Les fouilles menées sur le site de Bayonne, 10 rue des Gouverneurs ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Louise Biscarrat dans le cadre du projet de réaménagement de la médiathèque par la mairie de Bayonne. La fouille, divisée en une zone de fouille sédimentaire et une zone de suivi de travaux, a révélé des vestiges d’occupation de la deuxième moitié du Moyen Âge et de l’Époque moderne.
Fig. 1 : Plan général de la fouille. Crédit : Éveha, 2023.
- TP : trou de poteau
- US : unité stratigraphique
- st de chauffe : structure de chauffe
Que se passe t-il dans la sous-emprise 2 ?
Pour le traitement de la sous-emprise 2, les observations se sont limitées, pour des raisons de sécurité, à des relevés stratigraphiques en coupe et à des dégagements ponctuels en plan, des structures car les décaissements pouvaient atteindre 4 m de profondeur. La construction dans les années 1970 du bâtiment nord de la médiathèque a fortement perturbé les niveaux archéologiques. Une grande fosse ou tranchée de fondation a été observée le long du bâtiment, comblée par des éléments provenant de la démolition des bâtiments antérieurs. De nombreux réseaux ont également été installés dans cette zone, venant impacter la lecture des vestiges. Les relevés réalisés sur les paliers de sécurité au sud de la sous-emprise ont révélé la présence de nombreux remblais et fosses contenant du mobilier céramique et de la faune qui semblent dater de l’Époque moderne. Dans ces niveaux sont installées les canalisations bâties en calcaire de Bidache qui viennent assurer l’assainissement du site, ainsi qu’une maçonnerie orientée NE/SO. Ces structures sont installées bien au-dessus des fosses et remblais ayant livrés du mobilier en abondance et semblent de ce fait plutôt récentes. Les canalisations dallées viennent par ailleurs percuter les maçonneries conservées à l’est.
En fond de décaissement, au nord-ouest de l’emprise, l’angle d’un bâtiment en grande partie détruit par les aménagements contemporains a été mis au jour. Il est construit avec une succession d’assises de moellons en calcaire blanc et de briques. Le chaînage d’angle est construit avec des blocs taillés en calcaire de Mousserolles. Un potentiel niveau de sol en terre cuite apparaît contre le mur du côté intérieur de l’angle du bâtiment. Ce bâtiment ne figure pas sur les plans de l’Époque moderne et pourrait être associé à la période médiévale, notamment par ses modalités de construction. Le calcaire de Mousserolles est un matériau tendre, un calcaire jaunâtre, sableux et friable parfois constitué d’un amas de coquillages. Ce calcaire est très utilisé dans la construction des édifices bayonnais à l’époque médiévale notamment au cours des XIIIe et XIVe siècles. Il provient d’une carrière située dans un quartier proche du centre-ville, où l’extraction a cessé dans le courant de l’Époque moderne. Si sur le site le calcaire de Mousserolles a également été observé en remploi dans des maçonneries plus récentes, il pourrait constituer un indice pour dater certaines de nos maçonneries de l’époque médiévale. Plus généralement, les maçonneries potentiellement médiévales semblent s’installer dans un limon-argileux brun, contenant des charbons, des terres cuites architecturales, des nodules de mortier et de la céramique. Cette couche vient directement reposer sur le substrat argileux jaune. Il n’y a donc aucun indice pouvant attester de la présence d’une occupation de l’Antiquité et du haut Moyen Âge.
L’occupation dans la sous-emprise 3
Les vestiges d’une cave
Le long de la rue de l’Abesque, le décapage a permis de mettre au jour les deux départs de voûte d’une cave (Fig. 2). Le sommet de cette voûte a été détruit ou s’est effondré, probablement lors de la destruction des bâtiments. L’intérieur est entièrement comblé par des niveaux de démolitions dans lesquels se trouvent de très nombreux blocs taillés, notamment des éléments d’architecture. Les bâtiments se situant du côté nord de la rue de l’Abesque ont été détruits en 1970, ils apparaissent sur des plans de la ville de Bayonne dès 1694. Nous ne disposons cependant pas d’indications précises nous permettant de dater cette construction, mais elle vient couper les murs des autres bâtiments, ce qui nous conduit à la rattacher à une des phases les plus récentes de l’occupation du site.
Fig. 2 : Vue de l’emprise avec la cave et la cathédrale de Bayonne. Crédit : Éveha, 2022.
Des constructions à la fonction indéterminée
Sur le reste de la sous-emprise 3, deux espaces semblent se distinguer, illustrant probablement des occupations de périodes différentes. Au sud-est de l’emprise, la zone est occupée par des bâtiments fortement perturbés par les aménagements récents, ainsi que par le sondage réalisé dans les années 1970. On y observe deux bâtiments potentiels. Un deuxième espace situé le long de la rue de l’Abesque et devant le porche de la cathédrale, semble se dessiner sans que l’on ne comprenne l’articulation entre les différentes maçonneries. Dans cet espace, s’installent des constructions en brique, qui pourraient être en lien avec un système de chauffage des bâtiments. Le long de la rue de l’Abesque un niveau dallé de canalisation ou de caniveau a été observé et pourrait se rattacher à d’anciens niveaux de voirie. Dans l’ensemble, cette zone est marquée par des niveaux rubéfiés et charbonneux apparaissant directement sous les niveaux de circulation actuels et par un épais remblai formé par une couche de calcaire de Mousserolles pulvérulent visible entre la rue et une première construction. Ce remblai contient notamment des os humains en positions secondaires, parfois présentant une certaine cohérence anatomique. La présence de ces ossements pourrait attester de la présence de niveaux funéraires perturbés par les aménagements postérieurs, bien qu’il puisse également s’agir d’un apport extérieur de sédiment.
Au nord de cette première construction, les niveaux archéologiques semblent davantage conservés et se développent de part d’un mur (Fig. 3). Les deux pièces sont marquées par des niveaux d’incendies qui ont rubéfié les sols ainsi que les parements intérieurs des murs. Dans ces pièces, cinq foyers construits en dalles de terre cuite ont été fouillés relativement proches les uns des autres, ce qui pose donc la question de la fonction de ces pièces (artisanat, cuisine ?) (Fig. 4).
Fig. 3 : Vue générale du foyer. Crédit : Éveha, 2023.
Fig. 4 : Vue générale de la pièce avec foyer. Crédit : Éveha, 2023.
Une phase plus ancienne d’occupation a été observée dans un second temps de décapage illustrée par la présence de deux foyers en galets. Des trous de poteaux viennent compléter cette occupation qui semble être la plus ancienne du site.
Au niveau de la rue des Gouverneurs devant le porche de la cathédrale, les relations entre les maçonneries sont perturbées par l’installation d’une maçonnerie en « abside » qui correspond aux limites cadastrales actuelles et pourraient illustrer la présence d’un portail ou d’une entrée vers le square et l’ancien évêché (Fig. 5).
Fig. 5 : Vue générale des niveaux recoupés par les canalisations. Crédit : Éveha, 2023.
Conclusion
La fouille réalisée au 10 rue des Gouverneurs nous a permis de révéler l’organisation d’un îlot d’habitation de Bayonne de la fin du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Malheureusement, l’opération n’a pas permis de documenter la présence de niveaux d’occupation de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, période absente à ce jour dans ce secteur de Bayonne, ni d’observer de sépultures intactes, illustrant la présence de cimetières devant le porche de la cathédrale.
Les recherches se poursuivent désormais en laboratoire à partir des données collectées sur le terrain. Elles permettront d’affiner notre compréhension de cet secteur de la ville.