VENDÔME (41) – La Taphorie (phase 1)

Les fouilles menées à Vendôme, au lieu-dit La Taphorie ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de David Schmit dans le cadre de l’extension d’une zone d’activité localisée à environ 2 km au nord-ouest de la commune. La fouille, répartie en deux zones aux superficies sensiblement identiques, a permis de documenter une occupation continue du 2e au 7e s. de notre ère, correspondant à un habitat antique précédant un vraisemblable hameau mérovingien. Ces deux types d’occupation n’avaient encore jamais été observés sur le ban communal de Vendôme.

Fig. 1 : Plan masse du site avec ses deux zones de fouille. Crédit : Éveha, 2022.

Les premiers indices d’occupation

Les premiers indices d’occupation repérés sur le site se rapportent à la période du Paléolithique moyen (env. -300 000 à -40 000 avant notre ère). Quelques éléments lithiques (silex taillé) caractéristiques de cette période (grandes lames et éclats levallois) ont été observés dans les niveaux supérieurs d’argile à silex. Quelques pièces lithiques en silex turonien semblent, quant à elles, davantage susceptibles d’être rattachées au Néolithique, suggérant ainsi la présence d’un site néolithique à proximité.
De très rares tessons de céramique vraisemblablement protohistoriques ont été perçus dans certaines structures ; ils ne permettent toutefois pas d’extrapoler sur les périodes concernées ni de caractériser un type d’occupation. Rappelons néanmoins la présence à moins de 500 m d’un établissement rural du second âge du Fer (La Tène, env. -450 à -25 avant notre ère) dont une portion a été fouillée par les équipes d’ Éveha en début d’année 2022 (La Taphorie, phase 2).

La période gallo-romaine

La première occupation pérenne observée sur le site concerne la période gallo-romaine, perçue uniquement sur la zone 1 (Fig. 1). Une cour rectangulaire de 348 m² est partiellement close au moyen de murs faiblement fondés (Fig. 2).

Fig. 2: Photo aérienne de la cour antique et de la mare (zone 1). Crédit : Cine@drone, Éveha, 2022.

Les murs matérialisant l’angle sud-ouest de cette cour s’interrompent assez nettement et fonctionnaient probablement avec une série de poteaux plantés ou posés sur dés, nous incitant à penser que cette partie de l’occupation était un préau ouvert dévolu au stockage ou à l’abri des animaux. L’angle nord-ouest lui faisant face est pour l’heure plus délicat à interpréter. Il s’agit en effet d’un des secteurs les plus denses du site et sujet à une importante stratification incluant plusieurs dizaines de trous de poteau, des fosses et une probable mare ou espace de stabulation. Si un nombre important de ces structures paraît devoir être rattaché à la période mérovingienne, il est toutefois envisageable qu’une partie des trous de poteau aient pu matérialiser une clôture ou un potentiel bâtiment antique fondé sur poteaux.


Une cave rectangulaire de 12,5 m² avait été perçue et sondée au diagnostic (Fig. 3). Elle pourrait correspondre à l’angle sud-est de ladite cour. Conservée sur plus d’1 m de profondeur, elle présente les atours caractéristiques des constructions romaines avec des moellons et des joints tirés au fer ; le sol est quant à lui aménagé avec un niveau de remblais mêlés à du gravier. Sa fouille a permis de caractériser une phase d’occupation suivie d’une phase de destruction et d’abandon dans laquelle on perçoit de nombreux éléments de rejets d’activités métallurgiques (suggérant la présence d’une telle activité dans les environs immédiats, cependant clairement hors emprise de fouille). Son abandon est daté de la première moitié du 3e s. de notre ère. La cave était dotée d’un creusement circulaire central parementé, toutefois assez étroit et profond, correspondant vraisemblablement à un puisard.

Fig. 3 : La cave (zone 1). Crédit : Cine@drone, Éveha, 2022.

Le reste de l’occupation se développe visiblement vers l’est, hors emprise, puisqu’un muret et un fossé, que nous supposons antique, se percevaient dans la berne. En outre, la partie sud de cette occupation antique est marquée par la présence d’une importante mare longeant le côté méridional de la cour. Il est possible que cette vaste fosse ait eu une vocation d’extraction de matériaux de construction dans un premier temps, puis de mare dans un second temps. Ses abords étant en effet grossièrement aménagés avec des remblais de démolition et un empierrement constitué d’éléments récupérés sur les bâtiments antiques et notamment la cave (une des marches de la cave était présente dans ledit empierrement). Toujours dans ce secteur, et dans cette zone particulièrement stratifiée, un puits a été sondé manuellement et mécaniquement. Le fond de cette structure volumineuse (environ 4 m de diamètre) n’a pas été atteint ; elle a été observée sur plus de 3,5 m de profondeur. L’essentiel du mobilier présent dans le comblement supérieur était datable de la période mérovingienne (env. 476 à 700 de notre ère), mais la localisation de cette structure nous laisse penser que sa création est probablement à mettre en relation avec la période antique du site.

Le mobilier céramique, principalement découvert dans le comblement de la cave, indique que l’essentiel de l’occupation antique appartient aux 2e – 3e siècles de notre ère. L’Antiquité tardive (env. 3e au 5e s. de notre ère) est également attestée, mais de manière plus ténue, principalement à travers la découvert de tessons de DSP (Dérivées de sigillées paléo-chrétiennes) datables du 5e s. observés dans les comblements de la mare et du puits.

La période mérovingienne

C’est toutefois la période mérovingienne qui représente la principale occupation du site. Concernant la zone 1, la vaste mare située le plus au sud semble toujours en usage à cette période. Plusieurs bâtiments sur poteaux y sont également attestés ; les plans de ces derniers ne sont pas toujours très clairs de par la complexité de la stratigraphie dans certains secteurs. Cependant, deux bâtiments complets et dotés de plans très nets ont pu être observés et intégralement fouillés en limite ouest de la zone 1 (Fig. 4), la lisibilité de ce secteur n’étant pas impactée par les vestiges antérieurs de la période antique.

Fig. 4 : Plan des deux bâtiment mérovingiens (zone 1). Crédit : Éveha, 2022.


Un premier bâtiment rectangulaire est composé d’une quinzaine de poteaux répartis sur 80 m² (près de 11 m de long pour 7 m de large), un foyer était présent au niveau de la paroi sud du bâtiment. Le second bâtiment bien identifié se situe immédiatement au sud-ouest de celui précédemment évoqué. Quelques poteaux sont désaxés dans l’organisation interne du bâtiment, néanmoins le plan est facilement appréciable et l’on se rapproche cette fois-ci davantage d’une forme carrée avec une longueur d’environ 5,5 m pour 4,5 m de large (surface de 26 m²). De la même manière que le précédent, un foyer a été observé à hauteur de sa paroi sud. Ainsi des datations radiocarbone pourront être envisagées pour compléter les premières observations céramologiques.


Une autre structure fort intéressante a été découverte associée à ces deux bâtiments. Il s’agit d’une citerne (Fig. 5) de forme circulaire d’1,8 m de diamètre et profonde d’1 m. Elle a été creusée dans le substrat puis dotée d’un cuvelage régulier au moyen de moellons et rognons de silex. Située à la jonction exacte entre les deux bâtiments, on peut imaginer que cette structure était alimentée par les eaux pluviales coulant sur les toitures.

Fig. 5 : Coupe de la citerne après fouille (zone 1). Crédit : Éveha, 2022.

La zone 2 est également très dense en structures mérovingiennes ; on note cependant un niveau de conservation nettement plus médiocre, les vestiges y sont arasés et compliqués à regrouper en ensembles cohérents. Plus d’une centaine de trous de poteaux sont associés à une poignée de foyers et de fossés permettant de suggérer l’existence de plusieurs bâtiments qui sont pour l’heure assez mal cernés. Le mobilier céramique découvert est assez rare au sein de la zone 2, mais néanmoins très homogène eu égard à celui observé sur la première zone. Pour cette période des 6e – 7e s., on envisage donc l’existence d’un véritable hameau dont l’ampleur n’est pas totalement perçue. Si les limites nord, ouest et sud paraissent assez bien limitées à la prescription de fouille, il paraît très clair qu’il se développait vers l’est, sous la route actuelle et l’usine Thalès.

L’ensemble funéraire mérovingien

Un petit ensemble funéraire vient compléter les découvertes relatives à la période mérovingienne sur la zone 1. Cet ensemble est composé de deux inhumations (Fig. 6 et 7). La première concerne un individu immature, vraisemblablement féminin, doté d’une boucle d’oreille réalisée dans un fil d’alliage cuivreux et d’un petit objet en fer pour l’heure non identifié (possiblement une agrafe) disposé sur son abdomen. La seconde sépulture était quasi accolée à la première et recoupait par ailleurs les fondations antiques de la cour ; il s’agit d’une sépulture double d’individus matures enterrés simultanément mais néanmoins séparés par deux coffrages distincts. Les deux sépultures adoptaient une orientation nord-ouest sud-est et semblent pouvoir être datées des 6e-7e s.

Fig. 6 : Détail de la sépulture d’immature. Crédit : Éveha, 2022.
Fig. 7 : Sépulture double mérovingienne. Crédit : Éveha, 2022.

Les occupations postérieures

L’occupation humaine semble abandonnée de manière définitive au cours de la période mérovingienne et ne dépasse pas le 7e s. En effet, aucun mobilier carolingien (env. 700 à 1000 de notre ère) ou postérieur n’a été observé, mis à part quelques tuiles à crochets et de fugaces éléments datés de la période moderne. Pour cette période, un modeste chemin caractérisé par la présence d’ornières recoupant les structures mérovingiennes traverse la zone 2 du sud-ouest au nord-est (Fig. 8).
Quelques fosses, dont une grande fosse d’extraction au comblement hydromorphe, bordent ce dernier ; tandis que des fossés drainant peu profonds à l’orientation sensiblement identique sont localisés tout à l’est. Ces quelques éléments modernes sont probablement à rattacher à l’ancienne métairie de la Tafforie (attestée au moins depuis le 16e s.) qui était située dans le secteur et, vraisemblablement, non loin de l’emprise de fouille.

Fig. 8 : Chemin moderne. Crédit : Éveha, 2022.