MORIGNY-CHAMPIGNY (91) – 2 bis rue des Ponts

Les fouilles menées sur le site du « 2 bis rue des Ponts » à Morigny-Champigny (91) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité d’Hélène Pollin. Elles interviennent dans le cadre du projet d’aménagement de logements collectifs par la société Continental Foncier.

Jointive de l’abbaye bénédictine médiévale de la Sainte-Trinité et bordée par la rivière Juine, la parcelle concernée a fait l’objet d’un diagnostic archéologique réalisé par l’Inrap en juin 2020. Les résultats de celui-ci ont conduit le Service Régional de l’Archéologie d’Île-de-France (DRAC) à prescrire une fouille sur la totalité de l’emprise, soit 6 200 m².

Cette opération, menée au printemps 2023, a permis la découverte de près de 350 structures, dont la datation s’étend pour l’instant du Xe au XVIIIe siècle.

Plan masse du site du « 2 bis rue des Ponts » à Morigny-Champigny (91). Crédit : Éveha, 2023.

Connaissances préalables de l’abbaye

L’abbatiale de la Sainte-Trinité de Morigny a été fondée à la fin du XIe siècle, suite à une importante donation au profit de moines bénédictins originaires de Saint-Gemer-de-Fly dans l’Oise. L’église est consacrée en 1119 par le pape Calixte II.

La Guerre de Cent Ans stoppe net son expansion. Le site est pillé et incendié, peut-être en 1411, année du siège d’Étampes. Dès la fin du XVe siècle, puis à partir de 1525, l’abbaye est restaurée mais à nouveau pillée durant les guerres de Religion. Faute d’entretien, en 1575, la partie occidentale de la nef s’écroule.

L’abbaye est dissoute en 1743 : certains bâtiments sont alors démolis, les autres sont vendus en 1791 comme biens nationaux, excepté le chœur qui devient l’église paroissiale. Enfin, le château dit « de Marigny » et son parc sont aménagés entre les XVIIIe et XIXe siècles sur une partie du logis abbatial et des bâtiments conventuels.

Une planche de l’Atlas de Trudaine (datant de 1745) figure l’ensemble de l’abbaye avant démolition et montre la présence de deux jardins sur l’emprise de la fouille. L’un borde la rue des Ponts qui traverse la Juine. Cet axe ancien relie deux tracés routiers antiques de direction nord-est / sud-ouest : la voie Paris-Orléans à 800 m à l’ouest et une voie secondaire traversant le bourg ancien à moins de 300 m à l’est. Le second jardin, plus grand, s’étend quant à lui vers le nord et correspond vraisemblablement aux jardins des religieux.

Extrait de l’Atlas de Trudaine. Crédit : Archives départementales de l’Essonne / Éveha, 2023.

Des découvertes datées du Xe au XVIIIe s.

La fouille atteste d’une première phase d’occupation au haut Moyen Âge, représentée par des fossés parcellaires. L’installation et le développement de l’abbaye au XIIe siècle marque une redistribution de la parcelle. En front de rue, l’occupation se matérialise par un espace bâti vernaculaire se développant le long de la rue du Port (aujourd’hui rue des Ponts), accès principal au village de Morigny et à l’abbatiale depuis la voie Paris-Orléans.

Vue aérienne par drone de la zone dense en bord de rue. Crédit : Éveha, 2023.

Ce secteur, particulièrement développé aux XIIIe-XIVe siècles, est délimité par des murs de jardins sur lesquels s’accolent de petits bâtiments excavés, probables lieux de stockage.

Vue générale d’un bâtiment de stockage. Crédit : Éveha, 2023.

De nombreux aménagements hydrauliques sont également présents, démontrant une grande maîtrise de la gestion de l’eau. Quinze canalisations, puits, citernes, et possibles fosses de travail de fibres textiles, ainsi qu’un canal, se succèdent jusqu’au XVIe siècle le long de la rue.

Puits ou latrine médiévale. Crédit : Éveha, 2023.
Bois conservés au fond d’une citerne rectangulaire. Crédit : Éveha, 2023.
Bois conservés au fond d’une citerne circulaire. Crédit : Éveha, 2023.
Canal du XVIe siècle coupant à la fois un puits médiéval et une fosse du verger du XIVe siècle. Crédit : Éveha, 2023.

En limite d’emprise, six sépultures marquent les franges d’un cimetière se développant certainement en direction de l’abbaye.

En arrière de la parcelle, l’espace paraît dévolu à des cultures dont la nature n’est pas encore bien définie. Au XIVe siècle, un verger est mis en place : il est matérialisé par de grandes fosses de plantation carrées et de nombreux noyaux conservés dans certaines structures, encore humides, utilisées comme dépotoirs.

Vue en coupe d’une fosse de plantation d’arbre du verger. Crédit : Éveha, 2023.

Dans le courant du XVIIIe siècle, après l’abandon de l’abbaye et le remblaiement de l’ensemble de la parcelle avec d’épaisses couches de terre à jardin visibles dans les coupes stratigraphiques, un grand vivier piscicole est installé en bord de rivière, probablement pour conserver poissons et coquillages frais jusqu’au transport via la Juine.

Vivier à poisson du XVIIIe siècle. Crédit : Éveha, 2023.

L’étude de ces vestiges et du mobilier issu de la fouille est encore en cours. Elle visera à affiner la chronologie complexe du site et à remettre en contexte chaque phase d’occupation avec son environnement : l’évolution de l’abbatiale, les axes de communication et la trame villageoise de Morigny.

Droit et revers d’un plomb de scellement de marchandise de la fin du XVIe siècle, issu de l’abandon du verger. Crédit : Éveha, 2023.