LA MOTTE TILLY (10) – Les Sables de la Trématte – Zone Nord phase 2

Les fouilles menées sur le site des « Sables de la Trématte – Zone nord phase 2 » à La Motte Tilly ont été réalisées par le bureau d’études Éveha sous la responsabilité de Nicolas Loew. Il s’agit de la troisième intervention en trois ans sur des terrains contigus. La fenêtre totale ouverte avoisine les 15 hectares et est définie au nord et à l’ouest par une noue ancienne marquant une frontière naturelle. Les opérations archéologiques interviennent dans le cadre du projet d’aménagement de CEMEX Granulats pour l’extension d’une carrière d’extraction.

Les investigations de cette dernière phase ont permis de mettre au jour un important système fossoyé, des bâtiments sur poteaux, des puits, une inhumation, des fosses polylobées, un dépôt de faune, les abords d’un paléochenal (noue) et des anomalies naturelles. Les datations préliminaires effectuées durant la phase de terrain attribuent les vestiges au Mésolithique, au Néolithique, aux différents âges du Fer et à l’époque antique.

Les résultats de la prospection pédestre

En amont de la phase de terrain, une prospection pédestre a été réalisée sur l’intégralité des emprises réservées par la prescription archéologique, soit 140 000 m² environ. Sept archéologues, dont un topographe, sont intervenus durant une semaine pour quadriller la zone de prospection dès les labours réalisés. La collecte, bien que modeste au regard de la superficie (288 artefacts), révèle toutefois des zones de concentration de mobilier lithique intéressantes, essentiellement sur la zone nord. La corrélation entre les zones de concentration de surface et les structures sous-jacentes a été mise en évidence sur une carte de densité. Les points chauds se concentrent dans des zones riches en anomalies anthropiques qui n’ont pas été mises en avant au cours de la phase de diagnostic archéologique.

Carte des densités des données de prospection. Crédit : Éveha 2023.

La phase de terrain

L’emprise de la fouille est de 53 000 m², dans un espace réservé de 70 000 m² pour la partie réalisée en 2023. Les occupations concentrent 757 faits. Les premiers résultats des observations des spécificités de certaines fosses ancrent possiblement les premières traces d’occupation du site au Mésolithique. Un bruit de fond du Néolithique moyen est défini par du mobilier céramique dans des anomalies naturelles, un possible bâtiment sur poteaux et une inhumation. Quelques indices d’occupation de l’âge du Bronze sont à noter. Le premier âge du Fer est bien présent, mais sans pouvoir le rattacher à des ensembles architecturaux au stade actuel des études. Le second âge du Fer est la période la mieux représentée par le mobilier et les structures archéologiques. On note la présence de mobilier attribuable à la période antique. Enfin, la période médiévale-moderne a été mise en évidence sur le site.

Une occupation Mésolithique

L’occupation la plus ancienne mise au jour lors de la campagne de fouilles de 2023 concerne le Mésolithique avec un possible système de fosses profondes qui se développe le long de la noue, dans la partie nord de la prescription.

Fosse du Mésolithique. Crédit : Éveha 2023.

Une occupation néolithique

Des traces d’occupation du Néolithique moyen sont observées sous la forme d’une inhumation, de quelques fosses de chasses et d’un possible bâtiment en « croix ». Ce dernier pourrait indiquer une installation domestique dès le Néolithique. Un nombre conséquent d’artefacts en silex taillé est présent sur le site. Leur contexte de découvertes est principalement hors structures, en intrusif dans des structures apparaissant plus récentes et dans les abords de la noue. Une constante a été observée sur tous les éléments récupérés (avant étude par les spécialistes), à savoir le caractère « non achevé » des outils.

Sépulture attribuée au Néolithique moyen. Crédit : Éveha 2023.
Fosse de chasse. Crédit : Éveha 2023.

Du mobilier de l’âge du Bronze

Aucun fait n’a pu être attribué à l’âge du Bronze. Néanmoins, du mobilier retrouvé hors structure est attribuable à cette période, à l’image des deux épingles en bronze découvertes à proximité des fossés, au nord de la noue. La datation proposée pour ces éléments serait comprise entre -1100 et -950 avant notre ère.

Épingle en bronze. Crédit : Éveha 2023.

Des occupations de l’âge du Fer

Dans la continuité chronologique, l’occupation du premier âge du Fer est avérée, a minima, par un enclos palissadé. Le retour des études et les phasages chronologiques devrait permettre de définir les limites de l’occupation de cette période.

Photo aérien de l’enclos palissadé. Crédit : Éveha 2023.

Le second âge du Fer est le mieux représenté sur l’emprise de fouille. La continuation des fossés « monumentaux », déjà visible sur la phase sud (2022), a livré beaucoup de mobilier métallique sous la forme d’outils divers, une épée, une monnaie et des morceaux de bracelets. L’épée a été envoyée en radiographie avant la stabilisation et la possible mise en place d’une rénovation partielle, si le fourreau est conservé.

Le mobilier céramique est aussi bien représenté avec une datation préliminaire s’orientant vers la fin du second âge du Fer. Des éléments de crâne humain ont été identifiés au cours du lavage du mobilier. Le cas était déjà présent sur l’opération de 2022, avec une datation par radiocarbone du Néolithique moyen. Dans la continuité du retour nord du grand fossé, un alignement d’une vingtaine de trous de poteau, axé sud-ouest nord-est, marque une séparation de l’occupation domestique du second âge du Fer et des abords de la noue. Un possible système d’entrée est identifié au centre de cet alignement . Un grand bâtiment sur « module porteur à paroi déportée » est situé au centre de l’emprise de fouille. Le mobilier découvert dans les structures est principalement constitué de restes céramiques, mais il faut noter la découverte d’une monnaie relativement bien conservée. Les observations avant nettoyage et étude semblent tendre vers un potin représentant une tête casquée sur le recto et un taureau chargeant sur le verso, avec un annelet sur le poitrail, ou en seconde option, un bronze à l’oiseau. Les deux propositions sont rattachables à la région de Sens, et liées au peuple des Sénons.

Mise en évidence des marquges des poteaux porteurs du grand bâtiment sur « module porteur à paroi déportée ». Crédit : Éveha, 2023.
Potin attribuable aux Sénons. Crédit : Éveha 2023.

Les occupations suivantes

Quelques fosses ont pu être attribuées, dès le terrain, à la période antique grâce à la céramique. Aucune organisation apparente ne semble se dessiner. Une villa romaine est identifiable à moins de 500 mètres au sud du site (visible sur les photos aériennes).

En sus des unités architecturales mentionnées ci-dessus, on compte 33 entrées supplémentaires. Ce sont principalement des bâtiments sur quatre ou six poteaux, de dimensions variables. Un exemple se démarque avec une possible plateforme installée sur neuf structures, à proximité directe de la noue. Les fossés, bordant la noue au nord, forment un système relativement complexe. Sur les trois faits identifiés, un seul pourrait dater de la période pré-antique.

La succession des trois phases de fouilles contiguëes a permis la mise en place de différents protocoles, l’intervention et la collaboration de spécialistes de différents horizons et une vaste couverture des thématiques de recherche. Les découvertes sont à mettre en perspective avec les sites voisins : elles permettent de faire progresser la compréhension de chaque site tout en suggérant les possibles relations qu’ils entretiennaient. De même, les études environnementales et architecturales permettront de mieux saisir l’implantation de l’occupation humaine dans son espace naturel.