Une parturiente atteinte d’une grave maladie au sein de la nécropole de Duttlenheim (67)

La fouille de la nécropole du premier âge du Fer de Duttlenheim (67), menée en 2019 dans le cadre de l’aménagement du Contournement Ouest de Strasbourg (COS) a permis la découverte d’un cas pathologique exceptionnel dans ce contexte chronologique.

La sépulture concernée était celle d’une femme qui portait deux paires de bracelets remarquables, l’une en bronze et l’autre en roche noire polie datées du Hallstatt D1 (625 – 550 av. J.-C.), ainsi qu’une paire de boucles d’oreille. Elle possédait ainsi la parure la plus complète de la nécropole. De plus, cette femme était inhumée au centre d’un probable tertre autour duquel une douzaine de sépultures vinrent s’implanter par la suite. Sur le terrain, la sépulture témoignait ainsi de l’importance et du statut social privilégié de cette personne de son vivant et du souvenir qu’elle avait laissé dans sa communauté après sa mort.

L’étude anthropologique menée par la suite en laboratoire a permis de préciser que l’âge au décès se situait entre 25 et 39 ans, et que la jeune femme était affectée par une tuberculose à un stade de développement très avancé. La survie durant de nombreuses années de cette personne, ayant sans doute contractée la maladie enfant, témoigne de sa bonne prise en charge et de soins adaptés qui illustrent à nouveau son statut social privilégié.

Passée la phase pulmonaire, puis la phase ganglionnaire, la tuberculose à un stade avancé évolue vers une forme osseuse de type spondylodiscite ou mal de Pott. Elle conduit à la destruction des corps vertébraux par la formation d’abcès froids. Il s’ensuit des déformations rachidiennes et des tassements vertébraux. La personne atteinte devient alors bossue. Si la maladie poursuit son évolution, la moelle épinière est comprimée et le sujet devient paraplégique. La personne est alors alitée et entièrement dépendante, jusqu’à son décès. Au regard de la déformation du corps de cette femme à la fin de sa vie, les membres de sa communauté ont été contraints de l’inhumer sur le ventre. La fouille a révélé que la défunte était enceinte d’environ 38 semaines, soit quasiment à son terme situé généralement à la 41e ou 42e semaine. De nos jours, la mise au monde d’un enfant par une mère paraplégique nécessite une prise en charge médicale multidisciplinaire particulièrement complexe et inimaginable pour les populations de l’âge du Fer. On peut ainsi assumer que l’important handicap de cette femme et le stade avancé de sa grossesse sont à l’origine du décès.

Vue de la sépulture en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2019.
Montage photographique présentant la colonne vertébrale de la défunte, suite au remontage en laboratoire. crédit : G. Seguin, Éveha, 2020.