Les fouilles menées sur le site de la ZAC Pyrénia sur la commune d’Azereix (65) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Guillaume Seguin. Elles interviennent dans le cadre du projet d’extension de la société TARMAC, spécialisée dans la maintenance aéronautique. L’opération a porté sur une superficie de 53 000 m². Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour deux principales périodes d’occupation. Le site a été fréquenté par l’homme au cours du Bronze ancien (2300/2200-1600 av. J.-C.).
Une occupation protohistorique
Une fosse a livré un grand vase de stockage complet (Fig. 1). La mise au jour d’un crâne de bovidé dans une fosse couverte par une large pierre plate est vraisemblablement à mettre en relation avec cette occupation protohistorique. La fouille a dévoilé la présence de plusieurs dizaines de chablis (fosses de plantation d’arbres) laissant à penser que le site a connu un épisode forestier ancien. Une première analyse radiocarbone réalisée sur un charbon issu de l’un de ces chablis a livré une date comprise entre le XVIIIe et le XVIIe siècles av. J.-C.
Une longue période d’inoccupation
Le site, éloigné de toute zone d’occupation humaine, paraît abandonné pendant plusieurs millénaires. Au Moyen Âge, cette plaine prend le toponyme de Lannemourine, suggérant un paysage de landes humides, principalement dédiées au pastoralisme. Aucun vestige archéologique datant des périodes entre le Bronze ancien et l’époque contemporaine (à partir de 1790 de notre ère) n’a été mis au jour lors de la fouille. Cette absence criante de toute occupation humaine alentour a sans doute été l’un des éléments ayant conduit à l’implantation de l’aérodrome de Tarbes-Ossun, l’un des premiers de France, dans les années 1909-1911. Par la suite, plusieurs usines aéronautiques (Morane-Saulnier, Dewoitine) s’implantent aux abords de l’aérodrome à la fin des années 1930.
Des vestiges de la Seconde Guerre mondiale
À la fin de l’année 1942, les troupes allemandes investissent les lieux et réquisitionnent les usines pour contribuer à l’effort de guerre des forces de l’Axe. L’aérodrome devient également une école d’entraînement pour les pilotes de la Luftwaffe. Dès lors, le site relève d’un véritable intérêt stratégique et ses abords sont fortifiés. Les principaux vestiges mis au jour lors de l’opération sont à mettre en relation avec cet épisode, relativement récent à l’échelle archéologique, mais mal documenté du fait de la destruction de nombreuses archives militaires allemandes. La fouille a permis d’appréhender une batterie antiaérienne de type Flak. Trois grandes cuves de tir ont été intégralement fouillées (Fig. 2). Elles abritaient des canons anti-aériens de fort calibre (vraisemblablement de 88 mm). Deux autres cuves de moindres dimensions étaient destinées au positionnement de canons de 20 mm, au socle triangulaire caractéristique (Fig. 3). D’autres postes, sans doute destinés au positionnement de mitrailleuses ont également été localisés. Ces installations ont été incendiées lors du retrait des forces allemandes en août 1944. L’ensemble était relié par un réseau de tranchées relativement dense. Près de 300 m linéaire de tranchées militaires ont été fouillés. Certains tronçons présentaient des aménagements en bois de type caillebotis relativement bien conservés (Fig. 4). Une dizaine de trous d’hommes, possiblement destinés à la lutte antichar, ont également été fouillés (Fig. 5).
La fouille a permis de révéler l’emplacement d’espaces de vie ; aménagement de fosses pour disposer des tentes, pièce de repos dotée de sommiers en bois, latrines… La mise au jour de plusieurs fosses dépotoirs permet d’appréhender les modes de consommation de l’occupant et ses relations avec la population occupée (Fig. 6). Ces dépotoirs étaient régulièrement incendiés au moyen d’un combustible liquide, puis recouvert d’une couche de chaux.
Dans la partie nord du site, la fouille a porté sur un espace d’environ 1000 m² ceinturé par de larges fossés et débouchant sur une vaste nappe de gravats. Trois barils militaires enterrés à 2 m de profondeur ont été mis au jour. Tous trois étaient à proximité immédiate de cratères résultant de la détonation de fortes charges explosives. Il s’agit probablement d’un acte de sabotage volontaire d’une pièce maîtresse du dispositif de défense allemand. Par la suite, la zone paraît avoir été nivelée au bulldozer, sans doute à la libération. La fouille n’a pas permis la localisation de stock d’armes ou de munitions. Il semblerait que l’occupant allemand ne se soit pas retiré de manière précipitée mais qu’il ait pris le temps de récupérer armes et munitions, avant de rendre ses installations inutilisables.
Les usines Morane-Saulnier ont été bombardées le 10 mars 1944 par 23 bombardiers de type Lancaster partis de la base de Lincolm en Écosse. Les rapports émis par les équipages, et compilés dans les archives du Royal Air Force Bomber Command, sont tous concordants : « Pas d’opposition ennemie », « Pas d’ennui venant des défenseurs », « Aucun signe de défense de la cible ». Dans cette mesure, il semblerait qu’en dépit d’importants préparatifs, cette batterie antiaérienne n’ait pas joué son rôle dans la défense du complexe aéronautique.
Les études du mobilier ainsi que les données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation.