VARENNES-SUR-ALLIER (03) – Rues du 4 septembre, Carnot, Claude Labonde et du Gué Vincent

Les fouilles menées sur le site de Varennes-sur-Allier (03) sur les rues du 4 septembre, Carnot, Claude Labonde et du Gué Vincent ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Damien Tourgon. Elles interviennent dans le cadre du projet d’aménagement de la réfection du réseau d’assainissement de la commune. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des fosses, des fossés et des niveaux de voiries datant de la période antique. Certains niveaux de voiries appartiennent à la période moderne et contemporaine voire également à la période médiévale. Des traces ténues d’une occupation certainement laténienne (âge du Fer) sont à souligner. Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation.

Mise en contexte et objectifs scientifiques

La prescription de ce suivi de travaux a été motivée par les multiples découvertes réalisées depuis plus de deux siècles sur la commune laissant envisager que son sous-sol abriterait l’agglomération secondaire antique de Vorocium située sur le territoire des Arvernes et connue comme étant une ville étape sur la table de Peutinger sous l’appellation de Vorogio. Sa situation privilégiée aux contacts des territoires arverne, éduen et biturige aurait ainsi favorisé son implantation en rive droite de la terrasse moyenne de l’Allier. Cependant, les vestiges antiques mis au jour au sein de sondages ou de découvertes fortuites ne permettent pas, à l’heure actuelle, de visualiser clairement l’emprise et la structuration de l’agglomération. D’autre part, de nombreuses structures du second âge du Fer (La Tène, -450 à -50 av. J.-C.) ont également été observées sur la commune et plus particulièrement sur ce secteur de fouille, témoignant vraisemblablement d’une occupation pérenne. Les traces d’occupation les plus anciennes connues sur la ville semblent ainsi indiquer la présence d’un premier habitat groupé dès le IVe s. av. J.-C. évoluant rapidement vers une agglomération ouverte. Par la suite, la transition entre la période antique et la période médiévale reste très mal documentée du fait de découvertes très ténues. À partir du Moyen Âge central, la ville se dote de deux pôles de concentrations de l’habitat avec, au nord, la paroisse de Vouroux évoquant le nom de la ville antique et succédant probablement à une occupation mérovingienne – comme en témoigne la découverte d’un sarcophage de cette période- et, au sud, la ville franche, dont les contours ont été protégés par une enceinte au XIVe siècle.

Ce suivi de travaux, totalisant 550 m linéaire et réalisé sur le tracé de quatre rues situées au cœur de la ville contemporaine, avait pour volonté de mettre en exergue à la fois l’extension et l’organisation de l’agglomération ouverte laténienne ainsi que la structuration de l’agglomération secondaire antique de Vorocium. Elle devait également permettre de montrer l’évolution de la morphologie de la ville médiévale et moderne et documenter les réseaux de voiries anciens (Fig. 1).


1 : Gendarmerie, janvier 1985. Matériel du 1er siècle
2 : 1990. Matériel et nombreuses scories
3 : Square de Vouroux, fév. 1987. Ossements humains et matériel gallo-romains
4 : Tour de potier de l’époque flavienne
5 : Beausoleil. Puits gallo-romain
6 : Rue de Vouroux, juin 1987. Fibule pseudo-La Tène II
7 : Propriété Guetton, mars 1992. Four de potier gallo-romain
8 : Propriété Compagnon, mars 1992. Fosse et matériel gallo-romain
9 : Propriété Guénain, mars 1992. RAS
10 : HLM Turlin, mars 1992. Matériel et enduits peints
11 : Jardin Rotat, mars 1992. Matériel gallo-romain et fosse de La Tène C2 (MC, DL)
12 : Église, mars 1992. Meule, amphores gallo-romaines
13 : Intervention d’avril-juin 1998
14 : Rue de l’Hôtel de ville, oct. 1988. Objet, cér.
15 : Champs de Mars, janv. 1986. 2 fosses dépotoirs du 1er siècle ap. J.-C.
16 : Idem, scories
17 : Restaurant scolaire, avril 1990. Fosses et matériel gallo-romain
18 : Résidence Marie Martin, oct.89. Matériel, moule, statuettes
19 : Propriété Alvez, oct.1988. Matériel gallo-romain
20 : LEP, oct.1991. Habitat, amphore
21 : Collège, oct. 1991. Matériel du 1er siècle ap. J.-C.
22 : Nécropole des égots
23 : Dépotoirs gallo-romains
24 : Tuiles gallo-romaines
25 : Les Rouettes, Incinérations

Fig. 1. Localisation des sondages du suivi de travaux dans l’environnement archéologique. D’après M. Channac et D. Lallemand (Lallemand 2001).

Difficultés d’un suivi de travaux

Les résultats archéologiques n’ont malheureusement pas été à la hauteur des attentes et ce, pour diverses raisons. La première tient à la difficulté de lecture engendrée par un suivi de travaux, avec une longueur d’ouverture de tranchée n’excédant pas trois mètres pour une largeur de 0,60 m. Seule la rue du 4 septembre et la moitié de la rue Claude Labonde ont pu être ouvertes intégralement sur des largeurs de 1,50 à 2 m, facilitant alors nos observations. La seconde difficulté est liée à la présence de nombreux réseaux contemporains impactant également fortement le terrain tout au long du tracé et créant l’instabilité de ce dernier. De ce fait, la lecture des coupes a été rendue particulièrement ardue par leur effondrement régulier. Enfin, une ouverture assez restreinte des niveaux en profondeur (1,50 m en moyenne, hormis la rue du 4 septembre à plus de 2 m) a seulement permis d’observer d’atteindre les occupations antiques et non les périodes encore les plus anciennes.

Les découvertes archéologiques

Les vestiges laténiens semblent en effet s’ouvrir à des niveaux plus importants comme en témoigne un sondage test réalisé plus profondément, à environ 1,90 m sous la chaussée actuelle de la rue Claude Labonde. Plusieurs tessons de céramique ont ainsi pu être mis en évidence dans un niveau présentant des charbons de bois. Ces tessons n’ont pas pu être rattachés à une structure et leur datation ne pourra être précisée qu’une fois l’étude céramologique effectuée. Malgré ces traces ténues, leur présence confirme bien une occupation laténienne dans le secteur de la rue Claude Labonde comme avait pu l’observer jadis David Lallemand au sein des sondages effectués à proximité immédiate de cette tranchée.

Les vestiges antiques sont quant à eux un peu plus prolixes. Au niveau de la rue du 4 septembre, trois fosses ont été observées au nord-ouest de la tranchée dont l’une d’elles contenait le squelette d’un animal en connexion dont il manquait la tête. Exempt de mobilier archéologique pour les dater, ces fosses s’installent au sein d’un niveau contenant du mobilier antique et date probablement de cette période. Une autre fosse, observée dans la zone centrale et dont le profil fait penser à celui d’un silo, a livré un gros fragment de vase antique. Enfin, dans le dernier tiers sud-est de la tranchée, une série de plusieurs fossés orthonormés est apparue. Il s’agit vraisemblablement de fossés de drainage du secteur qui, d’après les données géomorphologiques, s’avérait être une zone particulièrement humide voire marécageuse. Ces observations confortent également celles faites par David Lallemand lors des sondages réalisés à quelques dizaines de mètres plus à l’est. Il avait alors découvert plusieurs fossés sans doute établis pour assainir le secteur. Si ces découvertes ne sont pas denses ou riches, elles témoignent néanmoins que cette zone se trouvait vraisemblablement en marge de l’agglomération antique. La découverte de seulement quatre fosses sur la rue Carnot pourrait confirmer également cette hypothèse. L’une d’entre elles a livré notamment un abondant mobilier céramique riche et varié qui semble attribuable à la fin du Ier siècle – première moitié du IIe siècle de notre ère.

Une découverte particulièrement intéressante pour la période a pu être observée rue Claude Labonde, avec la mise en évidence d’un axe viaire reprenant approximativement l’orientation NO/SE de la rue actuelle (Fig. 2). On note la présence d’au moins onze chaussées successives dont six a minima sont attribuables à la période antique. La chaussée la plus ancienne est constituée d’un niveau de circulation très damé, composé d’un cailloutis et de petits fragments de TCA. Il s’installe sur un niveau préparatoire constitué de sable remanié compacté provenant de la terrasse alluviale. Un axe de circulation similaire a été observé dans la tranchée de la rue du Gué Vincent. Il s’installe directement sur les niveaux sableux de la terrasse alluviale. Ce dernier venait certainement se connecter perpendiculairement au premier axe évoqué et filait en direction du cours d’eau du Valançon situé en bas de pente au sud où celui-ci vient confluer ensuite avec l’Allier. Il s’agit d’un des rares vestiges observés pour l’Antiquité dans cette rue. Sous ce niveau circulatoire, seul un fossé et une possible fosse pourrait appartenir à la période antique voire protohistorique.

Figure 2 : Plan masse des vestiges antiques mis au jour rue Claude Labonde. Crédit : Éveha, 2020.

De nouveau, dans la rue Claude Labonde, au niveau de son croisement avec la rue du Gué Vincent, quatre fosses alignées suivant un axe NO/SE et coupant la chaussée antique, ont été aperçues en bordure de berme (Fig. 3). Leur installation est rythmée par un entraxe régulier. Il a été impossible de constater une continuité de ces fosses au sud-est de la tranchée car l’alignement de ces fosses se trouve en dehors de l’emprise de fouille. Néanmoins, il est probable que d’autres fosses soient alignées avec ces dernières. Plusieurs grosses pierres mises en évidence dans leur comblement laissent penser qu’il s’agit de calages pour l’ancrage de poteaux. Il pourrait ainsi s’agir d’un aménagement de bordure de chaussée sans que l’on puisse aller plus loin dans l’interprétation. Aucun mobilier n’ayant été mis en évidence au sein de leur comblement permettant de les rattacher à un phasage antique, il nous faut donc rester prudent à ce stade. Les cinq niveaux de circulation suivants sont également datés de la période antique. Les derniers niveaux sont bordés, côté septentrionale, par un fossé contenant de nombreux tessons de céramique antique. L’étude céramologique permettra de déterminer un phasage plus précis de l’installation de ces premières voiries.

Fig. 3. Vue des vestiges de chaussées et de fosses rue Claude Labonde. Crédit : Éveha, 2020.

Les niveaux de circulation suivants se succèdent ensuite jusqu’à la chaussée actuelle qui n’est autre que l’ancienne RN7 traversant la commune (Fig.4). Malheureusement , l’absence de mobilier n’a pas permis de phaser ces différents axes viaires. Il est probable que cet axe ait perduré au cours de la période médiévale puisqu’il aurait permis de relier le quartier de Vouroux au nord à la ville franche au sud. Certaines de ces chaussées pourraient être les seuls témoins médiévaux mis au jour au cours de cette opération archéologique. L’absence de vestiges pour cette période indique probablement que nous nous trouvons en marge de l’occupation médiévale. La multiplicité des réseaux et des travaux de voiries détruisant toute trace de vestiges de cette période n’est pas à exclure non plus.

Fig. 4. Écorché en plan de plusieurs niveaux de circulation de la chaussée F143. Crédit : Éveha, 2020.

Les vestiges suivants concernent les périodes moderne et contemporaine. La rue du 4 septembre se trouve fortement impactée par les constructions de cette période. On retrouve ainsi l’ancien réseau d’assainissement, encore en activité, constitué d’un collecteur maçonné, constitué de deux piédroits supportant une couverture de dalles issue de la récupération. Une canalisation atypique vient se brancher à ce dernier afin de déverser les eaux usées dans le collecteur. Elle est constituée d’un assemblage de modules moulés en terre cuite en forme d’ogive, de 0,50 m de long, joints au mortier de chaux. Dans ce même secteur, deux fossés plus anciens ont été repérés en fond de fouille et pourraient appartenir à la période moderne. Dans la seconde moitié sud-est de la tranchée, deux autres fossés parallèles ont été aperçus dans l’axe de la rue. Une très importante quantité de céramique moderne et/ou contemporaine venait les combler. Ils sont coupés par deux fosses quadrangulaires remplies, sur leur fond, de chaux. Elles sont probablement le témoin de diverses constructions dans le quartier. L’ensemble de ces structures, observées entre 1,70 m et 2,20 m de profondeur, est recouvert par d’importants remblais contemporains sur l’ensemble de la rue. Ces derniers ont ainsi permis d’assainir ce secteur qui était autrefois marécageux afin d’installer le niveau de voirie du XIXe siècle. Ces remblais, de plus de 2 m d’épaisseur, ont certainement dû altérer des structures antérieures. En effet, quelques tessons antiques et une monnaie augustéenne ont notamment été amassés dans ces niveaux.

Les traces des anciennes voiries de la fin du XIXe- début XXe siècle ont également été observées dans les rues Claude Labonde et du Gué Vincent. Concernant la première, de nombreux pavés ont été mis en évidence dans le comblement de l’ancienne tranchée de canalisation en fonte d’eau potable, constituant les derniers témoins de l’ancienne rue pavée que l’on peut aujourd’hui encore contempler sur plusieurs cartes postales anciennes. Le même constat a pu être observé pour la rue du Gué Vincent avec de nombreux pavés présents dans le comblement de la tranchée de l’ancien réseau d’assainissement. Seul un remblai épais de terre a été observé sur la rue Carnot pour ces périodes. Il a certainement servi à rehausser et aplanir la rue avant l’installation de la chaussée moderne et/ou contemporaine.

Conclusion

Si ce suivi de travaux n’a peut-être pas été à la hauteur de nos espérances notamment pour les occupations gauloises, il a toutefois permis de conforter certaines observations anciennes et d’élargir nos pistes de réflexion. Les données observées sur la rue du 4 septembre ont, par exemple, permis de confirmer que nous nous trouvions probablement dans la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. en marge de l’occupation antique, les fossés mis au jour servant vraisemblablement à drainer cette zone humide. Ces hypothèses avaient notamment été émises par David Lallemand lors des travaux réalisés, mitoyens à cette fouille, rues de l’Hôtel de Ville, Place du Bicentenaire, et Victor Hugo en 1998. Ce dernier avait mis au jour en revanche, entre la rue du 4 septembre et la rue Claude Labonde, ce qui semblait être l’établissement avant la seconde moitié du IIe siècle J.-C d’un riche édifice au sein d’une division urbaine en insulae marqué par la présence de chaussées. Aucune trace de cette organisation spatiale n’a été observée lors de notre intervention rue du 4 septembre. Ces vestiges ont-ils été détruits par les deux mètres de remblais contemporains ? Sommes-nous en marge du secteur de l’agglomération pour cette période, qui se développerait plutôt vers le sud-est à l’emplacement de la ville franche médiévale ?

Difficile à l’heure actuelle de répondre à ces interrogations. En revanche, l’axe viaire mis en lumière rue Claude Labonde permettra de compléter les plans de la trame urbaine antique et pose également question. Sommes-nous en présence d’une rue participant à l’organisation spatiale de l’agglomération antique ou d’une voie desservant cette dernière ? Il est tentant de voir au travers de cette chaussée un axe fort, puisque ce dernier a perduré jusqu’à nos jours pour accueillir l’ancienne RN7. Il est même probable que cette chaussée ait servi d’axe principal au Moyen Âge central entre les deux pôles de concentration de l’habitat que sont la paroisse de Vouroux au nord et la ville franche au sud ; cette chaussée étant axée sur la porte nord de l’enceinte du XIVe siècle. Les études de mobilier en cours devront permettre de répondre à certains de nos questionnements.