Les fouilles archéologiques menées sur le site de Courcelles-en-Bassée (77) – Le Buissonnet ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Noémie Arandel dans le cadre du projet d’aménagement porté par Cemex Granulats.
Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour, sur près de 5 ha, des vestiges datés du Paléolithique, du Néolithique, de la Protohistoire, de l’Antiquité, du Moyen Âge et de l’Époque moderne.
Problématiques scientifiques du cahier des charges
Lors du diagnostic, trois périodes principales ont été décelées. La première correspond à des locus paléolithiques ainsi qu’à une occupation protohistorique, comprenant notamment une nécropole de La Tène finale (150/30 avant notre ère) repérée au sud-est de l’emprise. La seconde renvoie à un établissement rural de l’Antiquité. La dernière, sous la forme d’une occupation continue entre la période mérovingienne et le Moyen Âge classique, se positionne pour partie sur des vestiges plus anciens.
L’enchevêtrement des structures, les multiples phases chronologiques ainsi que bon nombre de structures non datées avaient constitué au diagnostic une difficulté pour avoir une vision d’ensemble claire. L’identification spatiale et chronologique de l’ensemble de ces occupations représentait donc un axe majeur de la recherche tel que défini dans le cahier des charges émis par le service régional de l’Archéologie.

Les vestiges préhistoriques et néolithiques
Une portion d’enceinte néolithique a été identifiée sur 17 m de long à la pointe nord-ouest de l’emprise. Sa superficie totale n’est pas connue, le tracé curviligne se développant au-delà de la limite occidentale de l’emprise de fouille. Une enceinte à fossés interrompus similaire a été fouillée dans son entièreté en 2022 par le bureau d’études Éveha sur une parcelle voisine. La section fouillée ici a livré des traces de négatifs de poteaux formés de demi-troncs illustrant l’existence d’une palissade dans le fossé. Des demi-troncs de chêne conservés ont également pu être observés en place dans le fossé.

Fig. 1 : Section de fossé de l’enceinte néolithique présentant des négatifs de demi-troncs. Crédit : Éveha 2024.
Une trentaine de fosses présentant des profils en U, V et Y ont été découvertes sur toute la surface de l’emprise. Aucune logique d’organisation spatiale n’a été perçue pour le moment. Ces fosses sont caractérisées par leur forme, les sédiments carbonatés qui les comblent et l’absence de mobilier. Leurs datations restent à définir, mais ces fosses sont connues dès la période du Mésolithique jusqu’à l’âge du Bronze. Des analyses complémentaires permettront d’affiner ces données.

Fig. 2 : Coupe d’une fosse profonde à profil en Y avec des traces de piquets en bois. Crédit : Éveha 2024.
Le site protohistorique
Plusieurs bâtiments sur poteaux ont été mis en évidence au sein de l’occupation, dont seize bâtiments quadrangulaires sur quatre ou cinq poteaux dont la superficie varie de 5 à 15 m². La quasi-absence de mobilier associé à ces unités architecturales n’a pas permis de datation, mais leur typologie et leur implantation orienterait vers une occupation de fin de la période laténienne ou du gallo-romain précoce. Leur fonction reste à définir, mais les premières hypothèses supposent des greniers ou d’autres installations liées à l’activité agricole.

Fig. 3 : Unité architecturale sur 4 ou 5 poteaux. Crédit : Éveha 2024.
Une importante zone d’ensilage a également été identifiée dans le secteur ouest de l’emprise.
Un bâtiment de plan ovale, sur neuf poteaux, a été découvert dans le secteur nord-ouest de l’emprise. Sa datation le situerait à l’âge du Fer ou à une période antérieure.
Le diagnostic avait permis l’identification d’un enclos funéraire rectangulaire bipartite à fossé interrompu s’ouvrant à l’est. Il n’a livré aucune structure funéraire ou aménagement spécifique en son sein. Trois potins sénons datant du Ier siècle avant J.-C. ont été mis au jour dans le comblement d’un des fossés. Une série de 9 sépultures a été mise au jour à proximité directe à l’ouest de l’enclos. Parmi elles, on dénombre deux inhumations d’adultes situées à l’extérieur de l’enclos à proximité des angles nord-ouest et sud-ouest, quatre inhumations de périnataux avec un dépôt de céramique et d’objet métallique en offrande et trois crémations associées à un ou plusieurs vases.

L’évolution des pratiques funéraires et le mobilier associé évoquent une occupation marquant la transition entre La Tène finale et le Haut-Empire. L’étude des vestiges en laboratoire permettra de préciser ces datations.



Éveha 2024.
L’occupation antique
L’occupation gallo-romaine est caractérisée par un vaste réseau de fossés couvrant la totalité de la parcelle. Certains présentent des aménagements se rapportant à des installations pastorales.

Ce réseau est associé, au moins aux 3e-4e siècles, à un bâtiment agricole s’apparentant à une grange ou un grenier à piliers internes de 350 m² localisé sur la pointe ouest de l’emprise. Ce dernier est flanqué de deux espaces annexes de 200 m² à l’ouest et un second visible sur 150 m² se développant au-delà de la limite méridionale de l’emprise de fouille. Un petit bâtiment rectangulaire sur six poteaux complète ce pôle.

Le bâtiment est associé à un enclos trapézoïdal à double fossé parallèle. Un alignement de trou de poteau suivant la même orientation suggère une première délimitation palissadée peut-être associée à un fossé et remplacée ultérieurement par un système à double fossé.
Des traces d’une activité métallurgique, et plus précisément de travail de forge, ont été identifiées aux abords de l’enclos trapézoïdal. Bien qu’aucune structure rattachée à cette activité n’ait été mise au jour, de nombreuses scories associées à des culots de forge ont été retrouvées dans le comblement des fossés de l’enclos et des structures avoisinantes. Cette activité pourrait être attribuée à la période gallo-romaine ou postérieure.
Un second pôle d’occupation antique semble se développer au nord-est à l’extérieur de l’emprise. Il se caractérise par une série de fossés formant un enclos s’ouvrant sur cette zone et une reprise de l’occupation matérialisée par la présence de fours domestiques et de fosses foisonnant de mobilier antique.
Les vestiges médiévaux et modernes
On observe des traces d’une occupation du haut Moyen Âge identifiée au diagnostic sur la parcelle au nord de la fouille. Ce bruit de fond est caractérisé par au moins un fond de cabane, des fossés et une série de fours domestiques situés en périphérie direct de l’habitat.
Enfin, des témoignages de l’Époque moderne sont présents sous forme de fossés, dont un bordé de fosses de plantations carrées, identifiées dans les secteurs sud et est de l’emprise. Cet ensemble matérialise l’ancienne limite sud de la parcelle.
Recherches à venir
La fouille a permis la mise au jour d’une importante quantité de structures archéologiques aux fonctions et à la chronologie variables. L’objectif principal de la post-fouille sera d’identifier l’organisation et de délimiter les occupations successives, puis de préciser leur phasage chronologique. Il sera également question de qualifier la nature et le statut des occupations et leur articulation au sein du site, mais également du contexte archéologique local, plusieurs occupations de l’âge du Bronze, laténienne et gallo-romaine ayant été mises au jour lors de diagnostic ou de fouilles depuis les années soixante. Enfin, une attention particulière sera apportée aux traces d’activité sidérurgique identifiées sur le terrain afin de circonscrire son utilisation dans l’espace et dans le temps.