MAUVES-SUR-LOIRE (44) – La Piletière Lot 1

Les fouilles menées sur le site de la Piletière – lot 1 à Mauves-sur-Loire ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité d’Anne-Marie Lotton. Elles interviennent dans le cadre d’un projet d’aménagement de lotissement conduit par Loire Océan Développement (LOD). Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour une forte densité de vestiges, correspondant à un quartier d’agglomération occupé aux périodes gauloise et gallo-romain.

L’occupation gauloise

Pour la période gauloise, le site a livré un nombre important de structures excavées, dont la quasi-totalité correspondent à des trous de poteau. Remarquables par leurs dimensions, la plupart d’entre eux fonctionnent par quatre, dessinant le plan de bâtiments habituellement interprétés comme des greniers (fig.1). Une cinquantaine de bâtiments de ce type est dénombrée, avec des phénomènes d’alignements qui suggèrent une organisation spatiale rigoureuse. Celle-ci était vraisemblablement calée sur des axes de circulation, qui n’ont toutefois pas pu être mis en évidence de façon claire lors de la fouille. Un tel mode d’organisation et de spécialisation des espaces, observé sur d’autres sites de la région (Entrammes en Mayenne, Allonnes dans le Maine-et-Loire) permet d’avancer l’hypothèse d’un quartier de ville d’époque gauloise, vraisemblablement dédié au stockage des céréales. Il suggère l’existence d’une communauté nombreuse et structurée, gérant et exploitant un territoire et ses ressources. À ce titre, la réalisation de prélèvements systématiques dans les comblements des trous de poteaux a pour ambition d’identifier les denrées végétales stockées, et donc les espèces et variétés cultivées. Plus largement, ces analyses devraient livrer une image de l’environnement naturel contemporain de l’occupation gauloise.

Fig. 1 – Vue zénithale par drone de la partie nord de l’emprise de fouille, caractérisée par une forte densité de vestiges d’époque gauloise. Crédit : Éveha, 2021.

L’agglomération secondaire antique

À l’occupation gauloise succède, a priori sans hiatus, l’agglomération romaine. Située sur le sommet d’un plateau surplombant la Loire, au carrefour de trois axes de communication majeurs, l’existence d’une occupation antique à Mauves-sur-Loire est connue depuis la fin du XIXe siècle. La découverte en revient à Léon Maître qui, à partir de 1885, dégagea successivement les ruines d’un théâtre – situé à une cinquantaine de mètres à peine de l’emprise de fouille –, d’un sanctuaire consacré à Mars Mullo (sanctuaire de Vieille-Cour), et de thermes publics probablement édifiés à la fin du Ier s. ap. J. C.

Première opération d’archéologie de grande ampleur à Mauves-sur-Loire, les fouilles effectuées en 2021 ont permis de mettre au jour plusieurs ensembles de bâtiments sur solins, deux axes de circulation, des fossés potentiellement hérités de la période précédente et des puits (au nombre de dix). Un remblaiement préalable à la mise en place des bâtiments est observé en différents points du site ; pour autant, les axes et orientations mis en place durant l’époque gauloise semblent respectés à l’époque romaine.

Bien que fortement arasés, les vestiges mis au jour restituent l’image d’un quartier d’agglomération, organisé à l’ouest et le long d’un axe de circulation d’axe nord-ouest – sud-est. On distingue, au nord, une série de bâtiments précédés d’une potentielle galerie à l’est. Ils sont prolongés à l’ouest par une série de fossés qui pourraient dessiner des parcelles en lanières correspondant à des arrière-cours. L’une d’entre elles au moins est dotée d’un puits. Au sud, un second ensemble architectural, un peu énigmatique, a été mis en évidence. Il se compose d’un espace quadrangulaire – probablement une cour étant donné la présence de puits – auquel vient s’accoler un aménagement circulaire d’une quinzaine de mètres de diamètre ayant peu d’équivalents connus, et dont la nature reste à déterminer (fig.2). Plusieurs hypothèses sont envisagées : bassin ? temple ? aire de battage ou de dépiquetage associée à un établissement agricole ?

Fig 2 – Vue zénithale de l’aménagement circulaire. Crédit : Éveha, 2021.

Une seconde voie, parallèle à la première, traverse le site du nord au sud. Matérialisée par un robuste radier composé de dalles et de blocs de micaschiste, elle semble être mise en place dans un second temps. Une lacune dans le radier le long de son bord oriental est interprété comme un probable caniveau. L’hypothèse d’une reprise de voirie dans le cadre de la monumentalisation de la ville, peut-être en lien avec la construction ou une campagne de réfection du théâtre, est envisagée. Le cas échéant, la construction de cette voie, qui permettrait de relier le théâtre au sanctuaire de Vieille‑Cour, pourrait intervenir à la fin du Ier ou dans le courant du IIe s. ap. J.-C., période de plein essor des villes des Trois Gaules durant le Haut-Empire.

La fouille des puits

Dix puits ont été mis au jour dans l’emprise de fouille. Six d’entre eux ont été partiellement explorés mécaniquement ; les quatre autres ont été fouillés intégralement par le service spécialisé dans la fouille en milieu confiné d’Éveha. Leur exploration a permis de mettre au jour d’importants niveaux organiques. Épais de près de 2 m, l’un d’eux a livré une grande quantité de bois naturels et travaillés gorgés d’eau, parmi lesquels un fond de seau. L’existence de tels niveaux permet d’envisager une approche fine de l’environnement du site, et des modalités de son exploitation par ses occupants. À cette fin, une stratégie de prélèvements systématiques a été mise en œuvre en vue d’études xylologiques, carpologiques et palynologiques. Un second puits a livré un bel assemblage d’outils agricoles en fer, comprenant entre autres une faucille, une houe et une fourche à deux dents (fig.3). Plusieurs céramiques entières – signalant une fréquentation du site durant le Moyen Âge– ainsi qu’un important lot de terres cuites architecturales comptant de nombreux éléments complets, sont également sortis de ces puits. Leur étude permettra de documenter utilement les différentes phases d’occupation du site.

Fig 3 – Outils agricoles issus d’un des puits fouillés manuellement par le service spécialisé. Crédit : Éveha, 2021.

Un site d’intérêt régional majeur

Si elle était pressentie, la présence de vestiges protohistoriques à Mauves-sur-Loire restait à démontrer. Les fouilles menées par Éveha sur le site de la Piletière ont mis en évidence la densité de l’occupation gauloise, et permis de restituer l’image d’un site de premier ordre, situé au carrefour d’axes commerciaux importants.

Contrairement à de nombreux sites contemporains, l’agglomération de Mauves n’est pas abandonnée suite à la Conquête. L’occupation s’y poursuit, apparemment sans interruption, entre la fin du Ier s. av. et le début du Ier s. ap. J.-C. On assiste alors à la mise en place d’un quartier urbain « à la romaine », constitué de bâtiments sur solins alignés le long d’une voie. La compréhension fine de cette période de transition est au cœur des problématiques de la fouille car elle porte en son sein toutes les questions relatives aux processus d’acculturation – traditionnellement qualifiés de « romanisation » – qui affectèrent les populations gauloises passées sous l’autorité de Rome.

De ce point de vue, le site de la Piletière – lot 1 présente un intérêt scientifique majeur à l’échelle métropolitaine comme régionale, pour la connaissance d’un peuple et d’un territoire dont l’entrée dans le monde romain reste encore largement méconnue.