MONTGISCARD (31) – ZAC du Rivel

Les fouilles menées sur le site de Majouret ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Emilie Roques, secondée par Marie-Caroline Di Palma et Cindy Lavail. Elles interviennent dans le cadre du projet d’aménagement d’une ZAC par Enova Aménagement. Les investigations archéologiques menées sur près de 9 ha ont permis de mettre au jour une occupation néolithique et des vestiges d’un établissement rural antique (Fig. 1).

Fig. 1 : Plan masse des vestiges au 1 /2000. Crédit : Éveha, 2023.

La période du Néolithique

L’occupation néolithique est matérialisée par une dizaine de fosses et trous de poteau. Ces structures ne semblent pas dessiner de plan particulier mais la présence d’épandages de limon gris foncé mêlé à des petits graviers très localisés pourraient correspondre à des zones d’occupation pour le moment indéterminées. Des prélèvements ont été effectués dans le but de réaliser des analyses micro-morphologiques et paléo-environnementales. Le comblements de ces structures s’est avéré très riche en mobilier céramique, particulièrement bien conservé et marqueur de la culture vérazienne, dont l’aire d’influence est principalement concentrée de l’Aude à la Catalogne et s’étendant jusqu’au toulousain (Fig. 2).

Fig. 2 : Fosse vérazienne. Crédit : Éveha, 2023.

La période antique

L’occupation principale du site est un habitat rural antique, situé à 1,5 km au nord de la via Aquitania, reliant Toulouse à Carcassonne. Quatre bâtiments fortement arasés ont été mis au jour. Trois d’entre-eux appartiennent à la pars rustica de la villa. Un petit bâtiment (Bât. 4) de 4 x 4 m pourrait être un appentis construit en matériaux périssables dont il ne subsiste que neuf trous de poteaux (Fig. 3). Un bâtiment de plus grandes dimensions (Bât. 1, 30 x 10 m), avec l’ajout d’une petite pièce au sud- est, sans cloisonnement interne, serait à vocation agricole (Fig. 4). Il ne reste au maximum que 10 cm de fondations qui sont constituées de blocs et fragments de molasse extraite localement. Un troisième bâtiment (Bât. 2), au nord de la parcelle, n’est conservé que sur deux pans de fondations constituées de petits fragments de briques et de galets (Fig. 5).

Fig. 3 : Bâtiment 4 sur poteaux. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 4 : Bâtiment 1. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 5 : Bâtiment 2. Crédit : Éveha, 2023.

Le bâtiment le plus important (Bât. 3), tant par ses dimensions (55×20 m) que par sa vocation, est localisé plus à l’est. Une grande pièce en abside ainsi que la présence d’hypocauste confirment la vocation thermale de cet ensemble (Fig. 6). Il ne subsiste de l’hypocauste que la dalle de tuileau inférieure avec les traces d’arrachement des pilettes quadrangulaires. Cette pièce chauffée est divisée en trois espaces. A proximité immédiate, une citerne est branchée à une canalisation qui longe le mur ouest de l’hypocauste. Le praefurnium, fortement arasé est situé au nord de l’hypocauste. Une autre canalisation, qui court le long du mur nord de ce bâtiment, est une canalisation de récupération des eaux se jetant dans un fossé.

Fig. 6 : Bâtiment thermal (Bât. 3). Crédit : Éveha, 2023.

Les puits antiques

Un puits, creusé à 8 m de l’hypocauste, présente une ouverture circulaire de 3,20 m de diamètre. A 4,20 m de profondeur, des planches de cuvelage matérialisent un conduit quadrangulaire de 0,90 m de côté (Fig. 7). Ces planches en bois, dans un état de conservation remarquable, sont conservées sur 14 niveaux, soit 2,30 m de haut. Une situle en bronze a été mise au jour dans son comblement. Le fond de ce puits n’a pas été atteint. Un deuxième puits, au sud du bâtiment thermal, dont le diamètre à l’ouverture est de 5 m, a été fouillé mécaniquement. Pour des raisons technique la fouille a été arrêtée à 8 m de profondeur sans avoir atteint le fond. Les niveaux humides de ce puits ont conservé une épaisse couche de végétaux (paille, herbe, feuille, petits branchages…), de nombreux restes fauniques (notamment des crânes).

Fig. 7 : Puits avec cuvelage en bois. Crédit : Éveha, 2023.

Ce puits a également livré un élément remarquable : il s’agit d’une pompe aspirante-refoulante en bois (Fig. 8). Les cylindres du bloc de refoulement sont en plomb. Dans la chambre de refoulement, les clapets en plombs avec des fragments de valve en cuir étaient encore en place. D’autres éléments appartenant à la pompe ont également été découverts : les pistons en bois (avec les valves en cuir) et environ 6 m de longueur de tuyaux en bois. Il s’agit de la cinquième pompe connue en Gaule, la vingtième de l’Empire romain. La dernière avait été découverte sur la fouille dirigée par Cyril Driard (Éveha) à Reims en 2016.

Un troisième puits est situé dans l’ange sud-ouest de l’emprise, à 150 m du grand bâtiment agricole. Il a été en partie fouillé par l’Inrap lors du diagnostic.

Fig. 8 : Pompe issue du puits. Crédit : Éveha, 2023.

Les autres aménagements

Deux structures, dont la fonction est indéterminée à l’heure actuelle, s’apparentent à des niveaux de sol, légèrement excavés et aménagés avec des éléments de récupération : tegula, suspensura, fragments de marbre, pilettes, briques, morceaux d’amphore, tuileau. La structure la plus grande mesure 4×4 m (Fig. 9).

Fig. 9 : ST 1289. Crédit : Éveha, 2023.

La superficie importante de la fouille, 9 ha, nous a permis de mettre au jour un large système de fossés autours des bâtiments. Nous avons des fossés drainants à proximité des bâtiments et des fossés d’enclos qui délimitent les espaces au sein du domaine
rural.


Il nous manque la partie habitation de ce domaine, probablement localisée au nord-ouest de l’emprise, sous le hameau actuel de Majouret. En effet, des fossés et des tranchées de récupération filent dans cette direction.


Au sud du bâtiment 1, une fosse ovale de 16×10 m, peu profonde, a certainement servi de fosse d’extraction de molasse. Plusieurs fragments de marbre sont issus de son comblement. D’autres fragments de marbre ont été mis au jour dans les fossés : nous avons ainsi des fragments de base de colonne, de plinthes, de dallage, lisses ou moulurés, dans un large éventail de couleurs.


Le site étant très arasé du fait des colluvionnements et des labours, on observe une indigence du mobilier antique par rapport aux types de vestiges et à la surface de l’emprise. La plupart du mobilier vient de la fosse d’extraction et des fossés notamment, plus rarement des puits. Les quelques tessons de céramique piégés dans les fondations des bâtiments et dans leurs niveaux d’abandon ne permettent pas, avant étude du mobilier, d’ajuster la fourchette de datation comprise entre le Ier et le IVe siècle.

Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation.