AVRIGNY (60) – La Grande Pièce de Labré

Une fouille archéologique, menée au printemps2023 sur la commune d’Avrigny- La Grande Pièce de Labré par le bureau d’étude Éveha sous la responsabilité de Grégoire Ratel, intervient en amont d’un projet de construction d’une plateforme logistique, portée par la société SNC Avrigny. Composée d’une équipe de treize personnes, la fouille s’est développée sur une superficie de 6,5 hectares sur trois secteurs distincts. L’opération a ainsi rendu possible la mise au jour d’occupations datant du Néolithique, de l’âge du Fer et de l’Antiquité. L’opération a également contribué à mettre en évidence les fondations d’un ancien moulin à vent mentionné dans les Archives.

La période néolithique

Implanté sur un plateau limoneux, le secteur néolithique a révélé des structures relativement éparses. La fouille a permis de récolter des fragments de céramique ainsi que quelques pièces lithiques travaillées (lames, grattoirs, etc.). Dans cette zone, une structure de forme oblongue et allongée a révélé un corpus céramique relativement important. Mais ce sont la présence de deux fours circulaires à pierres chauffées (silex et blocs de grès), particulièrement bien conservés qui ont retenu l’attention (Fig. 1). La fonction de ces fours est, à ce jour, difficile à préciser mais une utilisation à des fins culinaires est néanmoins privilégiée. Des analyses physico-chimiques à la recherche de résidus alimentaires pourront ainsi être menées en laboratoire sur des pierres prélevées au cœur des fours.

Fig. 1 : vue d’un des deux fours néolithiques. Crédit : Eveha, 2023.

Des vestiges protohistoriques

La période de l’âge du Fer se caractérise par une occupation en aire ouverte. La présence de cinq bâtiments sur des modules à quatre ou six porteurs, orientés nord-ouest/sud-est et nord-est/sud-ouest sont à noter. Du mobilier céramique ainsi qu’un ensemble faunique relativement indigent ont été retrouvés à proximité de cette occupation humaine. Des prélèvements de sédiments effectués dans les vestiges seront étudiés par des spécialistes, dans le but de nous apporter des informations complémentaires sur le contexte paléo-environnemental de cette période.

Durant l’Antiquité…

La période gallo-romaine est représentée par un établissement rural en aire fermée. Deux enclos quadrangulaires, de surcroît appréhendés dans leur intégralité, viennent ainsi ceinturer l’occupation. Dans l’espace interne des enclos, des bâtiments construits sur quatre poteaux porteurs ont été mis en évidence, suggérant la présence de greniers. Ces structures ainsi que deux silos ont été localisés dans la partie nord-est de l’établissement rural. D’autres bâtiments sur des sablières basses ont également été retrouvés durant la fouille, dans la partie centrale. La fonction de ces édifices localisés sur le point haut du site, reste à ce jour incertaine. A l’est de ces constructions, excavée dans le substrat crayeux, une cave de plan rectangulaire a pu être appréhendée. Un mur bâti de moellons de calcaire grossièrement équarris, disposés à plat et en épi a été mis en évidence dans la partie occidentale de la cave (Fig.2). Délaissée, cette structure a ensuite servi de fosse-dépotoir. Sa fouille a alors permis de retrouver un mobilier archéologique riche et varié (fragments de céramique sigillée, rejets de faune, fragments de terre cuite architecturale, objets métalliques, objets en tabletterie, etc.). Un niveau brun de 5 cm tapissant le fond de la cave a été relevé et témoigne d’un probable reliquat de plancher. Au nord-ouest de l’occupation, les archéologues ont mis en évidence la présence d’un fond de cabane (Fig.3). Creusée sur une quarantaine de centimètres de profondeur, cette structure est d’une dimension assez importante (3,50 m de long et 2,80 m de largeur, pour une superficie au sol d’un peu moins de 10 m²). Des aménagements internes, comme de petits trous de piquets et des traverses ont été décelés durant la fouille. Enfin, à l’ouest de l’établissement, un bâtiment construit sur une centaine de petits poteaux porteurs a identifié (Fig. 4). Supportant un possible plancher en matériau périssable, la fonction de séchoir est à ce stade envisagée. Un four dont la fouille à mis en évidence plusieurs soles et plusieurs niveaux de rechapage en calcaire a aussi été retrouvé au sein de cet ensemble (Fig. 5). Toutefois, les observations faites sur le terrain tendent à suggérer une chronologie de fonctionnement distincte entre les fours et le bâtiment sur poteaux.

Fig. 2 : vue du mur de la cave. Crédit : Eveha, 2023.
Fig. 3 : vue du fond de cabane. Crédit : Eveha, 2023.
Fig. 4 : vue par drone du supposé séchoir. Crédit : Eveha, 2023.
Fig. 5 : vue de la stratigraphie du four. Crédit : Eveha, 2023.

Découverte d’un ancien moulin à vent

Enfin, fait rare en archéologie, la fouille du site a permis de mettre au jour les vestiges d’un moulin à vent sur pivot. Fondé sur une croisée en blocs de calcaire équarris, le moulin était orienté selon le sens du vent (Fig.6). Des excavations mises au jour sur le pourtour de la structure permettaient d’ancrer dans le sol le système directionnel du moulin. Des fragments de meule ont été retrouvés en réemploi dans l’aménagement d’un puits à proximité. Ceci suppose des réfections du système de mouture du moulin et une utilisation pérenne de ce dernier. Des objets mis au jour dans le contexte archéologique du moulin, notamment un lot de monnaies, permettent d’entrevoir une période de construction à la fin de la période médiévale et une utilisation jusqu’au milieu du XIXè s., période supposée de sa destruction. Une étude archivistique amènera plus d’informations à ce sujet.

Fig. 6 : vue des fondations du moulin à vent. Crédit : Eveha, 2023.