d’une couleuvre à manioc d’après M. de Préfontaine 1763. Maison rustique à l’usage des habitants de la partie de la France équinoxiale, connue sous le nom de Cayenne. Planche 3.

Des analyses pour dater, documenter culture matérielle et pratiques rituelles.

Le mobilier céramique collecté permet de rattacher cette occupation au complexe chrono-culturel Thémire. Ce dernier, initialement défini sur l’Ile de Cayenne, se rapporterait principalement aux 10-14e siècles. Une série de datations radiocarbones devrait permettre de préciser cette attribution chronologique. Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner les connaissances sur la culture matérielle et les pratiques rituelles des anciennes populations amérindiennes de Guyane.