En 2023, une opération archéologique d’importance a été menée par Bruno Lepeuple à Caudebec-lès-Elbeuf, au niveau des rues Lamartine et aux Saulniers. Couvrant une superficie de 1,3 hectare, cette nouvelle opération opérée dans le cadre du projet d’aménagement porté par SCICV TER Caudebec, s’inscrit dans la continuité de la fouille de 2019 (partie sud) formant ainsi un ensemble cohérent de 6,5 hectares (Fig. 1). La fouille de ce site avait pour objectif de caractériser, définir et interpréter l’organisation des vestiges et leur succession dans le temps, tout en complétant les données enregistrées lors de la première phase. Les investigations archéologiques de 2023 ont ainsi permis de mettre au jour des vestiges s’échelonnant du Néolithique au Moyen Âge.
Contexte archéologique et vestiges anciens
La fouille se situe à proximité d’une opération archéologique de sauvetage réalisée en 1993, qui avait révélé un ensemble de bâtiments antiques. Comme lors de la campagne de 2019, les deux tiers de l’opération de 2023 se concentrent sur une terrasse de graviers surplombant une bande alluviale du Grand Ravin. Ce site se trouve à 700 mètres de la confluence avec la Seine et à 500 mètres de la cité antique d’Uggade, qui s’étend vers l’ouest. Cette situation géographique unique offre une perspective riche pour comprendre l’organisation et l’évolution des lieux au fil des siècles. Notons que de nombreux travaux ont fortement perturbé la conservation et la lecture de certains vestiges.
Des pièces lithiques résiduelles témoignent d’une fréquentation néolithique de l’espace. Quelques tessons céramiques, en attente d’étude, pourraient dater du Néolithique ou de l’âge du Bronze. La partie nord du site a révélé des éléments structurés de La Tène finale, comme un petit cellier avec un remarquable lot de céramiques, des fossés parcellaires et de potentiels bâtiments sur poteaux.

Fig. 1 : Plan des vestiges des opérations de 1993, 2019 et 2023. Crédit : Éveha 2023
L’occupation antique
Au Haut-Empire, un bâtiment (Fig. 2) de 23 × 25 mètres a été érigé. La récupération des matériaux complique l’identification d’un second état, mais la chronologie relative est partiellement préservée. L’orientation de ce bâtiment est cohérente avec les découvertes de 1993. À l’ouest et à l’est, deux murs de clôture et un profond fossé (Fig. 3) séparent l’espace. Un puits de 5,8 mètres de profondeur (Fig. 4), construit sur la base d’un cadre carrée en bois (aujourd’hui disparu) de 1,7 m de côté, se trouve à l’ouest. L’élévation, majoritairement en silex et calcaire, devient ovale à l’ouverture.



Le grand fossé est-ouest est comblé puis recoupé par un second réseau fossoyé qui se développe vers le sud, matérialisé par un enclos de 110 × 140 mètres, interprété comme la pars rustica (liée aux travaux agricoles) d’une villa du 2e siècle. La pars urbana (partie résidentielle) ne serait alors vue que très partiellement et pourrait se développer au-delà de la rue Lamartine, dans la continuité des observations faites en 1993. Bien que très arasée, elle semble avoir été de qualité remarquable, grâce à la découverte de fragments d’enduits peints (Fig. 5), essentiellement trouvés dans le puits et au sein d’une vaste fosse ayant servi au tri de matériaux pour la production de chaux.
Plusieurs petits fours à chaux ont été observés autour du bâtiment (Fig. 6). Certains sont liés à des bacs de stockage de la chaux, dont l’un (Fig. 7) montre plusieurs états d’utilisation. Un volume conséquent de matériaux a conservé l’empreinte de planches en périphérie de la fosse. La production de chaux sur le site semble liée tant à la construction qu’à la récupération comme en témoigne la découverte d’une batterie de quatre fours (Fig. 8) à l’extrémité orientale de la fouille.




Occupation médiévale
Un hiatus semble exister à partir du 5e siècle, mais une activité significative renaît à l’époque mérovingienne, concentrée au cœur de la pars rustica, au sein d’une subdivision qui fait l’objet d’une reprise partielle. Cette zone qui était, d’après le diagnostic, supposée contenir des terres noires, a été difficile à appréhender à cause des dommages occasionnés au terrain. Cependant, l’observation de huit plots a révélé la présence de micro-éléments (calcaire, terres cuites, charbons) dans la couverture limoneuse. Il ne s’agissait pas de dépôts mais de la pénétration dans le sol de matériaux déjà présents.
L’occupation mérovingienne comprend un bâtiment sur poteaux de 5 × 11 mètres et un fond de cabane (Fig. 9), liés à la récupération de matériaux du bâtiment antique. Les témoins d’activité domestique sont faibles comparés aux restes architecturaux antiques.
La fin du haut Moyen Âge voit un retrait de l’occupation vers l’est, notamment avec un enclos fossoyé attribué à l’époque carolingienne, dont seuls deux angles sont perçus. Cet enclos reprend partiellement la trame antique, influençant le parcellaire jusqu’à nos jours. Comme en 2019, un four, accessible depuis le fossé, a été mis au jour.


Les recherches se poursuivent désormais en laboratoire où les études et analyses permettront d’affiner notre compréhension de ce site et de l’environnement dans lequel il s’inscrit.