Deux-Chaises (03) – La Queue de la Poêle

Les fouilles menées sur le site de Deux-Chaises, au lieu-dit « La Queue de la Poêle » ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Mélissa Légier Nicolle. Elles interviennent dans le cadre du projet d’aménagement de l’autoroute de liaison Atlantique Europe, mené par la société ALIAE. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour une occupation de type rural caractérisée par des structures en creux (bâtiment semi-excavé, trous de poteaux, fossés, fosses) datant du 2e âge du Fer et de l’Antiquité tardive.

Un contexte archéologique peu connu

Cette fouille préventive intervient dans un contexte archéologique très peu documenté. Les mentions d’entités archéologiques répertoriées dans la Carte Archéologique de la Gaule correspondent toutes à des prospections pédestres réalisées sur plusieurs lieux-dits de la commune, dont aucun ne se situe à proximité immédiate de celui de « La Queue de la Poêle ». Par ailleurs, ces mentions remontent pour certaines à la fin du XIXe siècle. Néanmoins, la présence de fragments de tegulae (tuile plate à rebord) et de tessons de céramique et/ou d’amphore, est presque systématique. Une occupation de cette localité, probablement au cours de l’Antiquité, est donc attestée par la présence de ces artefacts, sans qu’aucune caractérisation des vestiges n’ait jamais été établie. L’objectif donné par le cahier des charges scientifique émis par le Service Régional de l’Archéologie était avant tout d’identifier les vestiges présents sur la surface concernée par les aménagements futurs, liés au fonctionnement de l’autoroute, d’en établir leur organisation spatiale, de caractériser le type d’occupation, et de permettre leur datation avec précision (Fig. 1).

Fig. 1 : Cliché aérien du site après décapage. Crédit : Éveha, 2021.

De petites constructions en matériaux périssables

À l’issue de la fouille, 220 structures ont été repérées. Si on laisse de côté celles qui sont liées à une activité moderne tardive et contemporaine (chemin présent sur le cadastre napoléonien, structures de drainage), la majorité des vestiges attestant d’une occupation ancienne se concentre au centre de la parcelle fouillée, ainsi que dans son angle nord-ouest. Il s’agit pour l’essentiel de trous de poteaux et de fosses, auxquels s’ajoutent quelques fossés et/ou tronçons de fossés. Certaines concentrations sont notables et permettent de restituer l’existence de plusieurs petites constructions en matériaux légers, probablement bois et torchis (Fig. 2). Aucun niveau de sol n’a été conservé ; le mobilier est presque inexistant, la fonction de ces constructions semble donc difficile à déterminer précisément. Les quatre ensembles de fossés identifiés présentent tous des orientations différentes. Ils s’apparentent néanmoins à des réseaux parcellaires (Fig. 3).

Fig. 2 : Vue d’ensemble de plusieurs trous de poteaux. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 3 : Vue en plan d’un tronçon d’un fossé. Crédit : Éveha, 2021.

Une structure singulière

Une structure, déjà repérée lors du diagnostic, sort nettement du lot. Il s’agit d’un bâtiment semi-excavé, de 18 m de long et de presque 10 m de large au maximum (Fig. 4). Sa fouille manuelle en huit tronçons n’a révélé aucun niveau de sol conservé ; son comblement est constitué uniquement de remblais. Mais elle a mis au jour de nombreux trous de poteau qui s’organisent tout autour de la structure principale, et dont certains déterminent probablement des espaces internes (Fig. 5). En périphérie de cet ensemble, plusieurs concentrations de structures en creux ont été observées. Pour la plupart, il s’agit de trous de poteau et de fosses, qui attestent d’aménagements probablement contemporains du bâtiment. Un fossé drainant partant du bâtiment du côté sud a également été identifié.

Fig. 4 : Cliché aérien du bâtiment en cours de fouille. Crédit : Éveha, 2021.
Fig. 6 : Vue d’ensemble du bâtiment et de ses trous de poteaux depuis le sud-ouest. Crédit : Éveha, 2021.

Un site pauvre en matériel

Le site et ses vestiges ont livré très peu de mobilier. La recherche de charbons a été également systématique, mais tout aussi peu fructueuse. Les éléments de datation ne sont donc pas abondants. Les premières constatations permettent cependant de proposer une occupation relativement ancienne de ce secteur remontant, semble-t-il, à la Protohistoire récente. L’essentiel de la céramique de cette période a été découvert dans le fossé situé au nord du site. Plusieurs tessons qui s’apparentent à des productions anciennes ont aussi été découverts dans des trous de poteaux localisés au sein d’une concentration de structures au sud de la parcelle.

Le bâtiment, quant à lui, a livré un lot de mobilier clairement antique, et probablement associé à l’Antiquité tardive. Ces éléments étaient soit utilisés en remploi, comme calages dans les trous de poteaux (pour les fragments de tegulae et rares fragments d’éléments de mouture), soit retrouvés dans les niveaux de comblement et d’abandon.

Ces différents éléments semblent bien déterminer au moins deux grandes phases d’occupation : à la Protohistoire (âge du Fer probablement), dans un premier temps et à l’Antiquité tardive, dans un second temps.

L’étude du mobilier ainsi que celle des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation. Étant donné le caractère inédit de cette fouille sur cette commune et les communes environnantes, on sait déjà que les résultats scientifiques permettront d’en apprendre plus sur son occupation ancienne. Ils permettront de mieux appréhender le type d’occupation, notamment avec la présence du bâtiment, malgré le côté fruste à la fois des vestiges en eux-mêmes (avec des profondeurs conservées peu importantes) et du mobilier (peu abondant et très usé).