MORÉAC (56) – ZA Keranna, Kerabuse

Les fouilles menées sur le site de la ZA Keranna, Kerabuse à Moréac (Morbihan) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Yann Dufay-Garel. Elles interviennent dans le cadre du projet d’extension de la zone d’activités porté par Centre Morbihan Communauté. Les investigations archéologiques, menées sur 1,6 ha, ont permis de mettre au jour un habitat enclos du second âge du Fer ainsi qu’un atelier sidérurgique du haut Moyen Âge.


Fig. 1 : plan du site et proposition de phasage en sortie de terrain. Crédit : Éveha, 2022.

Un vaste enclos gaulois

L’objectif principal de l’opération consistait à étudier un vaste enclos emboîté repéré en prospection aérienne dans les années 1990, dont seule une petite moitié est située dans l’emprise de fouille. L’enclos externe adopte un plan en D, avec une façade monumentale rectiligne à l’ouest et un retour curviligne à l’est qui se subdivise en deux tronçons de fossés. Visible sur plusieurs clichés aériens, il se développe sur 175 m de long et 130 m de large, pour une superficie estimée à 2 ha environ. Le fossé de clôture, particulièrement imposant, mesure entre 3 m et 4,50 m de large pour une profondeur conservée d’un peu plus de 2 m (fig. 2). Dans l’angle sud-ouest de l’emprise, une entrée a été identifiée, située approximativement au centre de la façade principale. L’accès était protégé par un imposant porche édifié sur six poteaux porteurs (fig. 3).

Fig. 2 : coupe du fossé de l’enclos externe. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 3 : vue générale du porche d’entrée. Crédit : Éveha, 2022.

L’enclos interne, délimité par un fossé de 3 m de large et 2 m de profondeur, forme un plan quadrangulaire de 100 m de long et 55 m de large pour une surface de 4700 m² environ. Il est muni d’une entrée en chicane sur sa façade ouest. À une dizaine de mètres au nord, deux grandes fosses de calage de poteaux pourraient matérialiser l’emplacement d’une porte en lien avec cette entrée.

Parmi les 220 trous de poteau repérés sur le site, on dénombre treize bâtiments (hors dispositifs d’entrée) dont neuf « greniers » sur quatre poteaux (fig. 4). Cinq d’entre eux sont localisés au nord de l’enclos interne, dans un espace délimité par deux courts tronçons de fossés alignés. Disposé en fond de cour de l’enclos interne, un probable bâtiment d’habitation a été identifié. Il présente deux états de construction : l’un sur tranchées de fondation périphériques et l’autre, légèrement décalé vers l’est, sur quatre gros poteaux porteurs (fig. 5). Dans l’enclos externe, outre trois « greniers » et un bâtiment plus étendu, plusieurs dizaines de fosses d’implantation de poteaux ont été mises au jour. Elles appartiennent probablement à des bâtiments dont il faudra rechercher les plans en post-fouille.

Fig. 4 : exemple de grenier sur quatre poteaux. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 5 : vue générale du bâtiment d’habitation. Crédit : Éveha, 2022.

Concernant le mobilier, une quantité relativement importante de céramique a été recueillie dans les fossés d’enclos, en particulier lors du curage des sections proches des entrées et des bâtiments. Le corpus se compose majoritairement de formes attribuées à la fin de l’âge du Fer (La Tène finale), avec des éléments peut-être plus anciens. Une poursuite de l’occupation au début de l’Antiquité est également vraisemblable. On recense quelques objets en métal dont une fibule et un anneau en alliage cuivreux ainsi qu’une meule, une dizaine d’outils lithiques et de nombreuses scories de forge.

Un réseau fossoyé non daté

Au nord de l’enclos gaulois, une dizaine de fossés de faible gabarit ont été repérés. Bien qu’orientés sur ce dernier, leur datation n’est pour le moment pas établie. Plusieurs d’entre eux pourraient d’ailleurs être rattachés au Moyen Âge, notamment aux abord de l’atelier sidérurgique (cf. infra). L’angle d’un double enclos quadrangulaire muni d’une entrée à l’est se distingue dans l’angle nord-ouest de l’emprise. Plusieurs autres fossés semblent correspondre à des limites parcellaires ou à des cheminements qui se développent hors emprise.

Un atelier sidérurgique du haut Moyen Âge

Proche de la limite nord de l’emprise, un atelier sidérurgique a été mis au jour, très vraisemblablement en activité au haut Moyen Âge (fig. 6). Il se compose d’un petit bas fourneau à scories écoulées, fortement arasé, et de trois fosses d’extraction de micaschiste comblées par plusieurs centaines de kilogrammes de scories de réduction et de post-réduction. Cet important atelier était peut-être associé à une activité de charbonnage matérialisée par la présence de quinze charbonnières en fosse réparties sur la totalité de l’emprise de fouille.

Fig. 6 : vue générale de l’atelier sidérurgique du haut Moyen Âge. Crédit : Éveha, 2022.

Les études se poursuivent désormais en laboratoire, où l’analyse combinée des données de terrain nous permettra d’affiner notre compréhension de ce site.