Les fouilles menées sur le site de « La Pièce Ronde » à Courcelles-en-Bassée (77) ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Bénédicte Le Dret en amont du projet d’extension d’une carrière par l’entreprise Cemex Granulats. Les investigations archéologiques, conduites sur une emprise de 4,3 hectares, ont permis de mettre au jour plusieurs occupations allant du Néolithique à la fin de l’âge du Fer.
La principale découverte ayant motivé la prescription d’une fouille préventive est la présence d’une enceinte palissadée d’environ 3 hectares, dont le tracé quasi complet enserre la butte sableuse sur laquelle elle est installée. Une très forte densité de structures, dont la chronologie reste à préciser, a pu être observée à l’intérieur. Un grand nombre de vestiges mobiliers diachroniques est également présent en position secondaire dans les paléochenaux qui cernent le dôme au nord et au sud, ainsi que dans une légère dépression centrale. Les transects réalisés au sein de ces formations indiquent qu’ils sont principalement comblés de colluvionnements.
Une enceinte palissadée
La première occupation du site semble remonter au Néolithique moyen II, avec la mise en place d’une enceinte bordant une aire enclose de 3 hectares. Le fossé principal se développe sur environ 620 m de longueur, en suivant le relief d’une montille sableuse et comporte plusieurs sections et interruptions. L’aménagement est matérialisé par une tranchée d’environ 0,50 à 1 m de largeur et sa profondeur conservée varie de quelques dizaines de centimètres au nord-est à plus de 1,20 m pour sa portion ouest. Les sondages ont révélé des parois étroites et un fond en cuvette, et laissent envisager la construction d’une palissade interne constituée de poteaux jointifs. Des traces de réfections et de remaniements indiquant son entretien ont pu être observées en différents endroits.
Au sud-ouest, le fossé principal est doublé sur l’extérieur par trois autres sections de fossé. Leur profil diverge de celui-ci : leurs parois évasées de 1,25 m de largeur apparaissent sous une épaisseur de 0,40 m d’argile sableuse noire à forte densité de graviers, similaire à celle du paléochenal sud. Leur fond en cuvette est atteint à 0,75 m de profondeur et les sédiments qui les comblent sont plus argileux. Une autre caractéristique propre à ces sections est l’absence de trou de poteau. De plus, l’une d’entre elles renfermait de nombreux artefacts – lithiques, fauniques (parfois brûlés), et céramiques, dont un vase presque complet et les restes d’un autre écrasé en place – recueillis en partie basse de son remplissage, qui pourraient correspondre à des dépôts lors de son implantation ou de son abandon.
Les palissades supplémentaires
Deux palissades comportant une ou plusieurs rangées de trous de poteau ont été localisées à l’est et au sud. Elles coïncident avec les deux portions de l’enceinte qui sont hors emprise. Ces ensembles linéaires sont composés d’une vingtaine de trous de poteau, de 0,30 à 0,40 m de diamètre pour des profondeurs atteignant 0,10 à 0,20 m, régulièrement espacés d’un mètre. La troisième, située au sud-ouest et longue de 74 m, est formée de 120 trous de poteau, suivant l’orientation nord-ouest – sud-est de l’enceinte à cet endroit. Ils prennent place pour partie dans l’espace interne du tracé au nord, puis entre les deux portions de fossés au sud.
Les bâtiments sur trous de poteau
Parmi les 1751 trous de poteau appréhendés au sein de l’enceinte se distinguent au minimum, en plus des trois palissades, 16 plans de bâtiments en matériaux périssables aux modules variés, dont les creusements sont majoritairement arasés en raison de leur implantation et de la dynamique d’érosion de la montille.
À l’est, ce sont des unités architecturales comprenant entre 4 et 12 poteaux qui ont été fouillées, tandis qu’à l’ouest c’est un bâtiment carré de 9 m de coté qui a été étudié. Leurs comblements limono-sableux sont homogènes et oscillent du brun foncé au brun clair, certains d’entre eux conservant même une empreinte de poteau.
Au sud-est de la dépression centrale, les vestiges de 6 grands bâtiments rectangulaires orientés ouest-est et structurant un vaste espace de 1000 m² ont été mis au jour. Le plus occidental et le plus grand d’entre eux se caractérise par un ensemble de 12 trous de poteaux au nord dont deux présentaient des éléments de calage. Plus à l’est, une série de trous de poteau légèrement désaxés vers le sud vient compléter cet alignement pour former deux bâtiments accolés, chacun d’environ 30 m de long et 6 m de large. Bien qu’aucun élément discriminant ne distingue ces ensembles, leurs dimensions ne sont pas sans rappeler le type d’architecture monumentale de la fin du Néolithique. De manière générale, leur datation reste incertaine au vu de la faible quantité de céramique récoltée.
Les structures de stockage
Un grand nombre de structures de dimensions plus conséquentes occupe l’espace au nord de la dépression centrale et dans une moindre mesure à l’est. Il s’agit pour l’essentiel de silos et de fosses circulaires dépassant 1 m de diamètre, aux parois verticales ou piriformes avec un fond plat, variant de 0,20 à 0,80 m de profondeur. La céramique prélevée dans ces structures, dont une forte proportion de vases de stockage, permettra de déterminer plus précisément la chronologie et le phasage des différentes occupations s’échelonnant du Néolithique au second âge du Fer en passant par le Bronze final. Les vestiges pouvant être rattachés au Néolithique au sein de l’enceinte semblent toutefois plus discrets et se concentreraient dans un rayon de 60 mètres vers l’est.
Les sépultures
Deux sépultures ont été mises au jour au sud-ouest de l’emprise. La première est localisée dans l’environnement immédiat du tracé de l’enceinte principale et recoupe en partie l’un des trous de poteau de la grande palissade. L’individu, en dépôt primaire, repose en position hyper-fléchie dans une fosse très arasée d’une dizaine de centimètres de profondeur. La seconde sépulture prend place au sein du fossé d’enceinte externe. Il s’agit de restes de fragments de crâne et de fémur de deux immatures et du crâne d’un adulte en position secondaire. Leur étude et leur datation permettront de déterminer s’ils sont contemporains de l’occupation du Néolithique.
Le site de Courcelles-en-Bassée vient ainsi compléter le corpus de sites comparables d’enceintes du Néolithique moyen dans le secteur de la Bassée, tout en constituant un exemple inédit de par son ampleur.
Les études du mobilier ainsi que des données récoltées se poursuivent actuellement et permettront d’affiner nos connaissances de ce site et de ses occupations.