CHÂTEAUFORT (78) – 4 rue de Trappes

Les fouilles menées sur le site du « 4 rue de Trappes » à Châteaufort (78) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité d’Hélène Pollin. Elles interviennent dans le cadre du projet d’aménagement d’une école maternelle par la commune de Châteaufort. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour une occupation urbaine datant du Moyen Âge classique à l’Époque contemporaine.

Cette opération, conduite à l’été 2021, fait suite à un diagnostic mené par l’Inrap en 2019, mais s’inscrit également dans la continuité d’une opération réalisée par Isabelle Caillot (Éveha) en 2017 sur la parcelle orientale attenante.

Le village de Châteaufort est situé sur un un éperon rocheux surplombant la vallée de la Mérantaise et semble représenter dès les IXe-Xsiècles un pôle religieux et un pôle fortifié. Au moins dès le XIsiècle, il est le chef-lieu le plus étendu des doyennés ruraux du diocèse de Paris. L’opération archéologique, située au centre du bourg médiéval, se trouve à une centaine de mètres de deux des éléments de ces fortifications : le château dit « de Marly » au sud-ouest, possible château primitif du bourg médiéval, et au nord-est, la tour a priori rattachée au domaine royal, probable siège de la châtellenie.

Vue aérienne de l’emprise de fouille. Crédit : Éveha, 2021.

Les vestiges de la seconde moitié du Moyen Âge

L’étude stratigraphique montre que le site présentait initialement un relief marqué au nord-ouest qui a fait l’objet d’un premier arasement afin de niveler le terrain pour y aménager deux bâtiments. Il est à noter que les colluvions dans lesquels s’implantent ces bâtiments ont livré du mobilier ancien et brassé – pièces lithiques supposées paléolithiques ou encore céramique protohistorique et antique – non associé à une occupation particulière. Les deux bâtiments, couvrant une centaine de mètres carrés, se présentent sous la forme de fondations en meulière liées à l’argile. Ils sont supposés remonter aux XIIIe-XIVsiècles mais l’absence de niveaux de démolition associés et la pauvreté du mobilier dans ce secteur posent encore question. Ces bâtiments ne semblent pas correspondre à des espaces domestiques mais peut-être plutôt à des granges dont les élévations pourraient être en matériaux périssables, bois et terre crue.

Vue aérienne des bâtiments au nord de l’emprise. Crédit : Éveha, 2021.

Le développement d’une occupation domestique se lit plutôt en partie sud de l’emprise, où quelques maçonneries, en grande partie détruites, sont associées à une large structure excavée rectangulaire, de type fond de cabane. Celle-ci est liée à l’aménagement d’un drain en meulière se jetant dans un premier puits maçonné. Ce dernier est accolé à un large trou de poteau au calage massif qui pourrait correspondre à un balancier. Immédiatement au nord de cet ensemble, un second puits maçonné percute un silo ayant livré des restes de graines. Quelques trous de poteau, un petit tronçon de fossé et une fosse d’extraction complètent cette occupation associée cette fois à des niveaux de démolition (terre cuite architecturale, niveaux d’incendie, fragments de mortier) et surtout à du mobilier, en particulier de la céramique. Les premières observations dessinent deux grandes phases s’articulant autour de la bascule entre le Moyen Âge central et le bas Moyen Âge, bien que la majorité du mobilier semble largement centrée sur les XIIIe-XIVsiècles.

Le puits à balancier médiéval. Crédit : Éveha, 2021.

Sur une large zone non décapée à l’est, le site présente une cave voûtée encore en élévation. Après nettoyage, l’étude de cette cave en croix de Lorraine réputée du XIVsiècle au regard de son architecture a donc été réalisée en parallèle de la fouille. Des sondages (à l’intérieur et à l’extérieur) et une étude de bâti, complétée par une photogrammétrie, ont précisé sa mise en œuvre et permettront par la suite d’en affiner la datation. On soulignera notamment un vaste surcreusement interne dont le pendage mène à un puisard central, entièrement comblé par des blocs de meulière sans matrice, dont la fonction drainante paraît avoir assuré le bon état sanitaire de la cave jusqu’à nos jours.

La cave voûtée après nettoyage. Crédit : Éveha, 2021.

Un réaménagement à l’Époque moderne

Les dynamiques de recouvrement du site médiéval à la suite de la guerre de Cent Ans et la mise en place des structures modernes se trouvent également au cœur des problématiques d’étude. La compréhension de ces dynamiques a reposé sur l’analyse approfondie de grandes coupes stratigraphiques transversales. Un changement d’affectation des espaces s’opère de manière assez brutale au regard de l’étude géomorphologique, et pourrait être en lien avec l’établissement du fief moderne de la Perruche situé au sud-ouest. Le terrain semble nivelé volontairement et rapidement par des apports massifs de terre, issus dans une large proportion d’un nouvel arasement du relief au nord-ouest, afin d’aplanir l’ensemble et d’y ajouter une épaisseur de terre végétale permettant la mise en culture de la parcelle. Cette activité est visible en particulier au nord par des fosses de plantation et un fossé percutant les bâtiments médiévaux, au sud par un puits. L’ensemble de la stratigraphie évolue peu ensuite, l’emprise étudiée restant dans sa quasi-totalité un espace extérieur jusqu’aux périodes les plus récentes. Seuls les bâtiments contemporains encore en place au sud, conservés dans le futur projet, ont depuis bouleversé la physionomie de la parcelle.

En conclusion, l’étude approfondie de la stratigraphie montre que l’occupation principale est centrée sur la seconde moitié du Moyen Âge. Les études de mobilier doivent encore très largement préciser son phasage qui semble s’articuler autour du passage entre le Moyen Âge central et le bas Moyen Âge. L’étude de ces vestiges visera in fine à comprendre leur statut par rapport aux différents sites élitaires médiévaux à proximité, affinant de ce fait la connaissance de la morphogenèse du bourg médiéval, puis la destruction de l’ensemble à l’Époque moderne par la transformation radicale de l’espace en jardins dépendants d’un nouveau pouvoir, le fief de la Perruche.

Tasse polylobée des XIIIe-XIVsiècles découverte dans le fond de cabane. Crédit : Éveha, 2021.