DAUBEUF-PRÈS-VATTEVILLE (27) – Les Champs de Senneville

Les fouilles archéologiques menées sur le site de Daubeuf-Près-Vatteville – Les Champs de Senneville ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Samuel Lelarge et de Marc-Antoine Thierry. Elles interviennent dans le cadre du projet d’extension d’une carrière par la société Lafarge Granulats. Les recherches ont permis de mettre au jour plusieurs occupations humaines s’échelonnant entre la Protohistoire et le haut Moyen Âge.

L’opération porte sur une superficie de 2,8 ha, divisée en deux zones. La zone 1 (16 000 m²) était réputée, d’après le diagnostic, accueillir un établissement rural antique, trouvant peut-être une origine gauloise. La fouille avait donc pour objectif de caractériser cette occupation, tant dans ses composantes fonctionnelles et spatiales, que dans sa chronologie.

La prescription de la zone 2 (12 000 m²) était, quant à elle, motivée par la présence de vestiges alto-médiévaux. En s’appuyant sur les résultats du diagnostic, l’objectif était donc de mettre en exergue les éléments structurants (réseaux fossoyés principalement) et les différents pôles d’activité (habitat(s), artisanat(s),…).

La Protohistoire récente

L’occupation de la fin de l’âge du Fer est centrée sur son étape ultime (La Tène D, 90-25 av. notre ère), sans toutefois exclure l’existence de quelques éléments plus anciens. Un système fossoyé, fermé sur deux ou trois côtés, accueille un vaste bâtiment (fig. 1), peut-être d’autres de plus petit format, accompagné d’une nuée de fosses. Quelques structures situées en dehors de l’enclos pourraient lui être plus ou moins contemporaines (fosses, four, clôture, etc.), mais il convient d’attendre l’examen approfondi du mobilier archéologique pour statuer sur la question.

Fig. 1 : Vue par drone d’un bâtiment protohistorique. Crédit : Éveha, 2022.

La période antique

L’occupation gallo-romaine s’inscrit dans la continuité de l’occupation gauloise et elle en reprend d’ailleurs la trame organisationnelle. Désormais, la quasi exclusivité des vestiges est circonscrite par un réseau de fossés aux tracés parfaitement orthonormés et orientés selon un axe Est-Ouest / Nord-Sud. Ils enserrent de multiples structures comprenant des bâtiments sur poteaux et solins de silex, d’une cave, des celliers, des fours, etc. (fig. 2)

Le mobilier archéologique est relativement abondant et diversifié (céramique, verre, faune terrestre et aquatique, TCA, torchis, petit mobilier métallique, monnaies, etc). Ne pouvant aller plus en avant dans l’interprétation à ce stade de l’étude, le seul constat qui peut être dressé est l’existence d’un habitat rural relativement dense. Il est également encore trop tôt pour se prononcer sur la chronologie fine de l’établissement. Les contextes du Ier s. ap. J.-C ., qui apparaissaient esseulés aux premières heures de la fouille, sont finalement assez nombreux et ils présument de l’existence d’une occupation flavienne (voire pré-flavienne) fort active. À contrario, l’on peine encore à mesurer l’importance du gisement au cours de l’intervalle de temps IIe -IIIe s. (1ere moitié) et il conviendra d’attendre les résultats de l’étude céramique afin de trancher entre l’hypothèse d’une contraction de l’occupation ou celle d’un déplacement du cœur de l’activité domestique.

Fig. 2 : Vue par drone d’un bâti antique (grange, étable?). Crédit : Éveha, 2022.

Les observations de terrain – qui appellent nécessairement à être vérifiées par les travaux de post-fouille – ne laissent guère présager la pérennité de l’habitat antique au-delà du milieu du IIIe s. de notre ère.

Le haut Moyen Âge

Les vestiges du haut Moyen Âge s’égrainent sur plus de deux hectares (zones 1 et 2 – fig.3 et 4). Ils forment plusieurs unités d’habitat associant bâtiments sur poteaux, fonds de cabane, fours, silos, etc. Signalons également la présence d’une dizaine de tombes installées dans un bâtiment gallo-romain, dont les ruines devaient encore marquer le paysage quelques siècles après son abandon. Ponctuellement, d’autres sépultures, souvent difficilement caractérisées du fait de leur pillage, jalonnent la périphérie du même bâtiment.

Les corps sont déposés dans des contenants en bois, parfois des sarcophages en plâtre. Ils sont régulièrement accompagnés de mobilier funéraire : scramasaxe, couteau, fibules, plaques-boucles, assemblage de perles, etc.

Un premier examen du mobilier tend à fixer le temps fort de l’occupation entre les VIe-VIIIe siècles.

Fig.3 : Vue par drone d’un imbroglio de structures mêlant bâtiment (s) protohistorique (s), palissade (?) antique et édifices du haut Moyen Âge. Crédit : Éveha, 2022.
Fig.4 : Vue verticale d’une tombe mérovingienne. Crédit : Éveha, 2021.

Les études du mobilier ainsi que le dépouillement des données se poursuivent actuellement et permettront, dans les mois à venir, de restituer la chronologie fine et la nature des occupations humaines des lieux depuis la Protohistoire.

Les résultats devront ainsi être mis en perspective avec l’environnement archéologique immédiat à la prescription, notamment l’importante occupation antique dégagée en 2021 au lieu-dit « Les Champs de Saint-Martin » (Dir. Sophie Pillault-Inrap) ou encore certaines découvertes anciennes, comme la nécropole mérovingienne du Mont-Joyeux.

Fig.5 : JEA – guide Drieu M. Crédit : Éveha, 2022.