CLERMONT-FERRAND (63) – Rue de Bouys

Une fouille archéologique préventive a été réalisée rue de Bouys à Clermont-Ferrand du 04 octobre au 10 décembre 2021. Les archéologues du bureau d’études Éveha sont intervenus préalablement à la construction d’un ensemble immobilier par la société Pro Immo. Les parcelles concernées par les travaux (environ 9000 m²) sont situées en contrebas du versant sud de la colline de Montchany, en bordure du ruisseau le Rivaly. Lors du diagnostic archéologique, des tronçons de canalisations romaines et une potentielle occupation datable de la période néolithique avaient été identifiés. Une fouille archéologique en aire ouverte de 1000 m² a alors été prescrite.

Fig. 1 : Vue aérienne vers l’ouest de la fouille archéologique en cours, ©R. Rouleau, Éveha, 2021.

Une archéologie du paysage

La situation topographique de la fouille archéologique, à la base du versant sud de la colline de Montchany, a été propice à une remarquable accumulation sédimentaire de bas de pente, avec une stratification pouvant atteindre plusieurs mètres de profondeur. Le substrat est constitué par les dépôts sédimentaires datant de l’Oligocène et provenant de l’ancien grand lac de Limagne (Fig.02). Ces couches ont basculé d’un seul tenant vers le nord-ouest suite à un accident tectonique majeur lié certainement à la proximité de la faille de Limagne.

Fig. 2 : Récif de stromatolithes en bordure de l’ancien grand lac de Limage daté de l’Oligocène
©C. Driard, Éveha, 2021.

L’étude géomorphologique des différentes coupes stratigraphiques va permettre de restituer l’évolution du paysage depuis la dernière période glaciaire dont les traces ont été observées au-dessus d’un dépôt de retombées volcaniques. L’histoire du paysage dans ce secteur alterne entre des phases érosives et des cycles sédimentaires qui sont souvent à mettre en relation avec l’intensification et la nature des activités humaines dans ce secteur depuis la Préhistoire. Des traces anciennes de circulation de l’eau (niveaux alluviaux, zones humides) témoignent des anciens cours du Rivaly qui dans ce secteur est maintenant canalisé sous la rue de Bouys. Les données recueillies devraient permettre d’étudier les interactions entre les différentes occupations anthropiques et ce ruisseau au cours du temps.

Une occupation du Néolithique final

Des indices d’occupation de la fin de la Préhistoire ou de la Protohistoire ancienne ont été retrouvés dans toute la moitié sud de l’emprise de fouille. Il s’agit de niveaux de sol bien conservés associés à du mobilier archéologique et des structures en creux. Une fouille fine a été réalisée sur une emprise de 800 m², permettant de mettre au jour un habitat assez bien conservé et structuré avec des niveaux de sol jonchés de tessons de céramique (Fig.03), ainsi que des outils lithiques. La chronologie de cette occupation, datée provisoirement du Néolithique final, est à préciser. Les données issues de cette fouille devraient faire considérablement avancer les recherches sur une période (fin du Néolithique) encore très peu documentée dans la région.

Fig. 3 : Vue d’un niveau d’occupation néolithique en cours de fouille, ©, Éveha, 2021.

Des aménagements de l’âge du Fer

Ce secteur de Clermont-Ferrand est connu pour des découvertes anciennes de vestiges protohistoriques documentés notamment par P. Eychart dans les années 1960. Les observations réalisées lors de la fouille archéologique durant l’automne 2021, bien que limitées, semblent indiquer que le secteur de Montchany, du Rivaly et de la rue de Bouys ont servi de cadre à l’implantation d’un établissement protohistorique, potentiellement laténien, vraisemblablement important mais dont la nature reste à préciser. L’opération archéologique a surtout permis de déceler un détournement de ruisseau et d’importants travaux de terrassement qui ont considérablement modifié le paysage. Les interprétations nécessitent encore quelques recherches avant d’être détaillées.

Des aménagements antiques

Le réseau hydraulique antique identifié lors du diagnostic est installé lors d’une nouvelle phase de grands travaux de terrassement qui ont aussi marqué profondément le paysage. La canalisation est constituée de tuyaux en céramique (Fig.04 et 05). Leur mise en œuvre est médiocre, caractérisée par un agencement de fortune. Cet ouvrage était probablement destiné à une utilisation provisoire (drainage ou alimentation en eau ?) sans tentative apparente d’entretien ou de remise en service. L’eau était captée au fond d’un fossé antique puis acheminée à un emplacement indéterminé situé hors de l’emprise de fouille. Ce dispositif hydraulique ne constitue cependant qu’un détail d’un vaste établissement dont seule une infime partie se trouve dans la zone prescrite. Les observations archéologiques réalisées sur le terrain permettent d’ores et déjà de considérer cette implantation antique comme atypique et rare, nécessitant ainsi, tout comme pour les aménagements protohistoriques, des investigations complémentaires avant leur interprétation.

Fig. 4 : Vue d’un tronçon de la canalisation romaine en cours de fouille, ©C. Driard, Éveha, 2021.
Fig. 5 : Vue d’un tronçon de la canalisation romaine en cours de fouille, ©C. Driard, Éveha, 2021.

Les différentes analyses en cours vont permettent d’approfondir l’étude des différentes occupations, d’affiner les datations, de proposer des interprétations cohérentes et de les contextualiser.