JAVERLHAC (24) – Le Bourg

Le suivi de travaux mené sur le site de Javerlhac-et-la-chapelle-Saint-Robert (24)  –  Le bourg a été réalisé par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Jérémy Coulaud en préalable au projet de pose de réseaux d’assainissement porté par la Communauté de communes Périgord Nontronnais. Les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges datés du Moyen Âge à l’époque contemporaine.



Fig. 1 : Plan général des vestiges. Crédit : Éveha 2024.

À l’époque médiévale

L‘église Saint-Étienne de Javerlhac a probablement été fondée au XIIe siècle. Dans son état initial, elle se composait d’une nef simple, sans bras de transept débordant, et d’un chevet semi-circulaire ou plat. Le château de Javerlhac, quant à lui, aurait été érigé au cours du XIIIe siècle. Le premier indice d’une seigneurie est en effet attesté autour de 1248 avec la mention d’« un certain Bernard Renoult, chevalier détenteur d’un hospitum dans le bourg ». Tous ces éléments permettent de dépeindre une partie du visage du bourg médiéval de Javerlhac.

Concernant les vestiges médiévaux mis au jour lors du suivi de travaux, un niveau de voirie a été découvert au niveau de l’actuelle rue du Pont (Fig. 2). Composé de galets posés à plat, cet aménagement semble représenter le premier état du niveau de circulation à proximité du château et de la rivière du Bandiat, à environ 1,10 m de profondeur par rapport à la route actuelle. La fondation d’un mur, dans la partie sud-est de la rue du Pont, peut également être considérée comme telle. Les nombreux réseaux présents à cet endroit ont donc fortement perturbé les niveaux anciens et récents. Le reste des rues impactées par les nouveaux travaux d’assainissement n’a pas livré d’éléments datables de cette période.


Fig. 2 : Vue en plan du niveau de voirie en galets. Crédit : Éveha 2024.

À l’Époque moderne

Une grande majorité des vestiges archéologiques retrouvés date de la période moderne et se concentre à proximité de l’église et du château au sein des rues du Pont, du Bandiat et de la route de Mareuil. La tranchée réalisée lors de la pose d’un regard a révélé deux maçonneries fortement perturbées par les réseaux de télécommunication, d’eau, d’assainissement et d’électricité. Ces constructions en pierre de taille de calcaire de moyen appareil reposent sur un sédiment argileux gris/bleuté naturel. Il pourrait s’agir du contrefort de l’angle sud-ouest et du départ du mur gouttereau sud de l’église datant du XVe – XVIe siècles (Fig. 3). La coupe réalisée sur le supposé mur gouttereau sud de la nef moderne a mis en évidence une couche limoneuse rouge avec de faibles inclusions de charbon entre la fondation et l’élévation dudit mur (Fig. 4). Ce sédiment pourrait résulter d’une destruction partielle de l’église par le feu, indiquant une reprise de l’élévation de la maçonnerie. Des analyses complémentaires pourraient éventuellement permettre de dater cette destruction afin de replacer chronologiquement la construction de la nef moderne avant sa reprise.


Fig. 3 : Vue éloignée du contrefort et de la fondation du mur gouttereau sud de l’église. Crédit : Éveha 2024.

Fig. 4 : Vue en coupe du mur gouttereau sud de l’église. Crédit : Éveha 2024.

Des sépultures en coffre ou sarcophages ont été observées, alignées selon un axe ouest-est contre les vestiges du mur pignon occidental de la nef disparue. Aucun élément humain n’a été retrouvé, malgré tout, la qualité singulière du travail des pierres qui ont été récupérées, suggère au moins deux sépultures à inhumation. Ces dernières ont probablement été aménagées lors de l’utilisation de la nef à l’époque Moderne (Fig. 5).

Un niveau de voirie de la même période, composé d’un mélange de cailloux et de mortier blanchâtre, a été observé à 0,40 m de profondeur sous le bitume (Fig. 6). Partiellement perturbé par les réseaux contemporains, ce niveau de circulation est visible sur la route de Mareuil, la rue du Pont et la partie orientale de la rue du Bandiat. Un épais remblai, composé d’argile et de blocs bruts, sépare le niveau de circulation médiéval et moderne, ce qui correspond à des travaux de rehaussement pour la nouvelle voirie. De plus, quelques maçonneries éparses ont été découvertes sur le tracé des tranchées. Leurs constructions en blocs bruts de calcaire de gabarits hétérogènes, leurs absences de liant de mortier, ainsi que leurs emplacements et profondeurs indiquent une fonction de limite de parcelles
(Fig. 7).


Fig. 5 : Vue d’un coffrage d’une sépulture à proximité du contrefort sud-ouest de la nef moderne. Crédit : Éveha 2024.

Fig. 6 : Niveau de circulation moderne sous la route de Mareuil. Crédit : Éveha 2024.

Fig. 7 : Exemple de mur de parcelle dans la rue du 19 mars 1962. Crédit : Éveha 2024.

Un dalot (petit canal recouvert d’une dalle) a été mis au jour dans l’extension de la tranchée autour du regard. Construit sur cinq assises mêlant des moellons équarris allongés et des blocs bruts de calcaire, la structure est orientée selon un axe nord-est – sud-ouest (Fig. 8). La couverture est constituée de blocs bruts de calcaire, reposant sur les parois de la canalisation. Les pierres sont liées par un mortier de couleur grise, tandis que la transition entre l’assise supérieure et la couverture présente un mortier blanchâtre avec des graviers. Cette différence suggère une reprise partielle, plutôt récente, de l’aménagement. L’emplacement de la canalisation recoupe l’extrémité du mur gouttereau sud de la nef moderne, qui n’est pas représenté sur le cadastre napoléonien. Il est possible que la nef moderne ait été raccourcie lors de sa reconstruction pour permettre l’installation de ce dalot. Cette hypothèse pourra être confirmée ou infirmée lors de la post-fouille.


Fig. 8 : Vue de l’intérieur du dalot présent sous la route de Mareuil. Crédits : Éveha 2024.

À l’époque contemporaine

La transition entre l’époque moderne et l’époque contemporaine n’est pas encore clairement définie. La découverte de plusieurs maçonneries à une faible profondeur confirme la présence de limites parcellaires, telles qu’observées sur le cadastre napoléonien de 1826. Ces délimitations ont été retrouvées dans la rue du 19 mars 1962, la route d’Angoulême et la portion méridionale de la rue du Bandiat. De même, lors des travaux de terrassement visant à rehausser le niveau de circulation à l’époque moderne, d’épais remblais constitués de pierres et de blocs divers ont été observés dans les coupes stratigraphiques des tranchées. Une couche particulièrement limoneuse, de couleur rouge et noire, parsemée de scories, se trouve sous la couche de préparation de la voirie actuelle (Fig. 9). La commune de Javerlhac a utilisé des fours pour la fabrication de canons durant la seconde moitié du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle. L’abandon de ces fours au profit d’un four à chaux à partir de 1864 pourrait être à l’origine de cette couche de remblai. Les remblais de terrassement ont également livré un mobilier archéologique en faible quantité. Enfin, dans la portion orientale de la rue du Bandiat, à proximité immédiate des vestiges potentiels de la nef moderne, un ensemble de maçonneries a été dégagé. Il s’agit de l‘ancien bâtiment présent sur la parcelle n°99 identifiée sur le cadastre napoléonien de 1826. Plusieurs murs porteurs et de refend y ont été identifiés. De même, un sol en dalle de béton a été découvert sur un niveau de sol antérieur en terre battue (Fig. 10).

Les recherches à venir

En laboratoire, les études de spécialistes vont être lancées sur les tessons de céramique, mais aussi sur les restes anthracologiques et anthropologiques afin de caractériser le cimetière et les abords de l’église.

De plus, des recherches historiques viendront affiner notre compréhension sur l’histoire de l’église ainsi que sur la morphogenèse du bourg de Javerlhac autour de l’église et/ou du château jusqu’au XIXe siècle.

Enfin, l’analyse des données des relevés bâti de l’église devront permettre de déterminer plus précisément les différentes phases de construction, en lien avec les vestiges découverts (contrefort, mur gouttereau sud et dalot).

Ainsi, les études permettront à terme de contribuer à une meilleure compréhension de l’occupation autour de l’église voire du château.


Fig. 9 : Coupe des remblais sur le route d’Angoulême. Crédits : Éveha 2024.

Fig. 10 : Vue en plan du sol en dalle de béton. Crédits : Éveha 2024.