LAGARDÈRE (32) – Le château

Les fouilles menées sur le site du château de Lagardère ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Teddy Loupmon. Elles interviennent dans le cadre d’une nouvelle phase de restauration souhaitée par l’association Lagardère, propriétaire du château et accompagnée par l’architecte du patrimoine, S. Thouin. Ces recherches ont notamment permis de mettre au jour plusieurs éléments architecturaux correspondants vraisemblablement à l’aménagement, à l’occupation et à l’abandon de la salle nord.

Fig. 1 : Vue du château depuis le nord-est, cliché drone. Crédit : Éveha 2023.

Projet, objectif et contexte de l’opération archéologique

Le projet d’aménagement et de mise en valeur du château de Lagardère comprend la mise à niveau du sol dans la salle nord, la réalisation de sondages archéologiques en recherche du niveau de circulation originel dans cette même salle, le dégagement de la structure maçonnée située contre le parement extérieur oriental du château ainsi que le débouchage de la porte faisant le lien entre cette structure et la salle nord. Les travaux programmés lors de cette nouvelle phase de restauration offraient donc l’opportunité d’étudier la chronologie de recouvrement des sols et ainsi d’aborder les séquences d’occupation de l’édifice, d’abandon et de récupération des matériaux (talus).

Au travers de la surveillance archéologique des travaux, les objectifs fixés par le cahier des charges scientifiques visaient à compléter et à approfondir les connaissances sur le château de Lagardère et sur son occupation au cours du temps. Par ailleurs, le dégagement du massif empierré situé à l’extérieur du château devait offrir l’opportunité d’éclairer l’hypothèse de l’existence d’un fossé et de sa structure de franchissement et/ou d’accès. Le débouchage de la porte orientale, dont le percement date vraisemblablement du XVIe siècle, devait également permettre d’étudier la mise en œuvre de cette dernière ainsi que la relation entre la salle nord et le massif maçonné qu’elle surplombe.

Fig. 2 : Plan d’implantation des sondages et de l’emprise de fouille, d’après le plan de S. Thouin. Crédit : Éveha 2023.

À l’extérieur du château

Le premier sondage réalisé correspond au dégagement de l’intérieur de la structure bâtie extérieure. Le fond de fouille atteint correspond à un niveau d’arrêt arbitraire, laissant apparaître entre 1,45 m et 1,20 m d’élévation. Ce dégagement partiel permet donc de réaliser les travaux de consolidation initialement prévus dans le projet de mise en valeur du château (Fig.3).


Fig. 3 : Vue du sondage SD 1 et de la porte bouchée depuis l’est. Crédit : Éveha, 2023.

Toutefois, ce niveau d’arrêt correspond à un changement d’unité stratigraphique. Il est marqué par un niveau très argileux et compact (US 3). L’espace est essentiellement comblé par une accumulation de déblais de démolition. L’ouverture de ce sondage a également permis d’observer plusieurs éléments d’aménagements liés à sa construction. En effet, les murs latéraux de la structure (MR 2 et MR 4) sont accolés au mur est du château (MR 1), mais non chaînés à ce dernier. Ces observations permettent de confirmer l’hypothèse d’une construction et d’un aménagement tardif, sans aucun doute, en lien avec l’ouverture de la porte aménagée dans le mur du château.

Fig. 4 : Vue zénithale des sondages SD 1 et SD 3, © Éveha 2023.

Notons également que le mur (MR 3) situé parallèlement à MR 1 et qui ferme ST 1 à l’est, a été bâti indépendamment des murs MR 2 et MR 4 puisqu’il en est complètement dissocié
et qu’aucune trace de chaînage n’apparaît à ses extrémités (Fig.4). Ce mur pourrait correspondre à un potentiel massif initial permettant la réception du tablier d’un petit pont-levis (?).

Outre ces différents murs, plusieurs petits aménagements architecturaux ont été mis au jour. Il s’agit de deux probables trous de boulin ou de poutre traversant les murs latéraux. L’effondrement de maçonnerie observé sur les parements intérieurs de ces deux murs semble correspondre soit à une fragilité de la maçonnerie autour de ces ouvertures, soit à un arrachement du parement lié au démantèlement d’une potentielle structure en bois. Enfin, on observe une reprise de maçonnerie permettant la mise en œuvre d’une sorte d’exutoire hydraulique permettant probablement une évacuation depuis l’intérieur de la salle nord.

Fig. 5 : Vue oblique depuis le sud-est des sondages SD 1 et SD 3. Crédit : Éveha 2023.

Le sondage 3 a été réalisé le long du parement extérieur de MR 2, en recherche de sa fondation et afin de tenter de déterminer la fonction de ST 1 (Fig.5 et Fig.6). Ce sondage devait également permettre de déterminer la présence ou non d’un fossé antérieur à la construction de cette structure. Cependant, pour des raisons de sécurité et malgré la mise en place de paliers, le creusement de ce sondage n’a pas permis d’atteindre la fondation de MR 2. En effet, une profondeur de près de 3,50 m depuis l’arase de ce dernier a été atteinte sans que sa fondation n’apparaisse. Une ouverture plus large du sondage n’entrant pas dans le cadre de la prescription initiale, il a été décidé en concertation avec le Service régional de l’archéologie (SRA) de ne pas poursuivre les investigations au-delà du niveau atteint ici. Toutefois, les données issues de ce sondage, ont permis de mettre au jour ce qui semble apparaître comme le soubassement de MR 1. Ce dernier, MR 6, est constitué de plusieurs assises de gros blocs de pierre et forme un léger glacis. Tout comme la base de MR 2, la base de MR 6 n’a pas pu être atteinte.

Fig. 6 : Vue de face depuis l’est des sondages SD 1 et SD 3. Crédit : Éveha 2023.

Aussi, il est fortement probable qu’un fossé ait été présent, au moins sur le front est du château puisqu’une seule et même US a été repérée dans l’ensemble de ce sondage. Il s’agit d’une couche d’argile compacte et très homogène venant s’appuyer contre MR 2 sans qu’aucune tranchée de fondation ne soit observée. Cela pourrait donc potentiellement indiquer la présence d’un fossé comblé postérieurement la construction de cette « tour », tout comme l’intérieur de cette dernière. En effet, son comblement est en tout point identique avec la couche argileuse US 2 repérée au niveau du fond de fouille situé l’intérieur de ST 1.

Au regard de la morphologie du terrain sur lequel est implanté le château, on peut aisément penser que si la façade était précédée d’un fossé, les fronts sud et ouest devaient eux aussi en être pourvus. Le dénivelé naturel au niveau de la façade nord pourrait rendre inutile la présence d’un tel ouvrage.

À l’intérieur du château

Fig. 7 : Vue zénithale de la salle nord, dégagement du talus en cours, cliché drone. Crédit : Éveha 2023.

L’ouverture du sondage 2, situé dans l’angle sud-est de la salle nord du château, a débuté par l’évacuation du talus à l’intérieur de la salle nord du château. Mesurant près de 2 m de large et 1,20 m de haut, celui-ci venait s’appuyer sur l’ensemble du parement intérieur de MR 1 (Fig.7) et correspond vraisemblablement aux remblais issus de fouilles antérieures (Fig.8).

Fig. 8 : Vue de face depuis l’ouest du sondages SD 2. Crédit : Éveha, 2023.

Directement sous cette couche, on trouve un important niveau de remblai de démolition. Mesurant près d’1 m de haut composé essentiellement de blocs de pierre, de mortier pulvérulent et de fragment de TCA (tuiles, carreaux de pavement…), il repose sur un niveau composé d’un limon argileux d’une vingtaine de centimètres dans lequel quelques éléments de mobilier céramique et verre ont été retrouvés.

Directement dessous, se trouvaient plusieurs éléments stratigraphiques intéressants. En premier lieu, une couche qui pourrait correspondre à la préparation du sol au mortier de chaux. Aussi, cette couche se retrouve à deux niveaux distants d’environ 0,75 m, mais dont la composition est similaire (Fig.9). Ces deux « traces » de plan quadrangulaire et accolées au soubassement du mur de refend (MR 10) sont, sans doute, les négatifs des piédroits d’une cheminée aujourd’hui disparue. En effet, on peut observer sur le refend, entre ces deux négatifs, que les pierres ont subi une importante exposition à la chaleur. À l’extrémité ouest du sondage, dans l’axe de l’ouverture USC 15 et donc perpendiculairement à MR 10, deux murs MR 13 et MR 14 forment une sorte de petit couloir étroit, large d’une quarantaine de centimètres (Fig.10). Ce dernier semble être un passage desservant différents espaces en sous-sol ou caves. Cependant, il reste très difficile d’appréhender la fonction de ce passage sans une ouverture plus large et probablement même un dégagement complet de la salle nord. Aussi, l’hypothèse émise lors d’une campagne de sondage réalisée en 2012 quant à la présence d’un puits au pied de USC 15 et l’usage de ce « couloir » comme conduit d’écoulement ne semble absolument pas confirmée, car aucun indice ne permet de l’affirmer.

Fig. 9 : Vue zénithale du sondage SD 2, partie est, © Éveha 2023.
Fig. 10 : Vue zénithale du sondage SD 2, partie ouest, © Éveha 2023.

Bilan et perspectives de recherche

À l’intérieur du château, les investigations archéologiques ont permis de mettre au jour plusieurs éléments architecturaux correspondants vraisemblablement à l’aménagement, à l’occupation et à l’abandon de la salle nord. Quelques éléments mobiliers céramiques, notamment, viennent également compléter ces données. Quant à la structure maçonnée à
l’extérieur du château, les fouilles réalisées ont permis de mieux appréhender les différents éléments constructifs qui composent cette maçonnerie. De plus, il ne fait aucun doute que cette structure est à mettre en lien avec la porte qui la surplombe et qui a vraisemblablement été percée au XVIe siècle. Cependant, rien ne permet d’affirmer que ces deux constructions sont contemporaines l’une de l’autre. Des investigations complémentaires seraient donc nécessaires pour déterminer cette dernière.

Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de son occupation.